Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, dans une période d’une exceptionnelle gravité, la communauté internationale doit se retrouver autour de valeurs qui fondent notre humanité : engagement en faveur des autres, ouverture, écoute, dialogue. Le terme de solidarité est sans doute celui qui englobe tous les autres.
C’est précisément notre effort de solidarité envers les personnes et les pays les plus vulnérables qui s’exprime au travers de notre politique d’aide au développement. Il est d’ailleurs inscrit depuis juillet 2014 dans la première loi française dédiée à cette politique publique, texte dont Jean-Pierre Dufau était le rapporteur à l’Assemblée nationale.
L’année 2015 est exceptionnelle du point de vue du développement durable ; elle constituera un tournant majeur. Pour la première fois, la communauté internationale s’accorde pour apporter des réponses globales aux défis partagés par tous et dessine un monde « zéro carbone, zéro pauvreté », et je dirais même « zéro exclusion ». À Addis-Abeba, la communauté internationale s’est accordée sur une conception large des financements et des moyens à mettre en oeuvre pour un développement durable. L’engagement européen d’atteindre 0,7 % du revenu national brut consacré à l’aide publique au développement à l’horizon de 2030 a été rappelé.
La conférence d’Addis-Abeba a également montré l’importance d’une action collective et de partenariats multi-acteurs où chacun prend sa part de responsabilité au service du développement. Les États et les banques de développement ont un rôle essentiel à jouer, mais rien ne sera possible sans l’implication du secteur financier, des entreprises, des collectivités locales et du secteur associatif.
L’année 2015 a aussi été marquée par l’adoption, à New York, de l’agenda 2030 pour le développement durable. Je voudrais souligner son importance dans le contexte des attentats que nous venons de vivre. Au-delà de l’implacable fermeté dont nous devons faire preuve face au terrorisme, l’agenda 2030 fournit à la communauté internationale dans son ensemble une vision partagée du monde que nous voulons construire ensemble, avec des axes d’action concrets pour travailler le terreau sur lequel le terrorisme prospère : exclusion, ignorance, misère sociale, intolérance. Je pense à l’accès à l’éducation, à l’égalité entre les femmes et les hommes, à l’État de droit et à l’accès à la justice, à la bonne gestion des migrations. Voilà ce que nous rappellent les objectifs de développement durable, ce à quoi ils nous engagent.
Concernant le défi migratoire, nous avons rappelé, lors du sommet de La Valette, que la migration est une responsabilité partagée entre les pays d’origine, les pays de transit et les pays d’accueil. Nous avons souligné la nécessité de nous attaquer aux causes profondes des migrations irrégulières. Nous les connaissons, vous les avez citées : la pauvreté, l’insécurité, la mauvaise gouvernance, le manque d’opportunités qui pousse les jeunes à quitter leur foyer. Cette conviction, nous la partageons avec nos partenaires africains. C’est pourquoi nous avons fortement appuyé la création d’un fonds d’urgence européen, fonds fiduciaire de 1,8 milliard d’euros qui financera notamment des projets ciblant la jeunesse, la création d’emplois, la formation professionnelle. Nous ferons en sorte que ce fonds, auquel la France contribue, soit à la hauteur des enjeux.
Le défi est en effet aussi celui de la jeunesse, en particulier en Afrique, où la moitié de la population a moins de 25 ans. D’ici à 2025, ce sont 330 millions de jeunes qui arriveront sur le marché du travail. L’insertion sociale et économique de cette jeunesse est un enjeu majeur. Mal préparée, elle peut faire peser des risques considérables sur la stabilité non seulement du continent africain, mais aussi de l’Europe. Bien anticipée et convenablement gérée et accompagnée, elle peut constituer une formidable opportunité de développement pour ces pays. C’est pourquoi j’ai voulu doter la France d’une stratégie spécifique pour la jeunesse. Depuis cet été, nous mobilisons nos opérateurs et nos partenaires internationaux pour qu’une part plus importante des ressources consacrées au développement cible spécifiquement la jeunesse des pays les moins avancés. Nous poursuivons également un projet de réforme de l’engagement citoyen à l’international – le volontariat international de solidarité – pour l’ouvrir à plus de jeunes, mieux le valoriser dans les parcours personnels et professionnels, et accroître la réciprocité des échanges entre jeunes du Sud et jeunes du Nord.
La dernière étape de la refondation du développement durable, c’est la Conférence de Paris sur le climat qui doit s’ouvrir dans quatre jours. Le Gouvernement a décidé de maintenir ce rendez-vous historique. C’est notre responsabilité et notre honneur. En effet, le dérèglement climatique dégrade les résultats économiques et les conditions de vie des pays les plus vulnérables, accentue la pauvreté et complique l’accès aux ressources de base, notamment à l’eau. Cela provoque des tensions autour des ressources, affaiblit les États et les économies. La France entend donc prendre toute sa part dans la mise en oeuvre de l’agenda renouvelé du développement durable qui nous permettra construire un monde meilleur, plus juste et plus équitable.
Cela suppose des moyens à la hauteur des enjeux. Le Président de la République a annoncé, en septembre dernier, un effort de 4 milliards d’euros supplémentaires de financement pour le développement durable à partir de 2020. Cet effort financier renouvelé en faveur du développement prendra la forme non seulement de prêts, mais aussi de dons. À l’horizon 2020, le Gouvernement augmentera les dons afin que leur montant soit supérieur de 370 millions d’euros à ce qu’il est actuellement. Nous engagerons ce mouvement dès 2016 en stabilisant les crédits de la mission « Aide publique au développement ». Le projet de loi de finances pour 2016 prévoyait une diminution de 150 millions d’euros des crédits de cette mission. Le Gouvernement a donc proposé deux amendements visant à rétablir ces financements afin d’équilibrer le budget et celui du Fonds de solidarité pour le développement. Ces crédits qui connaissaient une baisse depuis plus de cinq ans sont donc stabilisés.
Vous avez décidé d’aller plus loin, mesdames, messieurs les députés, et d’affecter 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières à l’Agence française de développement pour que l’année 2016 marque une augmentation de ces crédits. Le Gouvernement a entendu votre message mais l’a ramené dans un volume compatible avec nos objectifs de maîtrise des comptes publics. Vous avez finalement adopté en première lecture une augmentation du budget de 106 millions d’euros par rapport aux crédits votés pour 2015, soit 256 millions d’euros de plus que dans le projet de loi de finances qui vous était initialement soumis.
Ces fonds permettront de financer, à hauteur de 100 millions d’euros, des projets relatifs au climat, en particulier l’adaptation, principalement sous l’égide de l’Agence française de développement, et d’autres relatifs aux réfugiés, à hauteur de 50 millions d’euros, principalement dans les pays voisins de la Syrie en fonction de l’urgence sous l’égide des Nations unies qui sont les mieux placées pour agir rapidement. Les 106 millions d’euros restants serviront à honorer nos engagements internationaux, notamment en matière de santé et d’éducation.
En outre, le rapprochement entre l’Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations renforcera les moyens de notre politique de développement. Nos moyens, en particulier les plus concessionnels d’entre eux, doivent en effet aller aux pays qui en ont le plus besoin – je pense aux PMA, à l’Afrique.
Lors de la conférence d’Addis-Abeba, l’Europe s’est engagée à atteindre collectivement l’objectif consistant à consacrer 0,2 % du revenu national brut à l’aide aux pays les moins avancés. Vous proposez, par le biais de cette résolution, d’aller encore plus loin en consacrant 1 % de notre revenu national brut à l’aide au développement. Je comprends à titre personnel, comme M. Dufau, les motivations généreuses de cette proposition, mais le Gouvernement doit concilier générosité et responsabilité. Or force est de constater que la situation de nos finances publiques n’est pas compatible avec un tel engagement.
La proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui met aussi en lumière le rôle des collectivités territoriales dans notre politique de solidarité internationale. C’est un combat auquel je suis très attachée, car je sais pertinemment que la mobilisation de tous les acteurs et de toutes les énergies sera nécessaire face à l’ampleur des défis. Oui, monsieur Tétart, les collectivités territoriales sont en première ligne pour penser le développement économique. La protection de l’environnement et le bien-être des populations face aux menaces du climat, tel est leur lot quotidien et elles savent faire ! De nombreux résultats concrets ont déjà été obtenus par les collectivités territoriales avec le concours de l’État, qui sera désormais mieux ciblé. La loi du 7 juillet 2014 a mis en place une législation plus incitative permettant d’intervenir dans les secteurs clés comme l’eau, l’assainissement et les déchets. Ce projet a d’ailleurs été largement soutenu par les parlementaires.
Vous suggérez également de créer des jumelages environnementaux, comme je l’ai moi-même proposé en juillet dernier lors du sommet mondial « Climat et Territoires » qui s’est tenu à Lyon. Il y a plus de cinquante ans, le traité de l’Elysée accélérait les jumelages franco-allemands pour construire l’Europe. Aujourd’hui, je souhaite que nous favorisions les jumelages environnementaux pour construire ensemble, dans l’échange et le partenariat, un avenir durable. Cette proposition contribuera à renforcer les coopérations existantes et à généraliser les bénéfices de ces coopérations à l’ensemble des parties prenantes. Le succès des dispositions de la loi Oudin-Santini relative à l’eau et l’assainissement – je salue ici le député André Santini – est aujourd’hui reconnu et certains pays cherchent à s’en inspirer. Nous devons en être fiers ! Il nous faut plaider avec plus de force pour sa reconnaissance au niveau européen.
Alain Tourret a dit que notre système d’aide devait être réformé et il a insisté sur l’intérêt du rapprochement de l’Agence française de développement et de la CDC pour donner un élan supplémentaire à notre politique de développement. Accompagner encore davantage les collectivités, les entreprises et les ONG, aux côtés de l’État, dans nos politiques de développement, telle est notre ambition !
Sergio Coronado a quant à lui rappelé l’importance du respect des droits de l’homme. C’est en effet une priorité de notre politique de développement. Lors de tous mes déplacements, je veille à souligner l’importance du respect des échéances électorales et des libertés fondamentales. Je l’ai rappelé lors de mes déplacements en Afrique encore très récemment. Le mandat que nous avons décidé de confier à l’Agence française de développement en matière de gouvernance amplifiera la portée et l’efficacité de nos actions en la matière. J’y veillerai.
Je veux rassurer M. Carvalho s’agissant du rapprochement de l’Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations. Nous menons cette réflexion avec tous les parlementaires par l’intermédiaire du préfigurateur. Songeons que ce nouvel outil sera au service de la mission d’aide publique au développement pour mettre en oeuvre l’agenda post-2015 ! Bien sûr, l’Agence française de développement ne doit pas y perdre son identité et nous y veillerons.
Le schéma retenu ira encore plus loin afin d’englober la responsabilité de nos multinationales que vous avez évoquée, monsieur le député. Il s’agit d’un sujet majeur dont je me préoccupe, tout comme de nombreux parlementaires. Un objectif demeure et nous devons l’atteindre collectivement, dans le cadre de l’Europe et de l’OCDE : comment avancer sur la question de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ?
Je suis d’accord avec vous, monsieur Dufau, et vous remercie de vos paroles fortes sur l’Afrique. Ce grand continent est et restera pour nous une priorité de l’aide publique au développement. En matière de lutte contre le changement climatique, la France s’efforcera de faire progresser la question de l’adaptation, comme le réclament les États d’Afrique et les États insulaires dont j’ai rencontré les représentants à l’Elysée il y a quelques minutes encore. La question de l’adaptation doit être traitée au même niveau que celle de l’atténuation. L’adaptation c’est la lutte contre la déforestation, la désertification et la montée des eaux. Il faut nous y atteler.
Vous avez raison, monsieur Tétart, de parler d’une guerre pour le développement. C’est un combat que nous devons mener pour cette jeunesse qui aspire à un autre futur que la tentation du terrorisme. Ce combat, je le mène avec vigueur par le biais de la Stratégie jeunesse.
Vous avez raison, madame Imbert, la France a fait en sorte que toutes les voix soient entendues lors de la COP21 afin que l’accord qui en résultera certes s’applique à tous, mais soit pensé avec tous et que les pays vulnérables tels que les pays d’Afrique ou les États insulaires soient entendus dans cette conférence, au contraire de la conférence de Copenhague où certains pays industrialisés pensaient pour les autres. Ici, à Paris, aura lieu une COP21 de tous les pays ! Chacun y aura sa place et nous y veillerons ! Nous veillerons aussi à ce que la langue française soit largement présente dans cette COP 21…