Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le 27 septembre dernier, le chef de l’État annonçait à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies un engagement sans précédent de la France en termes d’aide publique au développement. Un effort de 4 milliards d’euros supplémentaires par an a été évoqué à l’horizon 2020, ainsi qu’une augmentation de 2 milliards d’euros de la contribution française pour le climat.
Mais au-delà des grands discours, le constat qui s’impose est que la France a réduit ces dernières années son aide publique au développement de manière conséquente, passant même l’an passé sous la moyenne européenne.
La part du RNB français consacrée à l’aide au développement est en effet tombée à 0,36 % du PIB en 2014, selon les chiffres de l’OCDE. Les ONG se sont émues du manque de volontarisme de la France. Il faut dire que chaque loi de finances nous éloigne un peu plus de l’objectif d’accorder 0,7 % de notre RNB à l’aide publique au développement. La France se distingue donc par un trop faible effort en matière de solidarité internationale.
Pourtant, nous le savons, la réponse aux déséquilibres du monde passe d’abord par la lutte contre la pauvreté et les inégalités. La réponse au dérèglement climatique passe également par une politique de développement ambitieuse.
C’est dans ce contexte qu’il convient d’apprécier la proposition de résolution de nos collègues du groupe UDI.
Nous partageons l’ambition de faire en sorte que notre pays consacre 1 % de son revenu national brut au budget de l’aide publique au développement. Il n’est pas nécessaire pour cela d’attendre 2030.
Nous apportons également notre soutien à l’augmentation du plafond des recettes de la taxe française sur les transactions financières affectées au Fonds de solidarité pour le développement.
Nous partageons encore le souhait que les gouvernements des pays du Nord, et notamment le gouvernement français, concentrent leurs subventions sur les pays les moins avancés, peu émetteurs de gaz à effet de serre mais particulièrement vulnérables au dérèglement climatique.
Dégager des moyens pour les pays les moins avancés doit demeurer la priorité. Comme le soulignent nombre d’ONG, les dons versés sous forme de subventions sont absolument nécessaires.
Si nous soulignons ce point, c’est que la majeure partie de l’aide publique au développement est toujours composée de prêts, qui servent pour une bonne part à financer des projets d’infrastructures dans les pays émergents.
La France en profite pour engranger des intérêts et faire bénéficier les entreprises françaises de nouveaux marchés à l’étranger. Peut-on réellement comptabiliser ces prêts dans l’aide publique au développement ? Ne devrions-nous pas donner la priorité à des projets permettant aux populations locales des pays les moins avancés de subvenir à leurs besoins primaires : se nourrir, se soigner, aller à l’école ?
Selon l’ONG Oxfam, seulement 7 % de l’aide française sont constitués de dons. L’Agence française de développement ne dispose ainsi que d’une enveloppe de 200 millions d’euros. À titre de comparaison, l’agence allemande de développement consacre 2 milliards d’euros aux dons dans les pays en développement.
Dans ce contexte, nous nous inquiétons du rapprochement entre l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations. Nous ne cautionnons pas ce projet de rapprochement, qui manifeste la volonté de la France de prendre toute sa place dans le vaste marché du développement.
Il y a deux ans, une des recommandations du rapport d’Hubert Védrine intitulé Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France, commandé par Pierre Moscovici pour un Sommet Afrique-France, préconisait de mettre l’appareil diplomatique et les grands opérateurs de l’État, dont l’Agence française de développement, au service des intérêts économiques et stratégiques de la France de façon plus systématique.
L’AFD a ainsi signé plusieurs conventions de coopération avec Bpifrance et Business France, et même avec des chefs de file de filières sectorielles, tels que la RATP dans les transports urbains et le Syndicat des énergies renouvelables – SER – dans les énergies renouvelables.
Nous sommes hostiles à cette logique d’inféodation de l’aide au développement à la stratégie de « diplomatie globale. » Non seulement cette orientation ne permettra pas de développer l’accès aux biens essentiels pour les populations pauvres, mais elle risque d’encourager encore l’accaparement des richesses des pays en développement par de grandes entreprises occidentales.
Nous pensons au contraire que l’une des priorités, au plan international, doit être la lutte contre les comportements des grands groupes, notamment français, qui pillent sans vergogne les richesses agricoles ou minières des pays en développement au mépris des populations et de l’environnement.
Alors que 868 millions de personnes souffrent de sous-alimentation selon l’ONU, l’accaparement de terres agricoles par des multinationales de l’agrobusiness ou des fonds spéculatifs se poursuit. L’équivalent de trois fois l’Allemagne a ainsi été extorqué aux paysans africains, sud-américains ou asiatiques. Pour prendre un simple exemple, 40 % des forêts du Libéria, soit 20 000 kilomètres carrés, sont aujourd’hui gérés par des permis à usage privé. C’est un quart de la surface du pays !
Selon Oxfam, 60% des transactions ont eu lieu dans des régions « gravement touchées par le problème de la faim » et «plus des deux tiers étaient destinées à des cultures pouvant servir à la production d’agrocarburants comme le soja, la canne à sucre, l’huile de palme ou le jatropha ».
Nous mesurons ici les risques qu’il y a à faire intervenir des acteurs privés dans le champ du développement et à consacrer l’aide au développement à faciliter ces logiques ruineuses de concentration capitalistiques.
L’autre priorité en matière de politique de développement est sans doute de lutter enfin efficacement contre l’évasion fiscale des multinationales.
Selon le Comité catholique contre la faim et pour le développement – CCFD – plusieurs centaines de milliards d’euros continuent chaque année de s’évader des pays du Sud à cause de l’évasion fiscale, des activités criminelles et de la corruption. On évoque le chiffre de 800 milliards d’euros, soit dix fois l’aide publique au développement octroyée par l’ensemble des pays riches. Or, la France continue à ce jour de refuser l’idée de créer un organisme fiscal intergouvernemental sous l’égide de l’ONU, ce qui correspond pourtant à une demande de nombreuses ONG soutenant notamment les pays en développement, qui sont les principales victimes de l’évasion fiscale.
Notons enfin la baisse des crédits attribués au Fonds de solidarité prioritaire – FSP – chargé de financer des actions pour promouvoir la justice et les droits de l’homme : ils ont été divisés par deux entre 2012 et 2016.
Au regard de ces constats, nous ne pouvons qu’accueillir favorablement l’initiative de nos collègues, qui porte une ambition commune à l’ensemble de la représentation nationale en matière d’aide au développement.