Intervention de Jean-Denis Combrexelle

Réunion du 18 novembre 2015 à 16h00
Mission d'information relative au paritarisme

Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale du Conseil d'état :

Les questions culturelles sont au coeur de notre sujet : j'en veux pour preuve ce que j'appelle le « syndrome France Info », par référence à ce que l'on entend chaque année sur cette station de radio le lundi de Pentecôte. Depuis la loi du 4 mai 2004 adoptée sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, une journée de solidarité a été décrétée ; il avait été initialement prévu qu'il s'agisse de la Pentecôte, mais il a semblé plus sage de laisser à chaque entreprise le soin de négocier la solution la plus adaptée à son cas. Toutefois, le jour de la Pentecôte, il n'est question à la radio que d'un désordre absolu relativement à ce qui était autrefois un jour férié, au motif que telle entreprise serait ouverte et telle autre fermée, chacune agissant comme elle l'entend. En effet, les règles ne sont pas les mêmes chez Vinci, chez Bouygues ou chez les équipementiers automobiles. Le choix politique s'opère donc entre une certaine uniformité, ou plutôt une certaine égalité entre les entreprises, et le recours à l'accord d'entreprise. Or, dans une société d'évolution rapide, il n'est pas possible d'imposer la même règle à tous, grands principes mis à part.

Des sujets qui concernent la vie concrète des salariés, telles l'organisation collective du temps de travail, la mise en oeuvre de la journée de solidarité ou la taille des vestiaires, méritent d'être l'objet d'une régulation au plus près de la situation de travail. Je ne voudrais pourtant pas qu'on dise que j'ai une vision naïve ou idéaliste de la négociation. Mais quelle solution de remplacement propose-t-on ? Où est l'alternative ?

S'agissant de l'ubérisation, les entreprises les plus avancées dans ce processus auront elles-mêmes besoin d'une représentation collective, de peur d'une évolution qui pourrait découler plutôt d'une confrontation directe avec les salariés. Car les solutions alternatives à la négociation me paraissent dangereuses pour l'entreprise.

Quant à la question du temps, il s'agit d'un sujet préoccupant. Il y a le temps de l'État, celui de l'administration, celui des entreprises et celui des partenaires sociaux. Or il s'écoule à un rythme différent : plus rapide pour les entreprises et plus lent pour la négociation collective. Mais celui-ci devra lui aussi être raccourci. À l'époque des Trente glorieuses, la négociation pouvait prendre un an ou deux. C'est fini ! Ou alors nous ne nous situons plus dans le champ économique.

Peut-être faudrait-il aller plus loin encore que la loi Sapin, en déclarant d'office caduques les branches qui n'atteignent pas une taille critique. Dans le secteur du spectacle, la réduction des quarante anciennes branches aux huit branches actuelles a requis 500 réunions de commission paritaire, alors qu'une simple loi a pu supprimer les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) en dessous d'une certaine taille.

S'agissant du tripartisme, je crois qu'on aurait tort de s'imaginer que l'État est représenté par des énarques assoiffés de pouvoir qui veulent « manger » les partenaires sociaux. Ce sont au contraire ces derniers, comme j'ai pu le constater en tant que directeur général du travail, qui demandent souvent l'intervention du ministre.

En ce moment se tiennent une centaine de commissions mixtes paritaires, qui sont réunies lorsque les négociations de branche ont échoué. Or ce n'est pas le directeur général du travail qui demande à se tenir derrière le rideau, mais au contraire les partenaires sociaux qui recherchent quelqu'un qui puisse présider leurs débats. C'est une particularité nationale : un besoin d'État s'exprime y compris chez ceux qui critiquent son intervention. Il y a deux jours, j'ai même constaté, dans l'une de ces réunions, que les représentants des entreprises peuvent être ceux qui demandent le texte le plus long.

Quant aux salariés protégés et aux autorisations les concernant, je ne pense pas que le droit applicable soit sujet au changement. Il n'en demeure pas moins que, sous l'influence de la jurisprudence du Conseil d'État, ce droit est devenu très procédural, ce qui ne va pas sans créer des lourdeurs de gestion. Je distinguerai deux questions. Le secteur social et associatif, encore appelé tiers secteur, nourrit un contentieux qui échappe à l'opposition classique entre employeur et employé. Lorsqu'il s'agit de foyers de mineurs et de maisons de retraite, si des violences sont commises, l'appréciation s'avère vraiment délicate.

Dans ma conception du mandat syndical, celui-ci ne saurait protéger des comportements personnels inacceptables. En tant que salarié protégé, un syndicaliste doit au contraire être exemplaire. Dès lors qu'une faute est établie, je me montrerais donc plutôt d'une grande sévérité.

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