Intervention de Ségolène Royal

Séance en hémicycle du 25 novembre 2015 à 15h00
Société a bas carbone prise en compte de l'outre-mer dans les négociations de la cop 21 — Présentation commune

Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie :

Monsieur le président Jean-Paul Chanteguet, madame la présidente Danielle Auroi, mesdames, messieurs les députés, dans quatre jours le monde aura rendez-vous avec lui-même, un dernier rendez-vous : c’est donc le moment où jamais pour agir. Aussi je vous remercie infiniment, monsieur le président, d’avoir pris l’initiative d’une telle proposition de résolution.

Vous vous engagez ainsi, mesdames et messieurs les députés, pour que les négociations, lors de la COP 21, orientent la civilisation vers des sociétés à bas carbone, et vous plaidez pour qu’une place majeure soit réservée aux outre-mer, qui sont en effet les territoires les plus gravement touchés par le réchauffement climatique.

Vos propositions sont nombreuses, solides, précises et ambitieuses, et vos différentes interventions sont la preuve de votre engagement. Ces propositions confortent la présidence française de la COP 21. Notre pays, en effet, a une responsabilité et une chance exceptionnelle d’accueillir cette conférence qui, dans quatre jours, réunira cent cinquante chefs d’État et de Gouvernement. Il n’a bien évidemment pas été question, malgré les événements dramatiques que nous avons connus, d’annuler cette conférence sur le climat. Non seulement les principaux chefs d’État et de Gouvernement ont d’emblée confirmé leur présence, mais nous en accueillerons plus encore que prévu.

La France est consciente de cette mission essentielle, même si, bien entendu, elle ne fera pas tout, toute seule ; elle assume un rôle, non seulement de présidence, mais aussi de médiation, et à ce titre elle s’impliquera pour faire converger les positions. La diversité et la complexité des sujets prouvent à quel point nous avons besoin de toutes les compétences, en particulier de celles des élus, vous qui êtes engagés dans la transition énergétique, non seulement à travers la lois qui lui est dédiée, dont vous maîtrisez parfaitement les enjeux si complexes, mais aussi sur vos territoires respectifs.

La conférence sur le climat réussira à quatre conditions : la conclusion d’un accord ambitieux et contraignant ; l’annonce et le respect d’engagements financiers ; la mise en oeuvre d’actions concrètes – c’est tout le sens de l’Agenda des solutions, qui se tiendra du 1er au 11 – ; la mobilisation, enfin, de la société civile, de toute la société civile, sur l’ensemble de la planète : citoyens, entreprises, chercheurs, territoires, femmes, jeunes, scientifiques, ONG et peuples autochtones, qui composent les neuf « major groups » des Nations Unies, devront se saisir de cet engagement et le mettre en application.

Votre initiative appuie aussi les démarches engagées par la France pour étendre les dispositions issues de la loi sur la transition énergétique aux autres États membres de l’Union européenne. Nous nous félicitons, à cet égard, que la Commission européenne ait désigné la loi française comme la loi exemplaire pour les autres pays.

Par ces propositions vous affirmez également le leadership de la France en matière de transition énergétique et climatique ; j’en prendrai quelques exemples.

En premier lieu, vous souhaitez faire des outre-mer des territoires d’innovation. La loi de transition énergétique, nous en avions longuement débattu, leur consacre un chapitre entier, et prévoit un transfert de compétences essentielles aux élus afin de favoriser l’autonomie énergétique des territoires et l’anticipation des innovations en matière de transition énergétique.

Vous souhaitez l’intensification de l’aide au développement. De fait, l’engagement d’une enveloppe de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 doit être tenu ; d’après l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, cette enveloppe est aujourd’hui de 62 milliards. La contribution de la France, elle, sera portée de 3 milliards en 2015 à 5 milliards en 2020.

Le Fonds vert, que l’on annonce abondé à hauteur d’un peu plus de 10 milliards de dollars, doit permettre de financer des projets concrets ; à ce jour, huit projets ont été annoncés. La France, de fait, tenait à l’annonce d’initiatives opérationnelles avant la COP 21.

Votre résolution tend aussi à placer l’investissement et le secteur financier au service du climat. L’article 173 de la loi de transition énergétique impose désormais aux investisseurs institutionnels d’inscrire dans leurs rapports annuels les impacts climatiques et environnementaux de leurs investissements. Le projet de décret d’application relatif à cet article vient d’être mis en consultation, comme je m’y étais engagée.

La France doit encourager les autres pays à suivre cet exemple, et le fera puisque le chef de l’État animera la coalition sur le prix du carbone et le risque climatique, lequel sera donc intégré au reporting des entreprises. Une quarantaine de pays à travers le monde ont déjà annoncé qu’ils participeraient à ladite coalition. L’État actionnaire a également anticipé en demandant aux entreprises publiques de ne plus investir dans les énergies fossiles, notamment le charbon – l’entreprise Engie y a ainsi renoncé. La décision de supprimer les aides à l’exportation de charbon a également été prise.

Vous souhaitez aussi que l’Union européenne dégage les ressources financières nécessaires aux transitions énergétique et climatique. Le plan d’investissement Juncker et les financements de la Banque européenne d’investissement contribuent à un tel engagement, à travers des programmes dédiés à la rénovation énergétique des bâtiments publics et aux transports collectifs.

D’autre part, les programmes de recherche NER300 et H2020 contribuent à faire émerger des solutions pour favoriser les énergies renouvelables, telle l’énergie thermique des mers dans les outre-mer. Vous pouvez aussi compter sur moi pour que la France veille à ce que la Commission européenne renforce les ambitions et les politiques de l’Union en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Vous souhaitez que la France obtienne, à l’issue de la COP 21, un accord prévoyant une révision des engagements nationaux tous les cinq ans, et que la première de ces révisions intervienne dès 2018-2019. Cet objectif est en bonne voie.

La mise en oeuvre des contributions nationales actuellement déposées constitue déjà un progrès indéniable pour la lutte contre le changement climatique, mais, vous le soulignez aussi, ces contributions n’empêcheraient pas une augmentation des températures supérieure à 2 degrés. Je partage pleinement votre souhait de voir ces engagements améliorés ; je pense d’ailleurs qu’ils le seront car la dynamique est lancée. Je vous confirme en tout cas que la France oeuvrera en ce sens.

Vous demandez l’institutionnalisation de l’Agenda des solutions et la création d’un conseil dédié réunissant les parties prenantes. La COP 21 sera en effet la première conférence du genre à faire des solutions une part intégrante des négociations sur le climat, à travers l’« action week » et l’« action day » le 5 décembre.

L’Agenda des actions Lima-Paris, initiative des présidences péruvienne et française avec les Nations unies, est une nouveauté très mobilisatrice, qui doit permettre à de nombreux acteurs non étatiques de s’engager.

Vous souhaitez que la France assure la promotion de l’inclusion du transport aérien et du transport maritime international dans les mécanismes de contrôle des émissions de carbone. Je travaille avec l’Organisation de l’aviation civile internationale pour obtenir, de la part des transporteurs aériens, des engagements en ce sens d’ici à septembre 2016, en jumelant réduction des émissions et mécanismes pérennes de compensation.

Je veux dire un dernier mot sur la place que vous souhaitez réserver aux outre-mer. Dès ce soir s’ouvre le sommet France-Océanie : comme l’ont souligné par Maina Sage et Ibrahim Aboubacar, l’enjeu est majeur car nous disposons de potentiels exceptionnels. Les régions ultramarines, souvent qualifiées de périphériques, peuvent être au centre de la transition énergétique en démontrant leur capacité à s’orienter vers l’autonomie énergétique ; à cet égard la COP 21 offre la possibilité d’une nouvelle étape – et j’y veillerai – quant à l’implication des outre-mer dans les négociations sur le climat.

La France a pris l’engagement, en assumant la présidence de la COP 21, de permettre à chaque voix d’être entendue, notamment celle des plus fragiles et des plus vulnérables. Les instances de la représentation politique constituent des relais indispensables de ces voix locales, qui pourront ainsi s’exprimer, comme ce fut le cas cet après-midi.

Je vous remercie pour votre engagement, et c’est avec enthousiasme que je soutiens, au nom du Gouvernement, ces propositions de résolution. Ce qui est difficile, c’est ce qu’il faut faire aujourd’hui ; ce qui est impossible, c’est ce qu’il faut faire demain. Comme le disait Mark Twain, « ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ».

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