L'effet de levier des pôles de compétitivité est donc double ou triple. Quant au FUI, il est de l'ordre de cent millions d'euros par an sur le budget de l'État, complétés par les budgets des collectivités territoriales. Il y a donc certes un effet de levier mais le système doit être revu.
Concernant la fixation des normes, les constructeurs français, notamment Renault et PSA, ont un discours allant plutôt dans le bon sens, c'es-à-dire dans celui d'un durcissement – notamment des normes de cycle sur bancs ou sur route. Mais ils souhaitent que nous leur laissions le temps de les appliquer. Par ailleurs, nos outils de comparaison des véhicules français et allemands montrent que les premiers sont plutôt bien placés dans les études comparatives.
Je prends acte de l'article d'Auto Moto. Il est vrai qu'il y a des capteurs partout, mais comme dans toutes les machines. Si vous réfléchissez avec un oeil d'ingénieur, vous trouverez logique d'utiliser ces capteurs pour faire de l'optimisation. Vous ne vous direz pas pour autant que les tests vont être truqués et qu'une pratique délibérée permettra de contourner les normes en vigueur. Je vous confirme donc que l'affaire Volkswagen fut une surprise et que nous n'étions pas au courant. Il n'est pas surprenant que les véhicules soient optimisés lors des tests. Mais quant à créer un logiciel permettant de détourner délibérément les tests d'homologation, c'est quelque chose que nous ignorions.
S'agissant de savoir si l'État promeut la transition énergétique en tant qu'actionnaire, je ne sais pas quel discours a été tenu par mon chef dans le cadre des conseils d'administration de Renault. Je tiens à préciser que si c'est effectivement mon chef, le directeur général, qui participe à ces conseils d'administration, moi qui suis son premier collaborateur sur les questions industrielles, n'ai pas forcément accès à toutes ces informations – et je n'ai pas à y avoir accès car il s'agit d'informations privilégiées.
La prospective relative aux évolutions des modes de transport et de la mobilité est effectivement abordée dans le cadre du CSF. Un des axes que j'ai cités a trait aux stratégies d'avenir. Certains acteurs que je n'ai pas mentionnés jusqu'ici – des centres de recherche comme l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFFSTAR), l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) et l'ADEME – financent ce type de réflexions. Le ministère de l'industrie pèse aussi sur ces acteurs : je suis notamment membre du conseil d'administration de l'ADEME et le sous-directeur chargé du secteur des transports est membre du conseil d'administration de l'IFPEN. Nous avons donc aussi la possibilité de tenir certains discours par le biais de ces instances de gouvernance.
L'articulation entre les CSF et le CNI et la coordination avec les régions sont un des grands axes de travail sur lesquels nous voulons mettre l'accent cette année et dans l'année qui vient. Il s'agit de la déclinaison de la politique de filière dans les régions. Pour ce faire, nous utilisons d'abord les réseaux de l'État, c'est-à-dire les DIRECCTE, pour essayer de travailler avec les entreprises. Ayant été en poste en DIRECCTE avant de passer à la DGE, j'ai une vision claire de ce que peuvent faire et de ce que demandent ces directions régionales. Il y a effectivement une multiplicité d'acteurs, que ce soient les chambres de commerce et d'industrie (CCI), les agences de développement, les conseils régionaux ou les métropoles, qui souhaitent se préoccuper de ces sujets – ce qui ne facilite pas la vie des entreprises. Il nous faut donc trouver entre eux une articulation.
Je vous indiquais tout à l'heure qu'au niveau national, les comités stratégiques de filière permettent un trilogue entre les organisations patronales, les organisations syndicales représentatives des salariés et l'État. Au niveau régional, on parlera de « quadrilogue » puisque nous allons rendre les comités stratégiques de filière régionaux accessibles aux conseils régionaux – les questions de financement des entreprises étant plutôt du ressort de ces derniers et le rôle des DIRECCTE étant d'établir un lien entre les niveaux national et régional.
Cela fait vingt ans que nous disons qu'il faut davantage intervenir en fonds propres. Mais cela est difficile à faire. D'ailleurs, les entreprises ne le souhaitent pas forcément. Nous essayons de renforcer le haut de bilan des entreprises et de les regrouper. Se posent des questions de développement économique liées à la taille critique, à la montée en gamme et à la possibilité pour les entreprises d'aller sur les marchés internationaux – questions auxquelles travaille un service de la DGE dédié à la compétitivité de l'industrie. Ce sont là des points qu'il nous faut effectivement traiter, dans le cadre de l'organisation territoriale de ce service, avec les conseils régionaux et sous l'égide des préfets.
De nombreux projets de véhicules de « niche » ont été lancés en France. Il faut savoir que nous les avons beaucoup aidés. En règle générale, lorsque des entreprises souhaitent s'installer et se développer, nous les considérons avec bienveillance pour peu que leur projet soit crédible. On touche là à des questions d'attractivité du territoire dès lors qu'il s'agit d'accueillir des investissements étrangers. Il se trouve que ces projets ont échoué car leur modèle économique n'est pas encore au point. Nous nous trouvons en effet dans une industrie très capitalistique et dont les acteurs sont très figés. Les constructeurs à travers le monde ont plutôt tendance à se regrouper. S'il importe de prendre des risques, les projets de niche sont extrêmement risqués.
S'agissant de la mobilité au sens large, incluant les bus, les camions et les autocars, je ne peux pas ne pas citer ici la loi Macron : compte tenu de la libéralisation des transports et de l'installation de nouvelles lignes d'autocars prévues par cette loi, le ministre, s'il ne peut forcer à l'achat de matériel français étant donné les contraintes européennes, a adressé aux constructeurs d'autocars et d'autobus un message très net en faveur de la production de véhicules propres en France. À tel point que nous réunirons demain les opérateurs de transports routiers et les constructeurs d'autobus et d'autocars afin de déterminer en quoi le développement de l'activité de services de transports pourra aussi favoriser le développement de l'activité de production.
Travailler avec les services d'intelligence économique n'est pas simple car nous n'en avons pas l'habitude. Nous sommes alertés dès lors que ces services sont au courant que certaines entreprises étrangères observent de près des entreprises françaises. Un décret relatif aux investissements étrangers en France a été publié il y a quelques mois dans le cadre de la fusion entre General Electric et Alstom. Depuis lors, nous recevons beaucoup d'informations de la part des services d'intelligence et traitons un nombre conséquent de dossiers touchant aux questions d'investissements étrangers en France et de rachat de savoir-faire et d'entreprises françaises. Une commission de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies s'est réunie en 2014 et a formulé des propositions sur les questions d'intelligence économique. Et nous nous sommes organisés au niveau interne afin d'adopter une vision plus anticipatrice et pour prendre davantage en compte ces questions d'intelligence économique et de protection de nos savoir-faire et de nos données.
Le calendrier d'application des normes change régulièrement. La norme Euro 6 est en application depuis septembre 2015 et nous travaillons avec les services de la Commission européenne à l'instauration des nouvelles normes de cycles – Worldwide harmonized light vehicles test procedures (WLTP), prévue en 2017, et RDE. S'agissant en revanche des projets de recherche-développement, tels que le programme du véhicule « deux litres aux cent kilomètres », nous nous sommes certes fixé une échéance ambitieuse de cinq ans, à l'horizon de 2020 mais il est difficile de faire des prévisions en la matière. C'est l'objectif que nous affichons mais nous savons qu'il sera extrêmement difficile à tenir. Ce sont les normes d'émissions de CO2 qui comptent puisqu'une échéance de 95 grammes par kilomètre a été fixée à 2020 : il convient dès lors que les constructeurs automobiles réalisent les investissements et les innovations technologiques permettant d'atteindre cet objectif.
La production de matériaux composites, comme tout ce qui contribue à l'allègement des structures, a effectivement de l'importance. Mais pour l'instant, le modèle économique ne tient pas car les matériaux restent trop chers pour les véhicules. C'est là une différence entre les filières automobile et aéronautique. La question de l'allègement des structures se pose en effet aussi pour les aéronefs. Mais les coûts de matériaux permis pour la construction d'un avion le sont moins pour celle d'une automobile. Il reste donc encore des efforts à accomplir en la matière.
Vous avez raison concernant l'anticipation de l'innovation : la DGE se considère comme une direction générale stratégique souhaitant se projeter et se livre régulièrement à des analyses stratégiques au-delà de celles que nous fournissent les constructeurs automobiles. Cela est difficile mais nous travaillons avec les organismes de recherche précités et certains dispositifs nous permettent de financer des études alimentant nos réflexions. C'est là un véritable défi pour notre administration. Mais c'est selon nous le rôle de l'État que d'être en mesure de savoir quels sont les grands axes et grandes orientations des différentes filières industrielles.