Intervention de Maina Sage

Séance en hémicycle du 25 novembre 2015 à 15h00
Société a bas carbone prise en compte de l'outre-mer dans les négociations de la cop 21 — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage :

Mes chers collègues, à la veille de cet événement majeur, je regrette que nous ayons été si nombreux à assister au débat précédent, mais que, pour celui-ci qui engage l’ensemble de l’humanité, nous soyons si peu. La COP 21 représente un enjeu planétaire, crucial et salutaire pour tous, pour l’avenir de l’humanité, pour notre avenir et celui de nos enfants.

La position de la France n’est pas facile. Elle fait face aujourd’hui à une double responsabilité. Elle doit accueillir la manifestation, mais aussi mener les discussions, pour elle-même et dans un cadre européen, tout en présidant cet événement afin de faciliter les négociations en vue d’un accord universel contraignant, crucial pour l’avenir.

Notre parlement, comme des centaines d’autres, ne pouvait pas ne pas prendre part à cet élan mondial. À ce titre, je souhaite remercier le président Bartolone, ainsi que le président de la commission du développement durable, monsieur Chanteguet, et le président de la délégation aux outre-mer de notre assemblée, monsieur Fruteau, pour avoir su entendre et comprendre qu’il était nécessaire que notre représentation apporte également sa contribution, son engagement et son soutien à la nation, ainsi qu’à toutes celles qui pourront s’engager à ses côtés en vue d’un accord universel en faveur de la lutte contre le changement climatique.

La discussion commune portant sur deux textes, dont l’un, proposé par la délégation aux outre-mer, est à prendre comme un message plus symbolique, j’exprimerai le point de vue du groupe UDI sur ces résolutions, essentiellement sur celle de la commission du développement durable, avant de revenir sur la situation particulière des outre-mer. Vous connaissez l’attachement de notre groupe à ces sujets cruciaux. Il soutiendra donc ces deux résolutions. De fait, même si certains postulats nous semblent encore un peu idéalistes, ils montrent la voie.

Nous devons rester responsables et fixer des objectifs réalistes. C’est le seul bémol que nous mettons à cette résolution. De même, un modèle énergétique fondé sur 100 % d’énergies renouvelables d’ici à 2050 nous paraît encore peu probable. La question de l’utilisation et de la place du nucléaire dans notre énergie reste en discussion.

Par ailleurs, alors que l’agriculture reste un secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre, le groupe UDI tient à rappeler que nos agriculteurs et nos éleveurs ont entrepris de grands efforts et qu’ils continueront de le faire. Nous avons toujours soutenu le concept d’agroécologie, mais nous ne sommes pas certains qu’il soit pertinent d’inclure des objectifs aussi drastiques de réduction des gaz à effet de serre dans le cadre de la future PAC.

Cela étant, l’esprit général est en accord avec les valeurs que nous défendons et que nous continuerons à défendre demain dans le cadre de notre niche parlementaire. Mon collègue Bertrand Pancher, qui s’excuse de n’avoir pas pu être là ce soir, défendra une proposition de résolution sur l’aide au co-développement. Tous ces sujets se rejoignent.

Nous souhaitons redire ce soir que nous sommes favorables à l’idée que les pays les moins avancés, les territoires insulaires, qui sont les premières victimes du dérèglement climatique, doivent être aidés en priorité par la communauté internationale. Cela est d’autant plus important que le changement climatique ne cesse de faire des victimes dans des pays qui sont peu préparés à résister à ces catastrophes.

Nous allons devoir nous pencher rapidement sur la question du statut des réfugiés climatiques ou environnementaux. Ce sera un enjeu très important de la prochaine décennie, auquel nous devons être préparés. Nous saluons les initiatives prises en faveur de l’aide au développement et nous continuerons à soutenir un renforcement de la mobilisation collective en ce sens.

Le texte que nous présenterons demain regroupe un certain nombre des propositions de cette résolution, comme la taxe européenne sur les transactions financières ou l’implication des acteurs dits non-étatiques. À notre sens, c’est en outre-mer plus qu’ailleurs que l’on mesure les effets de l’implication de la société civile, qu’il s’agisse des entreprises ou de l’échelon le plus local possible. Les communes ou les écoles peuvent être des fers de lance pour faire en sorte que tous les citoyens se sentent impliqués.

Derrière ces pollutions, il y a certes des entreprises, mais aussi des consommateurs. C’est le message que je porte, lorsque j’ai l’occasion de m’exprimer sur ces sujets dans divers colloques. Il est facile de pointer du doigt des États, des pays, des entreprises et des grands pollueurs, mais derrière eux, il y a des citoyens, dont nous faisons ici tous partie, qui continuent à consommer ces produits. C’est cette prise de conscience individuelle que nous souhaitons susciter.

Pour revenir aux territoires d’outre-mer, l’enjeu est crucial et salutaire. Il est urgent d’agir pour nos territoires qui sont en première ligne du changement climatique. Cela est parfois difficile à entendre. Les travaux de la délégation aux outre-mer réalisés avec mes collègues Ibrahim Aboubacar et Serge Letchimy ont véritablement démontré, en accord avec ceux de la communauté scientifique, que nous étions en première ligne, madame la ministre. Nous nous sommes aussi rendu compte qu’aussi bien dans nos territoires que dans l’hexagone nous étions très loin de faire ce constat.

Je tenais à rappeler ce soir et à expliquer très clairement à la représentation nationale pour quelles raisons nous sommes en première ligne. Tout d’abord, cela s’explique par notre position géographique sur la ceinture intertropicale, où se trouvent quasiment l’ensemble de nos territoires outre-mer. Deuxièmement, presque tous ces territoires sont des îles. Or, la capacité d’amortir les chocs climatiques dans les îles n’a rien à voir avec celle des continents. Nous sommes beaucoup moins capables d’amortir ces chocs et nous avons beaucoup moins de solutions de repli. C’est un élément majeur à prendre compte.

De plus, nos populations habitent principalement sur les côtes. Elles vivent des ressources immédiates qui les entourent. Nos îles dépendent essentiellement de leur environnement, et notre économie, centrée sur le secteur primaire, dépend essentiellement de nos ressources naturelles : l’agriculture, la pêche, la perle ou l’aquaculture. Ces ressources sont menacées, non pas demain, mais aujourd’hui déjà, par le changement climatique dont nous subissons les conséquences : réchauffement et acidification des océans, augmentation du niveau de la mer. C’est une réalité.

Sur le continent, il sera possible de reculer de cinquante, de cent ou de deux cents mètres. Mais sur un atoll constitué d’un anneau de corail dont le point culminant ne dépasse pas la hauteur de la chaire de notre présidente, où pensez-vous que nous pourrons nous replier ? C’est à ce point terrible que la menace d’un mouvement de population se profile. Ce n’est pas du catastrophisme, c’est ce que nous vivons tous les jours dans nos territoires, qui sont, je vous le rappelle, français.

Le message des outre-mer est très simple. Nous sommes convaincus de l’engagement de la France en faveur des territoires les plus vulnérables. Nous soutenons et encourageons cette démarche. Mais il nous paraîtrait inconcevable que la France oublie que tous ces territoires si vulnérables, les petits États insulaires, ont des voisins français. Le changement climatique n’a pas de frontières. La lutte contre le changement climatique impliquera des stratégies régionales. C’est pourquoi il nous semble incohérent de ne pas pouvoir avoir accès aux mêmes moyens que ces territoires.

Pour conclure, il faut donner la priorité à la clarification des moyens financiers, au renforcement de la coopération régionale et enfin faciliter les programmes d’observation qui doivent être pérennisés. Le changement climatique ne doit pas faire l’objet d’un programme sur un, deux ou trois ans, mais au minimum sur dix ou quinze années. Tel est le message que les outre-mer souhaitaient vous faire passer.

Je tiens à remercier l’ensemble des élus d’outre-mer de l’Assemblée nationale pour leur contribution à ce rapport que vous prendrez le temps de lire, je l’espère, afin de prendre vraiment conscience et de promouvoir cette idée que la France n’est pas seulement européenne et continentale, mais maritime et mondiale. Nous devrions en être fiers et comprendre l’opportunité que représente pour la France ce réseau de territoires de par le monde. La France est le seul pays au monde où le soleil ne se couche jamais, et cela grâce à ses outre-mer.

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