Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 26 novembre 2015 à 15h00
Favoriser la baisse de la production de co2 par le développement de l'effacement électrique diffus — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Peut-être…

Les meilleurs experts travaillent à des méthodes pour compenser les défauts de cette intermittence : hydrogène, batteries, interconnexions à grande échelle, réseaux électriques intelligents, etc. Nous avançons tous les jours, mais pas suffisamment pour résoudre le problème à grande échelle.

Ainsi, le réseau électrique doit en permanence être en équilibre entre l’offre, c’est-à-dire l’électricité injectée dans le réseau par les producteurs, et la demande, c’est-à-dire l’électricité prélevée par les consommateurs. Dans les moments où la consommation dépasse la production, RTE, notre opérateur gestionnaire du transport de l’électricité et responsable de la planification de l’équilibre, peut demander à certains producteurs d’augmenter leur production, en activant par exemple les centrales de pointe au gaz ou au fioul, grandes émettrices de CO2.

L’effacement est au coeur de cet enjeu : il permettrait de limiter ce recours à l’émission de CO2 moyennant une baisse du niveau de consommation que l’on obtiendrait en commandant à un opérateur d’effacement la coupure immédiate et coordonnée de multiples postes de consommation dans le secteur résidentiel, tertiaire ou industriel. Depuis de nombreuses années, cette solution est mise en exergue pour optimiser la gestion des pointes de consommation d’électricité, souvent dans les soirées glaciales en hiver, en particulier dans nos montagnes.

L’effacement présente aussi l’avantage de permettre aux consommateurs de réaliser des économies d’électricité, de l’ordre de 6 à 15 % selon les études des différents acteurs impliqués sur le sujet. Notre rapporteur évalue à 200 millions d’euros par an l’économie potentielle totale.

Toute la question réside dans la maximisation de ces économies et, bien évidemment, dans la gestion des effets distributifs de ces montants. Comment répartir équitablement les économies réalisées entre les consommateurs, les opérateurs d’effacement, les producteurs d’électricité et les opérateurs gestionnaires de réseau ? Chacun doit recevoir ce qu’il mérite.

Les députés du groupe RRDP tiennent à une redistribution favorable d’abord aux consommateurs, en particulier les plus défavorisés, ceux qui habitent dans des territoires ou la baisse des températures fait grimper la facture d’électricité. Mon collègue Joël Giraud, député des Hautes-Alpes, a souvent participé à ces débats, montrant que la part de dépense contrainte dans le budget des ménages pour chauffer un logement est un facteur d’inégalité et d’injustice sociale, et qu’elle provoque une baisse significative du pouvoir d’achat. N’oublions pas que le chauffage électrique et le chauffe-eau peuvent représenter 80 à 90 % de la consommation électrique d’un foyer chauffé à l’électricité.

Les députés du groupe RRDP sont également favorables à une récompense proportionnée pour les opérateurs d’effacement innovants, des acteurs souvent situés en France. S’il n’est pas question qu’ils captent une partie déraisonnable du montant des économies réalisées, ils doivent être encouragés et justement rémunérés, à la hauteur de leur utilité sociale.

Notre ancien collègue François Brottes s’était passionné pour ces sujets. En 2013, il a défini pour la première fois un cadre pour les effacements explicites, c’est-à-dire les effacements permettant une valorisation de l’énergie effacée sur les marchés de l’énergie. Nous avons ainsi posé les bases de la rémunération des fournisseurs par les opérateurs d’effacement et le principe d’un versement d’une prime auxdits opérateurs.

Au départ, il était prévu que cette prime soit alimentée par la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, qui fait l’objet de tant de polémiques. Rappelons qu’il s’agit d’un prélèvement de nature fiscale sur les consommateurs, une sorte de « TVA énergie » qui a vocation à dédommager les opérateurs de certains surcoûts engendrés par les obligations qui leur sont imposées, notamment pour compenser le surcoût des énergies renouvelables.

L’évolution préoccupante de la CSPE, sa hausse et son coût croissant pour les consommateurs, ne peuvent cependant continuer indéfiniment. Aussi le Gouvernement mène-t-il une réforme pour la limiter.

Dans cette perspective, et après une large concertation des acteurs – Mme la présidente de la commission le rappelait tout à l’heure –, les débats lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique ont porté sur la détermination du mode de calcul appliqué aux versements faits par les opérateurs aux fournisseurs. La loi relative à la transition énergétique, promulguée en août dernier, a finalement modifié la loi Brottes en remplaçant la prime aux opérateurs par un système d’appels d’offres rémunérant les effacements de consommation du candidat retenu, système dont les modalités sont fixées par arrêté conjoint des ministres de l’économie et de l’écologie.

Cette modification optimise les effets redistributifs. Elle permet de maîtriser les charges de la CSPE et de piloter efficacement le déploiement en volume de cette filière prometteuse.

Dans le même temps, elle clarifie le rôle des gestionnaires de réseau dans la mise en oeuvre. Responsable de la mise en oeuvre technique des effacements, RTE doit rester neutre et ne peut légitimement exercer l’activité d’opérateur d’effacement.

Enfin, la loi relative à la transition énergétique définit deux régimes non cumulables : un régime général, pour la rémunération des opérateurs via le système d’appel d’offres et un régime dérogatoire pour les cas d’économie d’énergie significative, afin de répartir le paiement fait aux fournisseurs entre l’opérateur d’effacement et le gestionnaire de réseau. Le « règlement des écarts » encadre la couverture des coûts de RTE par la communauté des fournisseurs.

Un subtil équilibre, optimal et consensuel, a ainsi été trouvé après de multiples concertations. La présente proposition de loi tend à le modifier en revenant sur plusieurs dispositions, notamment sur la répartition du bénéfice.

Comme vous le savez parfaitement, monsieur le rapporteur, le Gouvernement va lancer les premiers appels d’offres et il évaluera ensuite leurs résultats. Votre volonté d’accélérer le mouvement est louable mais, dans une affaire aussi complexe, elle présente le risque de déséquilibrer le dispositif adopté et menace l’équité même du modèle.

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