Est-ce assez, mes chers collègues, pour justifier une dépense d'un milliard d'euros par an en régime de croisière ? Nous ne le croyons pas.
C'est là le deuxième point, pour nous essentiel, que je souhaite aborder : ce nouveau contrat n'est pas financé. Chers collègues de la majorité, vous avez déjà fourni un effort déraisonnable par les dispositions du budget 2013, en y intégrant le financement des emplois d'avenir. Ce dispositif coûtera 500 millions d'euros dès 2013. 2,3 milliards d'euros d'autorisation d'engagement sont prévus pour les trois ans à venir. Il y a quelques mois, dans cet hémicycle, nous disions déjà que la dépense était somptuaire au regard de l'objectif de 150 000 emplois d'avenir. Nous ne disions pas qu'il faut laisser la jeunesse au bord du chemin : bien au contraire, nous souhaitons majoritairement l'aider. Nous disions que nous aurions pu faire mieux avec moins, en adaptant les contrats aidés et les nombreux dispositifs ciblés sur la jeunesse en difficulté dont nous disposons déjà. Plus que la bataille de l'emploi, j'ai l'impression que vous menez la bataille de la communication !
Plutôt que de faire face à l'accélération préoccupante des chiffres du chômage, vous brandissez des recettes prétendument miraculeuses : les emplois d'avenir et le contrat de génération. Or les 150 000 emplois d'avenir et les 500 000 contrats de générations resteront anecdotiques rapportés aux 3,2 millions de chômeurs que compte notre pays aujourd'hui, dont 1,2 million dans les deux classes d'âge ciblées. Même quand vous lancez une grande négociation sur la sécurisation de l'emploi – ce dont on ne peut que se féliciter – vous faites l'impasse sur la formation professionnelle. Nous souhaitons vous entendre bientôt sur ce sujet. La formation professionnelle est en effet le seul véritable levier de retour vers l'emploi !
Ce qui ne sera pas anecdotique, en revanche, c'est la charge de la dépense engagée pour ces contrats : 2,3 milliards d'euros pour les emplois d'avenir et au moins 2,5 milliards d'euros pour le contrat de génération. Je crois que nos comptes publics s'en souviendront longtemps !
En attendant, l'ampleur de la communication sur ces nouveaux contrats n'a d'égale que l'opacité de leur financement. Lors de son audition devant la commission des affaires sociales, M. le ministre Michel Sapin a déclaré que le contrat de génération serait intégré au pacte de compétitivité et financé dans le cadre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE. Il serait donc financé par les mesures fiscales que nous avons votées et les diminutions de la dépense publique que nous devrions voter.
Il est extraordinaire d'intégrer le financement du contrat de génération à celui d'une mesure qui n'est pas elle-même financée ! Sur les 20 milliards d'euros que coûtera le CICE, 7 milliards seraient compensés par la hausse des taux de TVA prévue par la troisième loi de finances rectificative pour 2012. Et encore, nous savons que les recettes issues de la TVA ne sont pas stables, a fortiori quand les taux intermédiaires, qui pénalisent notre tissu économique, sont augmentés. En outre, nous n'avons pas vu la couleur de la fiscalité verte, censée participer à hauteur de 3 milliards d'euros au financement du CICE. Enfin, nous ne savons toujours pas d'où viendront les 10 milliards d'euros de diminution de dépenses publiques que vous comptez réaliser pour parachever le financement de ce crédit d'impôt.
D'ailleurs, que penser de la volonté même d'intégrer le financement du contrat de génération au crédit d'impôt ? Le montant affecté par le Gouvernement au CICE n'est donc pas de 20 milliards : il faut en ôter les quelques milliards que coûteront les contrats de génération. Ou alors, peut-être le Gouvernement pense-t-il que ces 20 milliards d'euros ne seront pas épuisés et qu'il restera de la trésorerie pour financer le contrat de génération ? Décidément, malgré une conversion tardive, le Gouvernement a bien du mal à prendre au sérieux cette politique de compétitivité.
Dans tous les cas, le financement de ce nouveau contrat manque de clarté. Il est donc nécessaire de renvoyer ce texte en commission.
Vous voulez faire adopter ce texte rapidement, comme, d'ailleurs, la majorité des textes qui nous ont été soumis. Ce n'est pas en donnant l'impression de prendre des décisions que vous allez redonner confiance aux Français. Au contraire, c'est en permettant au Parlement de travailler de façon plus raisonnée que vous pourrez donner aux Français des projets plus aboutis et plus sûrs.
En conclusion, le dispositif du contrat de génération souffre de deux défauts : il n'est pas assez incitatif pour créer de l'emploi, mais il est déjà trop lourd pour les finances publiques. Il ne saurait faire évoluer les chiffres du chômage mais il saura parfaitement grever les finances publiques. Limiter le coût du dispositif et les effets d'aubaine qu'il engendre tout en renouant avec l'idée d'un tutorat est pourtant possible. Nous souhaitons le faire. Pour cela, il faudrait revenir à la vocation initiale de ce dispositif et le mettre au profit des entreprises et des publics qui en ont réellement besoin. Je pense aux entreprises qui appartiennent à des secteurs d'activité clés de notre économie et où les métiers sont menacés faute d'attractivité, ainsi qu'aux jeunes peu diplômés qui souffrent de la concurrence de leurs pairs plus qualifiés pour accéder au marché du travail.
Cela justifie un renvoi de ce texte à la commission des affaires sociales, saisie au fond.