L'accord qui nous est soumis a été conclu le 15 octobre 2010, par échange de lettres entre notre ambassadeur, représentant permanent de la France auprès des Nations Unies à Genève, et le directeur général de l'Organisation internationale des migrations (OIM).
Cet accord vise à remédier à une difficulté de nature fiscale entre la France et l'OIM, qui résulte de l'avenant du 22 juillet 1997 à la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966. Du fait de cet avenant, un certain nombre de fonctionnaires de l'OIM se sont trouvés dans une situation nouvelle – et fortuite – de double imposition de leurs revenus.
Je vous présenterai successivement – et brièvement – les missions de l'OIM et ses relations avec la France, l'origine du problème actuel, puis la solution retenue par l'accord du 15 octobre 2010.
L'OIM a succédé au Comité intergouvernemental pour les migrations européennes (CIME), créé en 1951, en même temps que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. L'OIM est devenue une institution essentielle dans le domaine des migrations et un partenaire majeur dans le cadre des activités humanitaires des Nations Unies.
L'Organisation a pour mission d'aider à assurer une gestion ordonnée et humaine des migrations, de promouvoir la coopération internationale sur les questions de migration, d'aider à la recherche de solutions pratiques dans ce domaine et de fournir une assistance humanitaire aux migrants, réfugiés et personnes déplacées dans le besoin.
Il faut noter que les critères d'admission et le nombre des immigrants à réadmettre sont reconnus par l'article 1er de la Constitution de l'OIM comme étant des questions qui relèvent de la compétence nationale des Etats. Dans l'accomplissement de ses fonctions, l'OIM se conforme donc à la politique des Etats qui souhaitent faire appel à elle.
Au titre de la collaboration étroite entre l'OIM et les États directement concernés par les phénomènes migratoires, on peut citer son action au Niger, pays pivot sur les routes migratoires de l'Afrique subsaharienne vers l'Europe. L'OIM y mène des actions d'assistance aux migrants en transit, d'accompagnement du retour des migrants en provenance de Libye vers leur pays d'origine, mais aussi de communication et d'information sur les risques encourus dans le cadre de l'immigration irrégulière.
La France avait quitté le CIME en 1966, considérant que le mandat initial avait été accompli : il était lié aux mouvements de population de l'après-guerre. Constatant l'importance prise par les phénomènes migratoires au cours des années 1970 et le rôle significatif joué par l'Organisation, la France a choisi de réintégrer pleinement l'OIM en 1994. Cette organisation apporte ainsi depuis plus de vingt ans son expertise à la France. De son côté, la France participe de façon croissante aux activités de l'OIM. Une liste des projets mis en oeuvre par l'OIM France figure dans mon rapport écrit.
Si l'OIM et la France entretiennent de bonnes relations, utiles pour notre pays, ces relations ont pu être entamées par l'évolution de la situation fiscale des fonctionnaires transfrontaliers de l'OIM qui travaillent au siège de l'organisation à Genève et résident en France.
A l'origine, ces fonctionnaires bénéficiaient d'une exonération d'impôt sur le revenu en France, en vertu de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966. Les revenus des travailleurs transfrontaliers du canton de Genève sont en effet imposables en Suisse, dans l'Etat de la source.
Conformément à l'accord de siège entre l'OIM et la Suisse, conclu le 7 avril 1954, ils sont en réalité exonérés d'impôt sur le revenu en Suisse, mais s'acquittent d'un impôt interne directement perçu par l'OIM et reversé au budget général de l'Organisation.
La situation a changé, de manière fortuite, du fait de l'avenant du 22 juillet 1997 à la convention fiscale franco-suisse. Il exonère les travailleurs transfrontaliers d'impôt en France au moyen d'un crédit d'impôt « à condition que le résident de France soit soumis à l'impôt suisse à raison de ses revenus ». Or les fonctionnaires de l'OIM ne s'acquittent pas, stricto sensu, de l'impôt suisse mais de l'impôt interne prélevé par l'OIM.
Dès lors, les fonctionnaires de l'OIM travaillant à Genève mais résidant en France sont soumis à l'impôt sur le revenu dans notre pays. Ce « dommage collatéral », manifestement fortuit, conduit à une situation où ces fonctionnaires voient leurs revenus doublement imposés : ils doivent s'acquitter de l'impôt sur le revenu en France, alors qu'ils paient déjà l'impôt interne de l'OIM.
Une soixantaine de fonctionnaires seraient concernés. Au cours des cinq dernières années, un peu moins d'une quinzaine se sont vu notifier un rehaussement d'impôt sur le revenu en France, et ont formulé un recours gracieux contre les procédures en cours.
L'accord qui nous est soumis est de nature à régler ces difficultés. Il prévoit une exonération d'impôt sur le revenu en France pour deux catégories de fonctionnaires de l'OIM : ceux qui résident en France et travaillent au siège de Genève, les transfrontaliers ; ceux qui résident en France sans avoir la nationalité française et travaillent dans l'un des bureaux en France, ce deuxième point étant d'une certaine manière l'équivalent de ce que prévoirait un accord de siège avec notre pays.
Les traitements et émoluments exonérés en application de l'accord seront pris en compte en France pour déterminer le niveau à appliquer aux revenus provenant d'autres sources. L'accord respecte ainsi la règle du taux effectif qui a pour objet de maintenir la progressivité de l'impôt acquitté.
L'accord de 2010 permet une clarification et une normalisation de la situation tant pour les fonctionnaires de l'OIM que pour l'administration fiscale française. Depuis l'avenant de 1997, la situation était gérée ponctuellement par divers expédients : suspension des procédures de recouvrement, remise gracieuse de l'impôt, ou encore remboursement par l'OIM de l'impôt français à certains agents n'ayant pas pu bénéficier d'autres mesures.
Outre ces difficultés, le statu quo aurait pu porter préjudice à la place de la France au sein de l'Organisation. Du fait de la double imposition fiscale qui existe aujourd'hui, le recrutement au sein de l'OIM de fonctionnaires de nationalité française ou résidant en France aurait pu être défavorisé.
Par ailleurs, il est probable que l'OIM aurait été amenée à rembourser aux agents concernés l'impôt dont ils s'acquittent en France. En contrepartie, l'OIM n'aurait pas la possibilité d'augmenter unilatéralement le montant de la contribution obligatoire française, mais elle aurait pu déduire le montant du remboursement effectué de la contribution volontaire de la France. Cela aurait eu pour effet de la diminuer et de dégrader ainsi la position de la France au sein de l'Organisation – par rapport au montant de la contribution volontaire effectivement versé.
Au bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi qui mettra un terme à une situation anormale qui n'a que trop duré.