Je tiens tout d'abord à indiquer que je représente mon directeur général, Monsieur Pascal Faure, qui n'a pu se rendre à cette audition. Je suis, au sein de la DGE, le chef du service de l'industrie qui emploie une centaine de personnes et qui est organisé en trois grandes sous-directions, chacune composée de bureaux sectoriels. Notre administration assure un suivi des grands secteurs industriels et l'un de nos bureaux, représenté cet après-midi par son chef, Monsieur Alban Galland, est spécialisé dans le secteur automobile.
Je reviendrai sur la manière dont nous travaillons avec les grands acteurs du monde de l'automobile ainsi qu'avec le CNI et le comité stratégique de filière– que vous avez cités. J'aborderai aussi les questions de financement des projets de recherche-développement par le FUI.
Il existe quatorze comités stratégiques de filière (CSF), correspondant chacun à une grande filière industrielle. Les CSF résultent des travaux menés en 2009-2010, à la suite des Etats généraux de l'industrie, ayant institué le CNI. Douze CSF ont été créés au départ, puis d'autres sont venus les compléter. Nous disposons d'un comité stratégique dans la filière automobile pour la raison évidente que cette industrie est structurante pour notre tissu économique et d'ailleurs pour l'ensemble de l'industrie française. Ces comités stratégiques ont pour vocation première d'oeuvrer à l'organisation des échanges entre les entreprises d'une filière, essentiellement entre les grands donneurs d'ordres et les sous-traitants. Et la filière automobile est effectivement organisée avec deux grands constructeurs en France – Renault et PSA – et toute une chaîne de sous-traitants de rang 1 – tels que Valeo et Faurecia – à la suite de quoi on descend dans la chaîne de sous-traitance. Les comités stratégiques sont organisés de façon à permettre un « trilogue » entre les organisations patronales, les organisations syndicales représentatives des salariés et les pouvoirs publics – c'est-à-dire l'administration chargée du domaine. Selon les CSF, plusieurs administrations peuvent être concernées. En l'occurrence, c'est le ministre chargé de l'industrie qui suit le CSF automobile. Les CSF se réunissent en session plénière une fois par an, voire plus si nécessaire, et sont organisés en un bureau et avec des groupes de travail fonctionnant régulièrement selon les différents plans d'actions définis et conduits au fur et à mesure. On compte parmi les membres du CSF automobile un vice-président, Monsieur Michel Rollier – par ailleurs président de la Plateforme de la filière automobile (PFA) et ancien grand dirigeant de Michelin – ; pour les organisations patronales, l'ensemble des grands acteurs du secteur – Renault, PSA, Valeo, ou encore Plastic Omnium … – ; les organisations professionnelles c'est-à-dire les grandes fédérations – la Fédération de l'industrie mécanique, l'Union des industries et des métiers de la métallurgie, les fédérations représentant les équipementiers et les réparateurs automobiles – et enfin, les grandes organisations syndicales impliquées dans le secteur automobile.
Dans chaque CSF, un contrat stratégique de filière, négocié entre ses partenaires, prévoit plusieurs actions. En matière automobile, un nouveau contrat a été défini et validé il y a peu ; le comité stratégique s'étant réuni pour la dernière fois en session plénière au mois de septembre. Ce contrat prévoit une nouvelle feuille de route pour la période 2015-2017 et des actions à mener. La première action – « Se projeter » - vise à la définition d'une stratégie pour la filière à moyen-long terme et à permettre d'anticiper les besoins de compétences et de mieux accompagner l'employabilité des salariés. La deuxième action – « Innover » – concerne les grands programmes prioritaires de recherche et développement. On y retrouve les questions technologiques de réduction de la consommation, avec le véhicule « deux litres aux cent kilomètres », d'amélioration de la production grâce au développement d'usines du futur et le traitement de tout ce qui peut avoir un fort impact sur la filière automobile, comme l'utilisation de nouveaux matériaux. La troisième grande action – « Se développer » – vise à travailler sur les questions d'organisation et de consolidation de la filière. Il y a toute une gamme de sous-traitants dans le secteur automobile dont la masse critique est insuffisante. C'est pourquoi un travail est effectué afin d'essayer de restructurer la filière et ainsi de faire monter en gamme les petites et moyennes entreprises (PME), de constituer des entreprises de taille intermédiaire (ETI), de les rendre plus fortes et de leur permettre d'aller à l'international. Le dernier grand axe de ce contrat stratégique de filière s'intitule « Collaborer » : il vise les relations entre les entreprises de la filière et en particulier les relations entre les grands donneurs d'ordres et les sous-traitants. Vous le savez, un des points problématiques pour les entreprises réside dans la pression que font peser les grands donneurs d'ordres sur leurs sous-traitants et dans le fait que les sous-traitants aient connu des difficultés ces dernières années, liées peut-être à une pression trop importante d'entreprises comme Renault et Peugeot. Cela peut aussi expliquer des différences entre ce qu'il se passe dans les filières automobiles française et à l'étranger.
Schématiquement, le CSF automobile est une organisation que l'on retrouve dans d'autres filières industrielles. Mais l'automobile est un des secteurs industriels dans lesquels on peut vraiment parler de filière au sens de répartition d'une chaîne de valeur existant entre les entreprises. Lorsqu'un nouveau programme tel que le véhicule « deux litres aux cent kilomètres » est développé, il faut aborder des questions de motorisation, de matériaux et de performance automobile au sujet desquelles toute la chaîne est-elle affectée : lorsqu'on allège la structure d'un véhicule, il faut que tous les sous-traitants puissent contribuer à cet objectif.
Le CSF automobile dépend d'une superstructure qu'on appelle le Conseil national de l'industrie (CNI). Ce dernier réunit les représentants des organisations patronales – le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) –, les grandes organisations syndicales et l'administration. Je suis à titre personnel membre du bureau du CNI qui couvre l'ensemble des secteurs industriels – c'est-à-dire les 14 CSF. Le CNI travaille aussi sur des sujets transversaux : son objectif est de faire en sorte que l'industrie manufacturière et l'intérêt de la production en France, des entreprises et des usines françaises soient bien prises en compte par l'ensemble des politiques publiques, non seulement par le ministère de l'industrie mais aussi par les autres ministères. Le CNI rend pour ce faire chaque année quatre ou cinq avis sur de grands thèmes transversaux. Ainsi par exemple, en amont de l'élaboration de la loi pour la transition énergétique et la croissance verte, le CNI a émis un avis qui a été remis à Mme Ségolène Royal pour que soient pris en compte les intérêts de l'industrie. Le CNI a notamment voulu peser sur la définition des électro-intensifs, sur la question de l'économie circulaire et, plus globalement, sur tous les sujets traités par la loi ayant un impact sur l'industrie. Le CNI travaille aussi sur les questions de formation et sur l'attractivité des métiers du secteur. Les Etats généraux de l'industrie, qui datent de 2009-2010, ont en effet montré une certaine désaffection des jeunes à l'égard de l'industrie. Grâce à des manifestations telles que la Semaine de l'industrie, le CNI essaie de redonner envie aux jeunes de travailler dans le secteur industriel par le biais de formations initiales et de la formation professionnelle continue. Les organisations syndicales s'impliquent beaucoup dans ce travail. D'autres sujets sont suivis par le CNI tels que la transformation numérique de l'industrie, l'économie circulaire – qui vise à rendre l'industrie plus performante et plus propre grâce au recyclage des matériaux – et l'articulation entre la politique industrielle nationale et les politiques régionales, compte tenu du renforcement des compétences des conseils régionaux. Car au-delà des grands groupes implantés au niveau international, il importe de déterminer comment les PME implantées sur les territoires peuvent dans leur diversité s'intégrer à ces politiques nationales. Le CNI traite également des questions relatives à la commande publique et à l'achat public innovant. Tous ces travaux donnent lieu à des recommandations et à des échanges entre les différentes organisations membres du CNI. Ce Conseil est présidé par le Premier ministre qui le réunit en session plénière au moins une fois par an. Telle est l'articulation entre le CNI et les CSF : le CNI est une superstructure qui pilote les comités stratégiques de filière.
Le CNI est aussi impliqué dans le déploiement d'autres dispositifs mis en oeuvre par l'administration et lancés par le précédent ministre en charge de l'industrie, Monsieur Arnaud Montebourg, et repris par Monsieur Emmanuel Macron : les trente-quatre Plans de la « Nouvelle France industrielle » qui sont devenus les neuf plus une « Solutions de la nouvelle France industrielle ». Les trente-quatre plans ont été définis comme visant des objets et produits pour lesquels on estime qu'un marché va se développer d'ici à quatre ou cinq ans, pour la fabrication desquels l'industrie française a déjà des compétences et des savoir-faire. Les plans ont été élaborés à partir de cette base de compétences et cet objectif de marché et ont donné lieu à la définition d'une feuille de route qui permettra à ces entreprises d'atteindre ces marchés. Chaque feuille de route identifie les verrous – qu'ils soient technologiques, réglementaires ou organisationnels – qui empêchent de travailler sur ces produits.
Si je cite ces trente-quatre Plans de la Nouvelle France industrielle, c'est que certains d'entre eux concernaient directement le secteur automobile. Ces plans ont été regroupés en des Solutions pour la nouvelle France industrielle voulues par Monsieur Emmanuel Macron de façon à mieux appréhender et à faciliter la gestion de cette dynamique. Les plans qui concernaient l'automobile ont été regroupés au sein de la « Solution pour la mobilité écologique ». On y retrouve les grands thèmes du véhicule autonome, du véhicule à consommation « deux litres aux cent kilomètres », du stockage de l'énergie et de l'installation des bornes de recharge électrique sur l'ensemble du territoire français. Pour chacun de ces plans a été nommé et désigné un chef de projet : Monsieur Carlos Ghosn pour le véhicule autonome et un binôme PSARenault relayé ensuite par la PFA pour le véhicule « deux litres aux cent kilomètres ». C'est d'ailleurs aussi pour cette raison que l'on retrouve parmi les grands axes de recherche et développement du contrat stratégique précité une articulation entre la « Solution pour la mobilité écologique » et ce qui est prévu par la filière industrielle. C'est le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) qui pilote le plan relatif au stockage de l'énergie et le préfet Francis Vuibert, s'agissant des bornes de recharge. Chacun de ces plans donne lieu à une feuille de route et un programme d'action. Certains plans sont déjà bien avancés : une loi et un décret ont notamment été publiés en 2014 s'agissant du déploiement des bornes de recharge ; deux entreprises, Bolloré et CNR, ont candidaté et ont commencé à déployer des bornes de recharge électrique sur l'ensemble du territoire.
La « Solution de mobilité écologique » fait appel à des dispositifs de financement. Vous avez cité le Fonds unique d'investissement (FUI). Certes, ce fonds finance les projets issus des soixante-douze pôles de compétitivité sur le territoire, dont certains concernent le secteur de l'automobile. Mais le FUI n'est pas le mode de financement le plus important des projets de recherche et développement poursuivis dans le cadre de la « Solution de mobilité écologique » ou du comité stratégique de filière. En fait, le dispositif auquel nous recourons est le Programme des investissements d'avenir (PIA), plusieurs appels à projet ayant été décidés en faveur du véhicule écologique, des travaux sur les batteries et du véhicule « deux litres aux cents kilomètres ». Nous mobilisons le PIA soit sous forme de subventions, soit sous forme d'avances remboursables. Le déploiement des bornes de recharge sera financé par le PIA. Le Commissariat général à l'investissement (CGI), qui pilote les PIA, a confié à l'opérateur qu'est l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) le soin de lancer des appels d'offre pour financer les différents projets. Quant au montant exact prévu dans le cadre des PIA I et II …