Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 26 novembre 2015 à 15h00
Mobilisation collective en faveur de l'aide au développement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me félicite que notre assemblée soit aujourd’hui appelée à examiner la proposition de résolution, déposée par Bertrand Pancher et le groupe UDI, qui tend à amplifier la mobilisation collective en faveur de l’aide au développement. Je pense que sur ces sujets, au-delà des divergences traditionnelles qui se traduisent dans cet hémicycle, nous devrions trouver un terrain d’entente.

Vous n’ignorez pas que, depuis fort longtemps, les écologistes sont mobilisés, sur le champ à la fois politique et associatif, aux côtés de nombreuses associations pour que l’objectif ambitieux qui a été fixé – les pays développés devant consacrer 1 % de leur budget à l’aide au développement – soit atteint et que celui consistant à mobiliser 100 milliards de dollars par an – environ 92 milliards d’euros – d’ici à 2020 afin d’alimenter le Fonds vert pour le climat soit enfin respecté.

À quelques jours de l’ouverture de la COP 21, il est nécessaire et urgent de rappeler que le soutien aux pays en voie de développement est indispensable pour assurer le succès de la lutte contre le dérèglement climatique.

Les pays les plus pauvres et les pays en développement ont besoin de moyens financiers pour faire face au changement climatique. Que les pays développés qui, depuis la révolution industrielle, ont créé et aggravé le phénomène, les aident à rendre leurs économies plus vertes, plus décarbonées, ne serait que justice.

En France, pour la cinquième année consécutive, le budget national de l’aide publique au développement ne fait pas partie des priorités gouvernementales. La baisse des crédits concerne aussi, malheureusement, le budget consacré à l’écologie. Sans esprit de polémique, je rappellerai simplement que majorité et opposition font souvent, sur ce sujet, de belles déclarations, mais éprouvent les plus grandes difficultés à passer à l’acte.

L’article 1er de la proposition de résolution formule le souhait que la France consacre 1 % de son revenu national brut – RNB – au budget de l’aide publique au développement d’ici à 2030. Le voeu est pour le moins modeste, mais, de ce fait, réaliste au regard des contraintes budgétaires que nous connaissons désormais.

Nous savons que le texte a déjà passé la phase de recevabilité par le Premier ministre puisque les propositions de résolution ne peuvent pas être inscrites à l’ordre du jour si le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet est de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. Je pense donc que Mme la secrétaire d’État proposera un vote de sagesse.

Si légitime que soit la résolution, sa portée demeure limitée, puisque le texte n’est pas contraignant. Mais, à l’approche de la Conférence sur le climat, il n’est pas sans intérêt d’élaborer une résolution parlementaire de cette nature. La politique est faite non seulement de décisions, mais parfois aussi de symboles. Cette déclaration en est un.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, j’ai eu l’occasion d’intervenir, au nom du groupe écologiste, sur les crédits de la mission « Aide publique au développement », pour regretter que nous ne soyons pas à la hauteur du rendez-vous de la COP 21. Sans commettre d’indiscrétion, je peux même rappeler dans cet hémicycle que la ministre n’était pas très satisfaite du budget qui lui était alloué. À cette occasion, je m’étais dit préoccupé par le non-respect par notre pays de ses engagements en matière d’aide publique au développement.

Pour autant, le travail parlementaire n’est pas vain. Grâce à l’adoption d’un amendement déposé avec mon collègue Pouria Amirshahi, et visant à augmenter les capacités d’intervention de l’Agence française de développement – AFD – par l’affectation à l’aide au développement de 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières, nous pourrons en effet obtenir quelque 233 millions d’euros pour lutter contre l’extrême pauvreté et le changement climatique.

De plus, l’assiette de la taxe sur les transactions financières ayant été élargie aux opérations dites « intraday », des recettes supplémentaires peuvent également être dégagées. Cette retombée de 2 à 4 milliards d’euros par an devrait profiter dans une proportion de 50 % à l’aide publique au développement.

Il est stipulé, à l’article 6, que l’Assemblée nationale « souhaite que le Gouvernement français envisage d’augmenter le plafond des recettes de la taxe française sur les transactions financières affectées au Fonds de solidarité pour le développement ». J’eusse préféré que cette déclaration soit accompagnée d’un engagement plus ferme, sans doute plus volontaire, plus actif, des parlementaires du groupe UDI lors de l’examen par le Parlement du projet de loi de finances.

Nous avons été quelques-uns à mener cette bataille, sans recevoir toujours l’accord du Gouvernement, et nous aurions aimé pouvoir compter sur votre soutien, chers collègues de l’UDI, comme vous pourrez compter sur le nôtre lors du vote de la résolution.

Le texte invite également « le Gouvernement français à soutenir, dans le cadre des négociations de la 21ème Conférence des Parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques – COP 21 –, la mise en place d’une taxe sur les transactions financières au niveau de l’Union européenne, afin notamment d’abonder le Fonds vert pour le climat ».

Nous ne pouvons qu’aller dans ce sens : les écologistes appellent l’Union européenne, en tant que premier bailleur de fonds, à agir collectivement et à faire appel à des recettes tirées de sources indépendantes des procédures budgétaires annuelles des États membres, telles que les recettes des enchères du marché carbone et la taxe sur les transactions financières. Sur ce point, chers collègues, nos points de vue convergent.

J’ai eu l’occasion de souligner au nom de mon groupe, et je le répète ici, que la contribution de la France au Fonds pour l’environnement mondial, principal fonds des conventions internationales des Nations unies en matière d’environnement, demeurait insuffisante, de même que notre contribution au Fonds vert pour le climat, pour lequel la France s’est engagée à hauteur de 774 millions d’euros pour la période 2015-2018.

Dès 1968, l’objectif de transférer 1 % du revenu national brut des donneurs avait été approuvé par l’ensemble des pays et organismes membres du Comité d’aide au développement, dont 0,7 % applicable à l’ensemble des concours publics. C’était il y a bien longtemps, et nous n’avons toujours pas atteint cet objectif.

En avril, la Commission européenne a annoncé que l’Union européenne ne parviendrait pas à atteindre son objectif d’aide publique au développement, fixé à 0,7 % de son revenu national brut. Or le financement public du climat est aussi inclus dans l’aide publique au développement. Il y a donc une forme de double discours et je le regrette.

M. Pancher l’a rappelé : seuls le Royaume-Uni, la Suède, le Luxembourg et le Danemark ont dépassé l’objectif de 0,7 % en 2014. Les contributions de la France, de l’Irlande, des Pays-Bas, de l’Espagne et de onze autres États membres ont même baissé l’an dernier. La France reste loin de l’objectif : elle n’a consacré à l’aide publique au développement que 0,36 % de son revenu national brut – RNB – en 2014. Elle a donc encore du chemin à parcourir.

Dans une tribune publiée le 30 septembre 2015 dans le quotidien La Croix, nous avions, avec d’autres parlementaires, notamment socialistes, interpellé le Gouvernement sur le budget pour 2016 consacré à l’aide au développement, en totale contradiction avec les objectifs affichés le 28 septembre par François Hollande à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, deux mois avant la COP 21.

Nous avions souligné l’importance de cette aide pour notre pays confronté à l’accueil des réfugiés, et la cohérence qu’il y a à lutter contre ce qui fait fuir les populations, qu’il s’agisse des guerres, de la pauvreté ou des catastrophes liées au climat. Nous savons aujourd’hui, car des études sont venues le démontrer, que la question climatique et celle des guerres sont intimement liées. C’est dans les territoires où la sécheresse s’étend le plus que l’on fait la guerre.

Là encore, les écologistes, notamment les Verts européens, formulent des revendications concrètes et réclament le respect, la protection et la promotion des droits de l’homme dans l’action contre le dérèglement climatique. Cela inclut l’égalité des sexes, la participation totale et égalitaire des femmes, et la promotion active d’une transition juste, qui permettra de créer des emplois décents et de qualité pour tous les travailleurs de la planète.

Les chances d’obtenir un accord ambitieux à Paris dépendent des pays les plus pauvres et de ceux qui sont en développement, ainsi que de leur volonté à respecter leurs engagements. Pour les encourager à le faire, il faut aussi que nous respections les nôtres et que nous tenions parole.

C’est pourquoi, il faut leur assurer que le financement de la transition nécessaire pour faire face au dérèglement climatique augmentera de manière significative dans les années à venir. Le vote de la résolution s’inscrit dans ce cadre.

L’aide au développement doit être liée à de véritables avancées en matière de démocratie et de respect des droits de l’homme. Les échanges entre le Nord et le Sud doivent être multipliés pour surmonter les idées fausses. Il faut encourager les financements innovants et le secteur privé, inciter les collectivités territoriales, sensibiliser les citoyens pour mobiliser encore plus sur les questions climatiques. Cela relève de notre responsabilité commune.

Au nom du groupe écologiste, je prendrai les miennes en votant cette proposition de résolution.

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