Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 17 novembre 2015 à 17h45
Commission des affaires étrangères

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international :

Certains ont quand même des éléments, même si, c'est parfois difficile. Les Anglais s'appuient sur le drame français. On en a parlé hier avec David Cameron, Ils essaient de changer de position. Il faut toutefois qu'ils présentent l'affaire au Parlement. Il semble que les attentats français les aient vraiment touchés très profondément. Les Anglais sont également menacés. M. Perrin m'a interrogé sur l'Arabie saoudite. Nous parlons bien sûr beaucoup avec les Saoudiens ; j'ai rencontré encore hier le roi et le ministre de la défense. Mon interrogation porte plus sur l'Iran. Peut-on mettre d'accord l'Iran, l'Arabie saoudite, et quelques autres ? Il faut le souhaiter, mais c'est très compliqué. Ce conflit remonte à bien longtemps, et les solutions ne peuvent être les mêmes que celles que la France a trouvées en adoptant la laïcité, qui est ici, sans mauvais jeu de mots, une bénédiction

La France a connu depuis le Moyen âge des guerres de religion épouvantables, qui ont duré jusqu'au XVIII e siècle et qui n'ont été réglées que lorsque nous avons pu faire le départ entre l'ordre du religieux et l'ordre du politique ou du civil, avec la création de l'État par les philosophes, Hobbes, etc., et, bien plus tard, avec la séparation de l'Église et de l'État. Ce concept, dans les pays dont nous parlons, est inconcevable. Il existe une confusion entre le religieux et le politique depuis des siècles, qui est en train d'être réactivé.

Le rôle de la France, je le répète ici, indépendante, est de parler avec tout le monde et d'essayer, tout en défendant nos propres intérêts, de trouver des solutions de paix. Nous allons continuer en ce sens, tout en sachant que c'est très difficile.

M. Dufau, m'a demandé quel doit être le périmètre de la coalition internationale. Le plus vaste possible ! De ce point de vue, il n'y a pas de contradiction entre ce que nous avons dit il y a quelques semaines, ce qu'ont dit les Russes et ce que veulent les Américains.

Jusqu'à présent, la coalition consistait seulement à se prévenir mutuellement lorsqu'on envoyait des avions dans les airs, afin qu'ils ne se considèrent pas comme ennemis les uns les autres. Si on échange des renseignements, si on peut avoir des capacités d'attaques communes, c'est autre chose.

L'un des participants au G20 disait une chose simple, que doivent penser beaucoup de nos concitoyens : Daech est certes constitué de monstres, mais ne représente que 30 000 ou 40 000 personnes. Si l'ensemble des nations du monde coalisées ne sont pas capables de les anéantir, il y a quelque chose qui ne va pas ! Ce n'est évidemment jamais si simple, mais il faut de temps en temps revenir à des considérations assez basiques.

Monsieur Myard, la sanction à l'égard de la Russie est un autre débat. Il s'agit de la question ukrainienne. On a déjà traité le sujet. J'entends des critiques sur notre politique étrangère, mais quel pays arrive à faire en sorte que les uns discutent avec les autres ? C'est bien la France ! Dans le format Normandie, nous avons deux problèmes ; celui du cessez-le-feu avance quelque peu ; quant au problème politique pour l'application des accords de Minsk, les Russes affirment qu'ils ne bougeront pas tant que nous n'aurons pas réglé la question constitutionnelle, et les Ukrainiens, qui sont de plus en plus anti-Russes, alors que M. Porochenko a besoin d'une majorité au Parlement, ne veulent pas se plier à ce que demandent les Russes.

Dès lors qu'on ira dans le sens du processus de Minsk - auquel on ne parviendra pas avant la fin de l'année - on pourra évidemment alléger les sanctions, mais encore faut-il que ledit processus soit respecté.

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