Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, madame la présidente de la commission des affaires européennes, dire que la conférence climatique de Paris se doit d’être un rendez-vous historique est quasiment de l’ordre de la lapalissade pour un écologiste. C’est pourquoi nous nous réjouissons que Jean-Paul Chanteguet ait pris l’initiative de ce débat et de cette résolution, qui montre la volonté de l’Assemblée nationale d’être présente dans la préparation de cette conférence.
Nous nous réjouissons aussi, madame la ministre, de votre implication en vue de la réussite de cette conférence climatique. Cela fait des mois, voire des années, que vous faites en sorte que nos concitoyens soient sensibilisés et que l’ensemble des acteurs soient mobilisés. Nous nous réjouissons enfin de l’implication extrêmement forte du Président de la République et du ministre des affaires étrangères, qui présidera la COP, pour faire de celle-ci un succès. Jamais, dans l’histoire des conférences climatiques, il n’y avait eu une telle mobilisation des organisateurs. Espérons que cela favorisera l’obtention d’un accord.
Je ne reviendrai pas sur les conséquences du dérèglement climatique que tout le monde connaît. Le fait même que l’on nous confirme que 2015 sera probablement l’année la plus chaude qu’on n’ait jamais connue depuis que l’on mesure les températures, et donc, sans doute, depuis que l’homme existe sur la terre, vient confirmer la gravité du dérèglement climatique en cours. Le nombre de phénomènes climatiques qui se manifestent aujourd’hui un peu partout dans le monde le confirme.
Malheureusement, le problème du dérèglement climatique ne se posera pas dans vingt, trente ou cinquante ans. Il est déjà très quotidien et a des implications, y compris dans les conflits ainsi que dans les mouvements de réfugiés, dus en partie aux dérèglements climatiques.
Les engagements pris par les États laissent entendre que nous trouverons probablement un accord à l’issue de la conférence de Paris. Toutefois, il ne sera sans doute pas suffisant pour respecter le plafond des deux degrés fixé par les scientifiques du GIEC, alors même qu’il faudrait sûrement se limiter à 1,5 degré, comme le confirment les propos de notre collègue sur les territoires d’outre-mer.
Même si nous savons que cet accord sera probablement insuffisant, l’essentiel est que nous puissions l’acter, mais surtout enclencher une dynamique. Le mécanisme de révision, sur lequel beaucoup d’États s’accordent aujourd’hui, devra absolument être acté dans le texte, de sorte que la clause qui prévoit une amélioration systématique des engagements des États tous les cinq ans nous permette de nous approcher vraiment des deux degrés.
D’autres conditions sont également nécessaires pour réussir la COP. La première est celle du financement. Tout le monde connaît l’engagement de consacrer 100 milliards de dollars par an pour aider les pays du sud à se développer et à se protéger des conséquences du dérèglement climatique.
Il doit être tenu. Or, pour le moment, ce n’est pas le cas. Il est donc absolument indispensable que dans les jours qui restent avant la COP 21 et pendant celle-ci, il y ait véritablement un engagement de la part des États à l’égard des pays qui vont être les premières victimes du dérèglement climatique. On en constate déjà les impacts : il y aurait eu 600 000 morts dus aux conséquences des catastrophes climatiques sur les vingt dernières années, dont 89 % d’entre eux dans les pays les plus pauvres. Nous sommes clairement dans une situation où ce sont ceux qui ont le moins pollué qui sont déjà les premières victimes. Il faut absolument, si nous voulons les embarquer avec nous dans cet accord, que tous les engagements soient tenus.
Il faut aussi que la finance prenne sa part. C’est un sujet auquel un certain nombre d’entre nous se sont attelés, y compris dans le cadre de l’élaboration de la loi sur la transition énergétique – je salue en particulier Arnaud Leroy, avec qui j’ai défendu des amendements qui permettent à la France de s’engager aujourd’hui vers la finance verte, prenant notamment en compte l’empreinte carbone due aux investisseurs. Si nous voulons réussir, nous devons sortir d’un système complètement aberrant, dans lequel les énergies fossiles et le nucléaire sont sept fois plus subventionnés que les énergies renouvelables !
La proposition de résolution mentionne aussi qu’il est absolument essentiel, si nous voulons aboutir dans des délais relativement brefs, de mettre en place un corridor pour le prix du carbone. C’est notamment ce qu’avait proposé le rapport de Pascal Canfin et d’Alain Grandjean. Un tel dispositif est vertueux et complètement indispensable.
Je suis pour ma part à l’initiative d’une proposition, défendue notamment par nos collègues brésiliens et reprise aujourd’hui par l’ensemble du groupe des 77, et je remercie Jean-Paul Chanteguet de l’avoir introduite dans sa proposition de résolution. Ce message doit être repris dans la COP : mettre en place un prix positif pour les réductions de carbone. Il s’agit non seulement d’instaurer un malus pour les émissions d’énergie fossile, mais aussi un bonus sur les réductions d’émissions. Aujourd’hui, ce mécanisme de positive pricing, comme l’appellent nos collègues, est en train de progresser dans la négociation et a été repris dans certains textes préparatoires à la COP 21. Je fonde beaucoup d’espoir sur ce dispositif parce que je pense que non seulement il est extrêmement important d’adresser des signaux positifs à ceux qui font des efforts, mais que cela peut être un mécanisme très vertueux pour faire les transferts financiers Nord-Sud dont nous avons besoin pour favoriser les technologies de développement propre.
Il faut donc aussi des transferts de technologies. Cela nécessite de l’argent mais également la volonté que les pays en développement puissent y parvenir avec les énergies les plus propres possible, notamment avec les énergies renouvelables.
Nous assistons aujourd’hui à un boom incroyable et formidable des énergies renouvelables. La chute des prix du solaire et de l’éolien permet leur développement massif à travers le monde. L’IRENA, l’Agence internationale des énergies renouvelables, annonçait ce matin que pour réussir à limiter à deux degrés le réchauffement climatique, il fallait doubler la part des énergies renouvelables dans la production totale d’ici 2030. L’Agence internationale de l’énergie, qui n’est pas connue comme particulièrement favorable aux énergies renouvelables, estime qu’en 2040, probablement 50 % de l’électricité mondiale en sera issue. Je le répète : il s’agit bien aujourd’hui d’un développement massif. Pour ma part, à la différence de notre collègue Julien Aubert, je me félicite que cette proposition de résolution évoque la volonté d’aller vers 100 % d’énergie renouvelable. Voilà l’objectif vers lequel nous devons tendre car c’est l’énergie la plus sûre, la moins chère un fois installée et, évidemment, qui n’émet pas de pollution. Passer des vieilles énergies de stock que sont le charbon, le gaz, le pétrole, l’uranium, aux énergies de flux que sont les énergies renouvelables est un objectif formidable. La France ne peut pas rester en dehors et la loi sur la transition énergétique permet d’ores et déjà de s’engager en ce sens.
Mais il faudra que la programmation pluriannuelle de l’énergie, sur laquelle nous discutons actuellement, madame la ministre, soit à la hauteur de l’objectif, notamment s’agissant de l’éolien off-shore. Il est extrêmement développé en Grande-Bretagne – plus de 1 000 éoliennes – et en Allemagne, alors que notre pays est en retard. Celui-ci n’est pas dû à ce gouvernement, il a été pris par le passé, mais nous nous devons de saisir cette opportunité dès lors que nous avons un domaine maritime aussi important. C’est non seulement nécessaire d’un point de vue environnemental et aussi tout simplement du point de vue de l’emploi. Vous ne cessez de le répéter, madame la ministre, mais vous avez raison de faire de la pédagogie : l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables recèlent un gisement d’emplois considérable… à la différence de l’énergie nucléaire.
On peut certes répéter tribune après tribune, comme Julien Aubert, que nous serions dans l’excellence dans le nucléaire, mais qui peut le croire aujourd’hui en voyant la situation de cette industrie ? Je ne m’en réjouis pas pour les salariés, sans doute dans l’inquiétude, mais il y a des moments où il faut savoir saisir les mutations qui sont en cours. C’est pourquoi EDF et AREVA doivent devenir des moteurs de la transition énergétique pour passer aux énergies d’avenir. On peut regretter, si on était fan du Minitel, qu’internet ait gagné… Mais c’est l’histoire, il faut en prendre acte. Par conséquent, à partir du moment où internet a gagné, comme aujourd’hui les énergies renouvelables, l’intérêt de notre pays n’est pas de rester bloqué sur les vieilles technologies mais de passer aux technologies d’avenir.
Enfin, je voudrais aborder un autre sujet qui importe à notre groupe : suite au constat que certaines de nos propositions parlementaires se heurtent parfois à la Constitution française, nous voulons pouvoir faire de la défense du climat un objectif de valeur constitutionnelle. Nous défendrons à cet effet une proposition de loi défendue par Cécile Duflot lors de notre niche parlementaire et nous comptons bien à cette occasion en faire un sujet de débat car cela permettrait de placer cet objectif au même niveau que d’autres qui sont aujourd’hui inscrits dans la Constitution.
Je conclurai, madame la ministre, en disant que le fait que cette conférence climatique se tienne quelques semaines après les événements dramatiques que nous venons de connaître à Paris et à Saint-Denis est un élément symbolique car nous sommes face à des défis considérables et qui sont liés. En effet, la sécheresse qui a sévi en Syrie est une des causes de la déstabilisation de ce pays. Le dérèglement climatique peut provoquer des conflits géopolitiques, et ceux que nous connaissons aujourd’hui ne sont probablement rien par rapport à ce qui risque d’arriver si nous ne réussissons pas à le juguler. Et puis le pétrole étant devenu une des sources de financement d’une partie des activités terroristes, nous avons en plus un intérêt géopolitique à ce que notre continent soit moins dépendant des énergies fossiles. En réussissant la COP21, en réussissant la transition énergétique, nous ferons la démonstration que ce qui est bon pour la planète est bon aussi pour l’emploi, pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens et pour la souveraineté de notre pays et de notre continent.