Intervention de Philippe Folliot

Séance en hémicycle du 25 novembre 2015 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'autorisation de la prolongation de l'engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Folliot :

Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de la défense, mes chers collègues, la France a une nouvelle fois été touchée en plein coeur par des attentats, les plus meurtriers de son histoire.

Au nom du groupe UDI et de l’ensemble de la représentation nationale, je veux rendre hommage aux 130 victimes, aux blessés qui ont survécu, notamment ceux dont les jours sont encore en danger, à leurs proches et à toutes celles et ceux qui ont craint pour leur vie et ont vécu de terribles heures d’angoisse.

Nous voulons également rendre hommage aux militaires, aux forces de sécurité et aux professionnels de santé, à leur courage et à leur professionnalisme sans faille. Face à l’horreur qui a frappé Paris et la France, nous saluons l’action du Président de la République et du Gouvernement et soutenons les décisions graves qui ont été prises. Lorsque la barbarie frappe notre pays, la cohésion nationale et le consensus politique s’inscrivent comme une évidence à consolider chaque jour, au même titre que le rejet des amalgames, du racisme, de l’extrémisme et de l’intolérance.

Ces attentats nous rappellent, de la pire manière qui soit, que la France est en guerre. Nos adversaires agissent sur plusieurs fronts, sur notre sol comme à l’étranger. Notre ennemi peut revêtir divers noms : Daech, Al-Qaïda, Al-Mourabitoune, Al-Nosra, Fajr Libya, Boko Haram, etc. En réalité, il s’agit de la même folie barbare, de la même dérive sectaire, baignée dans une idéologie de mort sans rémission possible. Notre ennemi n’a qu’un seul objectif : nous détruire, détruire les valeurs qui font la grandeur de la France et de la République, détruire l’esprit des Lumières, détruire la civilisation, détruire tout simplement le concept d’humanité.

Ces terroristes ne cesseront de nous frapper que le jour où nous les aurons anéantis. C’est pourquoi notre combat doit être total. Or, nous avons laissé Daech prendre une ampleur inédite. Cette hydre, ce monstre à plusieurs têtes enfanté par la barbarie et les renoncements coupables de la communauté internationale ne cesse d’étendre son emprise territoriale, plus particulièrement en Irak et en Syrie. Ce ne sont pas seulement des points sur une carte qui passent d’un camp à un autre : pour les populations civiles, sunnites ou non, chaque conquête territoriale des islamistes fanatisés est synonyme de nouvelles souffrances. Des crimes à grande échelle sont commis. Des massacres et des exactions sont perpétrés sans relâche contre les plus vulnérables, plus particulièrement les femmes, violées, asservies, et les enfants, réduits en esclavage. Les minorités religieuses, au premier rang desquelles les chrétiens d’Orient, les Yézidis, les Kurdes, les Druzes, ont été et sont la cible d’une terrible épuration. Ces crimes sont une insulte aux valeurs des droits de l’Homme, que la France porte fièrement en étendard.

Au-delà de l’Irak et de la Syrie, chaque semaine, chaque jour, l’influence de Daech continue de se répandre, dans les pays voisins, en Lybie et au-delà : plus d’une vingtaine de mouvements djihadistes et salafistes ont prêté allégeance à Daech.Al-Qaïda n’est pas en reste, comme le confirme l’attaque contre l’hôtel Radisson Blu à Bamako voilà quelques jours.

Le fragile équilibre du Maghreb et du Moyen-Orient est plus que jamais menacé par la folie meurtrière et destructrice de Daech. Les États vacillent. La Turquie, le Liban, la Tunisie, l’Égypte et d’autres pays encore ont été frappés. Ces pays doivent à la fois combattre les terroristes à leurs frontières et s’organiser face à l’afflux toujours plus important de millions de réfugiés. Le risque de les voir basculer dans le chaos est réel.

Cette crise sans précédent atteint également l’Europe de manière brutale. Le défi est immense. Des centaines de milliers de réfugiés tentent de rejoindre nos rivages. Si l’aide humanitaire que nous pouvons leur apporter en les accueillant est essentielle, elle ne suffira pas à résoudre le coeur du problème : tant que Daech prospérera, ces hommes et ces femmes, arrachés à leur foyer, continueront, au péril de leur vie, à tenter l’impossible pour fuir les atrocités et les territoires dévastés.

Face à ce flux migratoire d’une ampleur inédite, qui a vu déferler depuis le début de l’année plus de 700 000 personnes en Europe, l’Union européenne doit mettre en place un contrôle plus efficace de ses frontières extérieures : ceux qui veulent nous frapper ne doivent pas pouvoir profiter de la crise des réfugiés pour nous atteindre.

Mes chers collègues, les combattants étrangers venant grossir les rangs de Daech affluent de plus d’une centaine de pays. La France détiendrait d’ailleurs le triste privilège d’occuper la première position parmi les pays européens : près de 1 700 soit-disant Français seraient impliqués d’une façon ou d’une autre dans les filières irako-syriennes. Chaque individu qui rejoint ces terroristes met en péril la sécurité de la France et des Français ; n’oublions pas que la plupart des auteurs des terribles attaques sur notre sol étaient Français et avaient séjourné en Syrie ou en Irak.

La communauté internationale a manifestement sous-estimé le danger et n’a que trop tardé à agir efficacement. Le groupe UDI a soutenu, depuis leur lancement voilà deux mois, les frappes aériennes contre Daech en Syrie. Cependant, force est de constater que si ces frappes ont permis de freiner l’avancée des terroristes et de reprendre le contrôle de certaines villes, elles n’ont suffi ni à entamer une véritable reconquête territoriale ni à affaiblir durablement Daech. Nous soutenons aujourd’hui la prolongation de l’engagement de nos forces aériennes en Syrie et saluons la décision du Président de la République de l’intensifier. Cependant, nous ne pouvons pas en rester là.

Nos actions doivent à présent nous permettre d’atteindre nos buts de guerre. Je l’avais dit ici même le 15 septembre dernier, la question d’une intervention au sol reste irrémédiablement posée. Refuser d’aller combattre ces monstres sur leur sol, c’est se résoudre à ce que cette guerre ne se livre que sur le nôtre.

Soyons clairs : il n’est pas question que la France se lance seule dans ce combat. L’exigence est aujourd’hui, en appui des forces alliées de la région, d’élargir la coalition internationale en associant mieux la Russie, qui pourra intervenir sous l’égide des Nations unies et définir une solution politique concertée pour stabiliser la zone de manière durable. Ce véritable Yalta de la lutte contre le terrorisme que nous appelons de nos voeux devrait être la première réponse face à Daech.

Il appartient à la France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, d’être le fer de lance de cette mobilisation internationale et de mener, avec toutes celles et tous ceux qui placent la dignité humaine au-dessus de tout, cette lutte implacable, longue, violente, que seul un combat peut justifier : celui qui est mené au nom de l’humanité contre la barbarie.

La résolution adoptée à l’unanimité la semaine dernière permettant de prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre Daech est une première étape importante, l’étape politique. Elle doit à présent se traduire en actes et nous espérons que la rencontre du Président de la République cette semaine avec David Cameron, Barack Obama, Angela Merkel, Vladimir Poutine et les principaux dirigeants arabes de la région portera ses fruits.

Nous devons également poser la question de notre positionnement face au régime syrien. Comme je l’ai indiqué à cette même tribune lors du débat sur les vols de reconnaissance, si dans l’indicible horreur Daech et le régime syrien se valent, force est de constater que l’un nous fait la guerre et l’autre non. Il est urgent d’en tirer les conséquences, comme en leur temps Roosevelt, Churchill et De Gaulle se sont entendus avec Staline pour éradiquer le nazisme !

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