Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, madame et messieurs les ministres, chers collègues, comme le Président de la République l’a déclaré devant le Congrès la semaine dernière, nous sommes en guerre. Nous sommes en guerre contre des terroristes barbares qui ont pris pour cible ce que nous sommes, les symboles d’un mode de vie libre, laïque et pacifique.
Il s’agit d’une guerre d’un autre type, qui n’est plus conventionnelle, entre États, mais a quitté les champs de bataille et les états-majors. C’est une guerre asymétrique fondée sur l’hyper-terrorisme, une guerre qui est descendue dans la rue, dans les cafés et dans les salles de spectacles et qui tue des désarmés. Nous sommes en guerre contre Daech.
Issue d’une branche dissidente d’Al-Qaïda, cette organisation terroriste, autoproclamée depuis 2014 État islamique en Irak et au Levant, est devenue peu à peu la plus puissante et la plus dangereuse dans la région et dans le monde, en raison d’abord de l’immense territoire qu’elle contrôle.
En effet, Daech étend son influence sur environ la moitié des territoires irakien et syrien, contrôlant les principaux points de communications et axes stratégiques que sont les villes, les fleuves et les postes-frontières. Ambitionnant d’établir à terme un califat allant du Levant à l’Irak, Daech voudrait poursuivre son expansion terroriste.
Cette organisation sectaire est un danger car elle dispose de moyens financiers considérables. Sans une fortune estimée à plusieurs milliards de dollars, alimentée notamment par des avoirs récupérés dans les banques sur son territoire, l’exploitation des puits de pétrole et le racket organisé dans les zones sous son contrôle, Daech ne pourrait pas mener ses exactions barbares.
Il ne pourrait pas non plus y parvenir sans une force combattante de plusieurs dizaines de milliers d’individus venus d’Irak, de Syrie pour la plupart, et d’Occident, obéissant tous à une idéologie macabre.
Sous couvert de principes islamiques, cette organisation prône une doctrine mafieuse et criminelle pour asservir les populations sous son contrôle. Elle y parvient en menant une épuration ethnique et religieuse, en exécutant presque systématiquement les militaires et miliciens des armées irakiennes et syriennes faits prisonniers ainsi que les rebelles syriens, en massacrant des civils, notamment dans certaines communautés, comme les chrétiens d’Orient, les Yézidis, les Kurdes, pour ne citer qu’eux. Leurs méthodes d’exécutions sont toujours barbares : fusillades, décapitations, crucifiements et lapidations. C’est à juste titre que Daech est accusé de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité.
En plus de s’en prendre aux hommes, aux femmes, aux enfants, les terroristes s’attaquent aussi à l’histoire, à la culture et à l’art. Déjà, le musée de Mossoul, la cité assyrienne de Nimrod, le temple de Bêl à Palmyre ont été saccagés, dans cette volonté d’éradiquer toutes les traces d’un passé dans lequel ont coexisté les civilisations et les grandes religions.
Par son idéologie, ses méthodes et ses objectifs, Daech fait montre d’une dangerosité exceptionnelle. Son influence a pris, en une année, une ampleur considérable et, comme un mal qui gangrène, dépasse désormais les territoires qu’il a sous contrôle. L’afflux historique de réfugiés qui fuient la guerre et les massacres, drame humanitaire, en est la conséquence immédiate.
L’exportation du terrorisme en est une autre. Depuis sa base arrière, en Syrie, Daech nous touche régulièrement en plein coeur. Les événements tragiques que nous vivons depuis le début de l’année l’illustrent sombrement, qu’il s’agisse des attaques meurtrières de janvier, de celle avortée fin août dans le Thalys, ou de ce vendredi 13 de l’horreur, depuis lequel nous n’en finissons pas de pleurer nos 130 morts. Nous n’oublions pas les trois cents autres personnes qui ont perdu la vie au printemps, dans les attaques en Tunisie, en octobre, dans la destruction d’un avion de ligne russe, en novembre, dans l’attaque à la bombe à Beyrouth, et ces derniers jours à Bamako, à Tunis ou en Égypte.
Face à cette menace d’abord, à ces attaques ensuite, la France n’a pas tardé à réagir. Dès août 2014, en parallèle avec les frappes aériennes américaines menées dans le nord irakien, notre pays a commencé par envoyer, en Irak, de l’aide humanitaire aux réfugiés fuyant l’avancée de Daech, avant de livrer des armes aux forces kurdes et irakiennes, en première ligne dans le combat contre les djihadistes.
Quand, à la demande du gouvernement irakien – dans le cadre des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies –, une large coalition internationale s’est formée, la France a pris l’initiative d’organiser à Paris, en septembre 2014, une Conférence internationale pour la paix et la sécurité en Irak. Quelques jours après, elle lançait l’opération Chammal.
Basée aux Émirats Arabes Unis et en Jordanie, cette opération, forte alors de plus de huit cents militaires et d’un dispositif important comptant notamment plusieurs avions Rafale et Mirage, s’est montrée très active. En étroite coordination avec nos alliés présents dans la région, elle a permis, dans cette guerre d’usure, des avancées significatives, en fournissant un appui aérien aux forces armées irakiennes et en acquérant du renseignement sur les positions et les mouvements des terroristes.
Cependant, Daech a poursuivi ses atrocités et étendu son emprise à la Syrie. Le Président de la République, chef des armées, a alors décidé, en septembre, l’engagement de nos forces aériennes pour des vols de reconnaissance au-dessus du territoire syrien. Il s’agissait de permettre aux services français de collecter du renseignement sur les centres d’entraînement et de décision, et éventuellement de les frapper. Le Parlement a donné son aval et la France a pu bombarder à trois reprises, avec succès, des camps d’entraînement de combattants étrangers.
À la suite des attentats meurtriers commis sur notre territoire, le temps est donc venu d’amplifier cet effort en menant, pour reprendre l’expression présidentielle, « un combat sans merci ».
Nous saluons les décisions immédiates qui ont été prises par le chef de l’État, et d’abord celle d’accentuer les frappes : dix chasseurs bombardiers ont lancé des raids massifs, jamais encore réalisés en Syrie. Visant Rakka, bastion de l’État islamique, ils ont détruit des postes de commandement, un centre de recrutement djihadiste, un camp d’entraînement terroriste et des dépôts d’armes et de munitions.
Il a ensuite été décidé que le porte-avions Charles-de-Gaulle appareillerait pour le golfe persique, ce qui triple nos capacités d’action. Dès lundi, des chasseurs bombardiers en ont décollé pour frapper Ramadi et Mossoul, en appui de forces locales au sol, en progression contre les troupes de Daech. En moins de cinq jours, nos armées ont montré leur capacité de mobilisation et leur efficacité.
Nous soutenons ces frappes aussi pour la Syrie, ses 300 000 morts en quatre ans et ses quatre millions d’exilés, et pour l’Irak, son voisin, tout aussi dévasté. Car il faut également travailler à ce qui constitue, sans doute, la solution durable : une transition politique, pour redonner à ces peuples une perspective politique viable. Mais celle-ci ne pourra s’opérer que lorsqu’un coup d’arrêt définitif aura été mis à l’expansion de Daech, pour finir par son anéantissement.
Dans cette perspective, la volonté de la France, que nous soutenons, de réunir une grande coalition internationale, ou tout du moins une coordination, contre Daech, prend tout son sens, d’autant qu’une résolution, à l’initiative de notre pays, a été adoptée le 20 novembre par le Conseil de sécurité des Nations unies, permettant de « prendre toutes les mesures nécessaires » pour combattre l’organisation djihadiste.
Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient l’autorisation de la prolongation de l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien. Si nous sommes en guerre, c’est pour gagner la paix !