Intervention de Franck Reynier

Séance en hémicycle du 26 novembre 2015 à 15h00
Favoriser la baisse de la production de co2 par le développement de l'effacement électrique diffus — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFranck Reynier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, madame la présidente de la commission, chers collègues, à quelques jours de l’ouverture de la COP21, la France, en tant que pays hôte, a la responsabilité de se positionner comme l’un des leaders mondiaux en matière de lutte contre le dérèglement climatique.

Si notre pays a un rôle central à jouer lors des négociations, en facilitant notamment l’adoption d’un accord international contraignant, il doit aussi présenter des mesures concrètes et réalistes.

En effet, notre politique environnementale ne peut se résumer à la présentation de grands objectifs. Au contraire, si nous voulons accompagner notre société dans une transition énergétique ambitieuse, nous devons proposer des avancées technologiques innovantes qui nous permettront, dès lors, d’atteindre les objectifs que nous nous fixons. Dans ce domaine, la France a toujours été considérée comme un pays précurseur. Mais pour combien de temps encore ?

L’effacement diffus, au coeur de cette proposition de loi, en est une illustration parfaite. Faute d’un cadre législatif ambitieux, nous risquons de perdre un véritable savoir-faire français en matière énergétique.

Mes chers collègues, je tiens, tout d’abord, à saluer le travail de Yves Jégo, impliqué sur ces sujets depuis longtemps et qui a compris l’importance de débattre d’un enjeu, à première vue technique, mais pourtant essentiel.

À travers ce texte, monsieur le rapporteur, vous ne cherchez finalement qu’à permettre le développement d’une technique avant-gardiste qui, en plus d’être utile pour les consommateurs, favorise la baisse de la production de CO2. L’effacement n’est pas un concept nouveau, mais je crois important de le remettre au coeur des débats législatifs, à l’heure où nous cherchons à tendre vers une société à faible émission de carbone.

Si l’effacement industriel reste, encore aujourd’hui, difficile à mettre en place, l’effacement diffus, qui concerne principalement les particuliers, est quant à lui beaucoup plus facile à développer.

Pour rappel, la France, du fait de sa politique énergétique très axée sur l’électricité, se démarque par une proportion particulièrement élevée de ménages utilisant un chauffage électrique. En effet, environ 31 % des logements individuels et collectifs disposent d’un chauffage électrique. La production électrique a la particularité de devoir s’adapter pour maintenir une production très proche du volume consommé sachant qu’il est aujourd’hui difficile de stocker l’électricité à grande échelle.

Ainsi, lors des pics de demande d’électricité, nous nous retrouvons face à un choix compliqué pour satisfaire la demande : soit il faut activer des moyens supplémentaires de production électrique, soit il faut tenter de réduire la consommation de certains acteurs.

La première solution est coûteuse et particulièrement émettrice de gaz à effet de serre, puisqu’elle impose de faire appel à des centrales utilisant généralement des combustibles fossiles, comme le charbon, le fuel ou le gaz.

Alors que la récente loi sur la transition énergétique a inscrit des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation énergétique des énergies fossiles, il ne nous paraît pas judicieux de recourir à de telles centrales, extrêmement émettrices.

Il est donc préférable de chercher un moyen intelligent de réduire la consommation énergétique des Français, sans conséquence sur leur quotidien. L’objectif n’est pas de couper le chauffage pendant trois heures un matin d’hiver. L’effacement diffus permet, au contraire, de procéder à de micro-coupures, qui ne seront pas directement ressenties par le consommateur.

Facile à mettre en oeuvre, cette technique ne représente pas une contrainte pour le consommateur, tant matériellement que financièrement. En effet, l’opérateur d’effacement se charge d’équiper, gratuitement, les habitations chauffées à l’électricité d’un boîtier qu’il pourra directement contrôler à distance, en effectuant ces fameuses micro-coupures. Cette technique, plutôt simple et de bon sens, est pourtant essentielle pour notre politique énergétique.

Essentielle car elle évite de recourir à des sources d’énergie polluantes lors des pics de consommation. Essentielle car elle permet de réduire sensiblement la facture énergétique des consommateurs.

La France compte plus de 5 millions de ménages en situation de précarité énergétique. Face à un constat aussi alarmant, il est important d’agir, et l’effacement diffus représente, assurément, une première mesure pour aider ces personnes en vulnérabilité énergétique.

Il doit venir en complément de dispositifs déjà existants. Je pense par exemple aux compteurs Linky, que l’on va commencer à déployer sur notre territoire. Ces outils très intéressants permettent de sensibiliser les ménages à leur consommation énergétique, donc de les aider à mieux la maîtriser. Les débats que nous avons eus lors de la discussion de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ont d’ailleurs permis de prévoir, pour les ménages précaires, un affichage en temps réel, fonction qui n’était pas intégrée à ces compteurs intelligents au départ. Alors que certains fabricants préparent des outils domotiques à brancher sur les compteurs Linky, on peut espérer également une évolution de ces boîtiers les rendant capables de gérer l’effacement diffus.

Nous ne pouvons pas nous permettre de rater ce tournant majeur, qui amorce de manière concrète la transition énergétique de notre pays. Notre rôle est bien d’aider l’émergence de dispositifs intelligents. Pour ce faire, il est nécessaire de bâtir un cadre législatif pertinent et équilibré.

Souffrant de grandes divisions, le marché de l’effacement est, aujourd’hui encore, trop confidentiel, alors même qu’il représente une richesse inestimable pour notre pays, à la fois en termes énergétiques et économiques : énergétiques, car il apporte une solution viable à un problème connu de tous ; économiques, car il permet aux ménages de réaliser des économies substantielles, donc de gonfler leur pouvoir d’achat. Une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME – évoquait des économies pouvant atteindre 7 % pour le particulier.

C’est également un marché plein d’avenir, tant il peut être porteur de croissance et d’emplois. Actuellement, la capacité d’énergie effacée est estimée à 500 mégawatts. Environ 100 000 foyers sont équipés d’un boîtier. C’est un début, une belle dynamique que nous voulons encourager.

Cette proposition de loi a justement le mérite de viser à clarifier un système difficilement compréhensible pour ses acteurs, en trouvant une répartition plus équilibrée des coûts et bénéfices entre les opérateurs d’effacement et les fournisseurs d’électricité. Si le mécanisme de l’effacement diffus paraît simple sur le papier, il souffre cependant d’un cadre législatif complexe. La loi dite « Brottes » de 2013 n’a malheureusement pas réussi à répartir de manière équitable les bénéfices de l’effacement entre les opérateurs et les fournisseurs. Le texte, proposé par notre collègue Yves Jégo, permet donc d’encadrer de manière plus efficiente le marché de l’effacement pour lui permettre d’évoluer positivement.

Actuellement, l’opérateur d’effacement doit effectuer au fournisseur des sites effacés un versement dont le montant est calculé en fonction des quantités d’électricité effacées. Est également prévu le versement d’une prime, en partie financée par la CSPE, aux opérateurs d’effacement, pour leur contribution aux objectifs de politique énergétique.

Comme l’a indiqué Yves Jégo dans sa présentation, cette prime a été remplacée par des appels d’offres depuis la loi relative à la transition énergétique. Néanmoins, le système souffre toujours d’un déséquilibre entre le versement réalisé par l’opérateur et la rémunération tirée de la revente de l’énergie effacée. Ainsi, le montant du versement acquitté par les opérateurs ne prend toujours pas en compte le gain sur le prix de l’énergie résultant de l’action d’effacement. En effet, lors de périodes de pointe, les opérateurs font baisser le prix de l’électricité, donc permettent indirectement de diminuer les coûts d’approvisionnement des fournisseurs.

Pour le groupe UDI, il est absolument nécessaire de mieux valoriser l’énergie effacée. L’opérateur d’effacement, qui installe gratuitement les boîtiers, doit pouvoir lui aussi s’y retrouver en termes de rémunération. Pour ce faire, cette proposition de loi prévoit de confier à RTE le versement aux fournisseurs d’électricité. Les coûts restant à la charge du gestionnaire du réseau public de transport seraient ensuite répartis entre fournisseurs.

Le groupe UDI ne peut que soutenir l’idée selon laquelle le versement est mis à la charge de l’opérateur d’effacement en cas de report de consommation, et à la charge des fournisseurs en cas de réelles économies d’énergie. En somme, ce texte revient sur une situation absolument intenable pour les opérateurs d’effacement, qui contribuent pourtant, et de manière non négligeable, à la politique énergétique de notre pays.

Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, comme vous l’aurez compris, le groupe UDI ne peut que soutenir une proposition de loi qui favorisera le développement d’une technologie innovante. Plus généralement, il me semble que l’effacement diffus doit être replacé dans un cadre plus global et dans une perspective davantage axée sur le long terme. Je pense notamment à la montée en puissance des énergies renouvelables, dont la production est trop souvent variable et imprévisible. L’effacement diffus pourrait alors devenir un excellent complément pour réduire temporairement, et lorsque cela est nécessaire, la consommation.

En commission des affaires économiques, la présidente l’a rappelé, la proposition de loi a malheureusement été rejetée. Si le groupe UDI se réjouit de la création d’une mission d’information sur l’effacement diffus, il reste convaincu que l’adoption d’un tel texte constituerait un message fort, et surtout un point de départ pour un travail plus approfondi.

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