Intervention de Jacques Bompard

Séance en hémicycle du 24 novembre 2015 à 15h00
Modernisation du système de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter l’ensemble du corps médical qui s’est dévoué pour soigner, panser et assister les victimes des attentats islamistes qui viennent de blesser notre pays. Ses membres sont l’honneur de notre pays !

La France a eu la meilleure médecine du monde, la meilleure couverture territoriale, les personnels les plus dévoués, les éléments les plus innovants, les universités les plus pointues. Aujourd’hui, notre pays connaît un phénomène de désertification médicale sans comparaison. À Bollène, une ville de 15 000 habitants, on ne trouve pas un seul médecin généraliste pour soigner la population. Partout, les constats empirent : recrudescence de l’automédication, fatigue du fait de transports harassants, encouragement à l’exode rural, tout cela à cause de la fermeture d’hôpitaux qui met en danger la sécurité publique.

Comme d’habitude, l’État a pratiqué la politique de la rustine, ouvrant des maisons médicales ou instaurant des systèmes de fléchage. À quand la fin du numerus clausus, qui entraîne la fuite de milliers de nos étudiants à l’étranger pour se former aux pratiques médicales ? À quand une sélection renforcée à l’entrée en faculté de médecine plutôt qu’une compétition violente en première année ? Bref, à quand le traitement des causes plutôt que l’encouragement aux errements cosmétiques ?

Nous rencontrons partout les mêmes absurdités idéologiques qui meurtrissent notre pays. Ainsi, Valeurs actuelles rappelait la semaine dernière que les principales causes de souci évoquées par les médecins sont l’excès de paperasserie, pour 62 % d’entre eux, et l’augmentation des contraintes collectives, pour 47,3 %. L’étatisation de la médecine est aussi une angoisse prégnante dans le milieu médical. Alors que peu de diplômés s’engagent dans le secteur libéral, vous proposez une généralisation du tiers payant qui revient à mettre le système de soins en coupe réglée. Après tout, le déficit de la Sécurité sociale ne s’élève qu’à 11 milliards d’euros ! L’augmenter est une excellente idée !

On ne s’étonnera pas que 40 000 médecins aient manifesté à Paris en mars dernier, surtout quand vous leur annoncez une grande conférence de la santé le 11 février prochain, après le vote de la loi. Le vendredi 13 novembre avait même lieu une opération « santé morte ». Quel mépris des corps sociaux ! Les infirmières, les psychomotriciens, les médecins légistes et tant d’autres : pas un domaine médical n’est épargné par l’ire que vous avez provoquée !

Comment pourriez-vous d’ailleurs continuer à bénéficier de la confiance des corps sociaux quand vous vous arc-boutez sur la loi Évin tout en laissant se développer des salles de shoot ?

Les professionnels de la filière vino-viticole réclament une distinction entre l’information oenologique et la promotion de l’alcoolisation. Comment pouvez-vous le leur refuser ? FranceAgriMer a d’ailleurs montré que la consommation de vin était entendue comme une consommation culturelle, un signe identitaire de promotion de nos terroirs. J’ajoute qu’en diabolisant ces professions, le Gouvernement insulte les 500 000 acteurs de cette magnifique filière française.

Vos bons amis des associations idéologiques n’ont d’ailleurs cessé d’insulter les médecins. Je pense par exemple à l’Association pour le droit à mourir dans la dignité, dont les pratiques de communication indignes revenaient à l’instrumentalisation perpétuelle de la relation entre le patient et son médecin. Décidément, ce quinquennat aura été marqué par la catastrophe des promesses du candidat à la présidentielle !

Se pose aussi la question de l’incitation à pratiquer. Or le projet de loi du Gouvernement n’en finit pas de pousser à l’étatisation de la médecine – étatisation qui insupporte les professionnels et illustre encore la dictature de l’idéologie dans un quinquennat qui aura décidément fait de la persécution des corps sociaux une marque de fabrique.

Cette persécution se complète par une somme de mesures idéologiques absolument insupportables. J’évoquais il y a quelque temps des mesures comme le délit d’entrave ou d’autres recommandations idéologiques qui choquent profondément nombre de praticiens. J’évoquais également le traitement des soins palliatifs dans une loi sur la fin de vie qui préféra l’euthanasie à un questionnement de fond sur l’ensemble des structures de soins palliatifs. Mais là encore, je ne devais recevoir que les remontrances des ministres.

Défendre l’anthropologie traditionnelle ? Scandale ! Considérer le monde comme un univers dont nul n’a le droit de briser les équilibres ? « Réaction » ! Rappeler que la famille est le premier rempart contre toutes les afflictions ? « Heures les plus sombres de l’histoire » ! À force de répéter des formules aussi creuses que compassées, les catastrophes se multiplient et la fragmentation de la nation s’accentue.

Il ne faut pas considérer que la santé est indépendante des autres sphères de notre organisation sociale. Il y a quelques heures, j’étais à la Fondation Jérôme Lejeune.

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