Madame la présidente, mes chers collègues, je ne vais naturellement pas présenter en détail le contenu du projet de loi, ce qui a déjà été fait brillamment à la fois par le rapporteur, dont je salue une fois encore le travail, et par les ministres.
Je voudrais simplement faire deux remarques de portée générale. La première a trait à la méthode que le Gouvernement a choisie pour réformer notre modèle de relations sociales. La seconde porte sur l'enjeu majeur qu'aborde le présent projet de loi, à savoir la situation de l'emploi à chaque extrémité de la pyramide des âges – pour les jeunes et les seniors.
En ce qui concerne d'abord la méthode, on a déjà dit – et on le répétera sans doute encore – que ce projet de loi est la transcription d'un accord national interprofessionnel signé par l'ensemble des partenaires sociaux – aussi bien les cinq organisations syndicales de salariés que les trois organisations d'employeurs. C'est une configuration suffisamment rare pour qu'on le souligne ici et pour que nous nous en félicitions sur tous ces bancs. J'en profite pour dire que nous n'ajouterons rien au texte issu de la négociation, contrairement à ce qui s'est passé en août 2008. En effet, le gouvernement de l'époque en avait profité pour ajouter un titre II qui n'était pas dans l'accord.
L'exemple fourni par le présent texte n'est pas et ne sera pas isolé, tant ce gouvernement et sa majorité sont soucieux de renforcer et de donner toute sa place au dialogue social. Dès avant son élection, dans une tribune parue dans un grand journal du soir, le Président de la République, alors candidat, avait en quelque sorte théorisé la méthode que met aujourd'hui en oeuvre le Gouvernement. Il a réaffirmé la nécessité de cette méthode et en a détaillé les étapes dans son discours d'ouverture de la grande conférence sociale qui s'est tenue en juillet dernier.
Ce qui paraît naturel chez certains de nos grands voisins ne l'est pas toujours dans notre pays. Par ses traditions, par son histoire, par son organisation sociale, la France n'a pas développé une culture de la négociation et donc du compromis. La responsabilité en est partagée : il y a d'abord celle de l'État, mais aussi celle des acteurs sociaux.
Comme l'indiquait le Président de la République dans son discours prononcé devant la conférence sociale, l'État « a souvent mené et l'histoire est longue et les majorités successives, des concertations de pure forme avec des partenaires sociaux qui y consentaient pour vivre ensuite frustrations et désillusions. [...] Mais convenons aussi [...] que les acteurs sociaux eux-mêmes n'ont pas toujours pris l'initiative pour engager, par la négociation sociale, dans le cadre interprofessionnel et même au niveau des branches, les mutations indispensables. » Avant de faire cette citation, j'avais d'ailleurs rappelé, à travers l'exemple du texte d'août 2008 sur la représentativité syndicale et sur le temps de travail, ce qu'il ne faut surtout pas faire.
Cette méthode est la bonne et elle doit être renforcée. Certains mauvais esprits ont pu dire que cette unanimité trouvée sur la mise en place du contrat de génération était conjoncturelle, tenait à la faiblesse de l'enjeu spécifique de cette négociation et que la méthode montrerait vite ses limites lorsque des questions plus cruciales seraient en jeu. Outre le fait que, comme je le dirai tout à l'heure, je conteste cette appréciation réductrice du contrat de génération, l'issue positive, vendredi dernier, de la négociation sur la sécurisation de l'emploi confirme la pertinence de l'approche choisie par le Gouvernement.
Certes, cette négociation a montré que le dialogue social est difficile, parfois chaotique – l'on a pu légitimement craindre un échec des discussions. Mais il reste porteur d'avenir – je suis persuadée que les compromis passés par ceux qui sont directement concernés sont plus durables que les décisions imposées d'en haut – et doit constituer un principe clé de notre vie démocratique.
Il est vrai que cela peut poser la question du rôle et de la place du Parlement et du législateur dans la confection de nos règles sociales. En commission, certains membres de l'opposition se sont offusqués quand, pour appeler à rejeter certains de leurs amendements, notre rapporteur a dit qu'il fallait s'en tenir au contenu de l'accord. Invoquant la souveraineté du Parlement, ils affirmaient que celui-ci n'était pas tenu par tous les termes de l'accord et qu'il pouvait donc lui apporter les modifications qu'il jugeait utiles. C'est vrai. J'observe en passant que c'est sur ces mêmes bancs, et peut-être dans la bouche des mêmes personnes, que l'on entend dire – pas plus tard qu'hier après-midi, en commission – à propos d'un autre texte de loi, qui arrivera en son temps et avec ses tumultes, que le Parlement ne serait pas légitime pour en discuter.
Naturellement, le Parlement n'est pas un simple greffier. Cependant, je reste persuadée qu'en présence d'un accord conclu par les partenaires sociaux, qui plus est à l'unanimité, il doit faire preuve d'encore plus de prudence que d'habitude, afin de mesurer exactement les conséquences des modifications qu'il envisage d'apporter. Il en va de l'efficacité et de la loyauté du dialogue social.