Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la présidente de la commission des affaires européennes, chers collègues, je vous remercie d’avoir pris l’initiative de cette résolution, afin que l’Assemblée nationale du pays hôte de la COP 21puisse discuter non seulement des outre-mer mais surtout d’une stratégie bas carbone.
S’agissant de ces textes et du changement climatique, il importe que nous sortions de certains sillons et, notamment, que nous cessions de croire que les changements climatiques sont un problème environnemental.
Nous sommes confrontés à un problème civilisationnel. Qu’on le veuille ou non, nous sommes à l’orée d’une nouvelle société. Que l’on veuille rester dans la période actuelle ou que l’on assume le défi qui est devant nous, nous devrons changer.
Aujourd’hui, il y a les attentats, la crise des migrants ; comme l’a dit Denis Baupin, on peut y voir aussi un effet climatique : sécheresse à la fin des années 2000 en Syrie, sécheresse encore au Soudan, qui provoque des mouvements de population, ce qui explique que cette crise soit considérée par nombre d’experts comme le premier conflit vert à l’échelle du monde. Et regardons notre propre histoire : la Révolution française a fait suite à plusieurs mauvaises récoltes, qui ont provoqué des mouvements populaires qui ont à leur tour débouché sur l’insurrection révolutionnaire.
Il importe aussi de souligner que la COP 21 n’est qu’un point d’étape, ou un point de départ vers cette société à bas carbone que nous devons embrasser. Il convient de le rappeler pour éviter toute déception. Si je suis optimiste quant à la possibilité d’aboutir à la mi-décembre à un accord, nous aurons simplement « cranté » quelques principes qu’il nous faudra réviser au fur et à mesure pour rester dans la trajectoire des deux degrés.
La COP 21 devra aussi être l’occasion de restaurer la confiance entre les différentes parties, entre les pays dits de « l’annexe 1 » et les autres, c’est-à-dire entre le Nord et le Sud. On a trop souffert de ces divisions et d’un fossé que nous avons du mal à combler.
Pour restaurer cette confiance, nous disposons de deux outils : le Fonds vert pour le climat, qu’il faudra abonder à hauteur de 100 milliards à partir de 2020 – on peut toujours discuter des modalités, mais il convient de l’abonder à la hauteur des attentes et des besoins ; et le transfert de technologies. Ce dernier point est très peu évoqué ; pourtant, une demande récurrente des grands pays émergents, ou « émergés », comme on les appelle dorénavant – ainsi l’Inde, d’où je reviens avec la présidente Auroi –, est d’avoir accès à certaines technologies qu’ils ne peuvent pas s’offrir.
Je veux aussi insister sur le rôle des parlements – et il est bien dommage que nous soyons si peu nombreux ce soir pour discuter de la stratégie bas carbone de notre pays. Vous l’avez souligné à plusieurs reprises, madame la ministre : les modalités d’élaboration du texte font débat. Nous, représentants des peuples, ne pouvons plus rester en dehors des négociations ou être de simples visiteurs au sein d’une délégation, car les accords qui vont en résulter impacteront de plus en plus le mode de vie des peuples, et par conséquent les libertés individuelles à travers le monde. À cela s’ajoute l’effet multiplicateur des changements climatiques, donc les changements que nous devrons nous-mêmes mettre en oeuvre.
Il convient de souligner la nécessité d’aboutir à un résultat sur le prix du carbone. Le débat ne sera pas tranché à la COP 21. Il faudra pourtant que nous soyons au rendez-vous, car c’est une exigence pour l’ensemble de l’économie : il n’y aura pas de société à bas carbone sans prix du carbone.
Autre point important : la place de l’Europe, qui négocie pour nous dans ces conférences des parties et qui est, avec 500 millions d’habitants, le principal marché et l’un des principaux producteurs de carbone. Il convient de regarder combien nous émettons réellement, en réintégrant la part des consommations qui sont externalisées afin de pouvoir respecter les engagements de Kyoto.
En tant qu’élu national, je regrette que le vote de ce texte issu de la loi de transition énergétique ne donne pas lieu à un débat sur la stratégie nationale bas carbone. J’aimerais que nous puissions en revanche avoir un débat à l’Assemblée nationale sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, notamment pour la soutenir et la guider, sans tomber dans la paresse intellectuelle que je dénonçais tout à l’heure. S’agissant notamment de l’éolien offshore, nous devons à nos industriels le respect des engagements qui ont été pris afin que nous soyons au rendez-vous de cette technologie et que nous puissions disposer d’une certaine visibilité sur la question.
Pour conclure, madame la ministre, comme vous l’avez dit à plusieurs reprises, à la suite notamment de Jean Jouzel : « Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ». Il faut agir, rompre avec la paresse intellectuelle pour s’engager enfin dans une nouvelle phase et mettre en oeuvre la solidarité intergénérationnelle que nous devons aux jeunes et aux générations futures afin que, dans le futur, l’on puisse vivre décemment sur cette planète – car l’espèce en danger, cette fois, ce ne sont pas les rhinocéros, les baleines ou les éléphants, c’est l’être humain.