Mais il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir sortir de décennies de Françafrique. Il faut que toutes les conditions soient réunies pour que les instances internationales – je pense, bien sûr, à l'ONU –, l'Union européenne et les pays africains eux-mêmes jouent pleinement le rôle qui doit être le leur, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
C'est de cela que je veux vous dire quelques mots au nom des député-e-s du groupe écologiste.
Aux sources de cette crise malienne, il y a d'abord une problématique malheureusement banale où le non-respect des minorités ethniques se mêle à un développement injuste et inefficace du nord du Mali.
Depuis son accession à l'indépendance en 1960, le Mali n'a jamais été confronté à une crise aussi grave. N'oublions jamais que celle-ci a débuté avec la reprise de la rébellion touarègue et l'attaque de Ménaka par le MNLA – le mouvement national pour la libération de l'Azawad –, créé en octobre 2011 avec pour projet de fédérer les mouvements touaregs autour de l'indépendance des trois régions nord du Mali. Cette zone historique de transit n'a jamais réellement été sous le contrôle d'un État malien qui, faute de moyens régaliens, a abandonné ses marges aux narcotrafiquants, au terrorisme d'AQMI et au trafic d'armes… C'est en grande partie parce que les conditions environnementales et économiques faites aux populations du Nord-Mali ne leur permettent pas de vivre décemment que cette rébellion a pris une forme militaire et que des groupes dont les objectifs sont fondamentalement différents ont pu, un temps, converger.
La remise en cause de l'intégrité du territoire malien a engendré, par un effet domino dramatique, la désintégration politique du Mali.
C'est à une partition de fait que le pays a dû se résoudre, avec l'occupation éclair, par les rebelles armés, des trois grandes villes du Nord, Kidal le 29 mars, Gao le 30 et Tombouctou le 1er avril.
Le résultat, c'est que l'ensemble du Mali vit aujourd'hui une situation effrayante : à la privation des libertés civiques au Sud, répondent, au Nord, la fermeture des écoles, le pillage de bâtiments publics, le saccage d'un patrimoine culturel et cultuel exceptionnel, l'imposition du voile islamique, la destruction de bibliothèques, les viols, les meurtres, les flagellations et le recrutement d'enfants soldats. Cette imposition forcée de la charia à des populations traumatisées est intolérable et justifie l'intervention.
Conjuguée aux conséquences matérielles de la guerre, elle conduit à l'afflux de 300 000 réfugiés vers les pays voisins et à un exode de plus de 150 000 personnes vers le sud du pays.
Cette situation est le fruit d'une crise du modèle de développement qui prévaut en Afrique, d'une crise démocratique, mais aussi d'une crise de la gouvernance internationale.
Si la France est intervenue, c'est qu'elle y a été contrainte par l'évolution préoccupante du conflit et par les risques immédiats que faisait courir tant au Mali qu'à l'ensemble de la région la progression des forces terroristes.
Comprendre et reconnaître cette contrainte ne peut signifier s'y résoudre, et surtout la voir perdurer au risque de voir la situation se reproduire ailleurs.
Il faut, à nos yeux, rétablir dans cette affaire le droit international. Une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l'ONU permettrait de traduire concrètement l'approbation générale exprimée par les gouvernements occidentaux et africains vis-à-vis de l'intervention militaire française. Cela engagerait également nos partenaires dans un soutien encore plus effectif. Ce partage de l'effort militaire est nécessaire à tous points de vue.
Engager plus encore l'ONU, c'est également préparer la paix sur le plan politique, en engageant la communauté internationale dans un soutien à une reconstruction institutionnelle malienne qui prendra en compte les droits et revendications des minorités.
Nous faisons confiance, monsieur le Premier ministre, au Gouvernement et à la diplomatie française pour aboutir à ces solutions. De même que nous soutenons sans réserve la démarche qui vise à replacer la Communauté des États d'Afrique de l'Ouest, et la force militaire interafricaine, la MISMA, au coeur du dispositif sur le terrain et au plus vite. On peut d'ailleurs noter que l'intervention militaire de la France a pour conséquence de hâter ce processus.
Voilà, mes chers collègues, le sens de la position que j'exprime aujourd'hui au nom des député-e-s écologistes : soutien à l'action militaire d'urgence en cours, soutien à la diplomatie française pour inscrire les solutions pour le Mali dans le cadre du droit international, exigence vis-à-vis de l'Europe et soutien à une politique de développement nouvelle. Nous savons que le Président de la République a décidé d'agir en ce sens.
J'ajoute que le groupe écologiste demande au Gouvernement de chercher les voies les plus appropriées pour assurer l'association la plus étroite possible du Parlement au processus d'information et de décision lié à cette intervention de la France. Ce sera la meilleure façon d'assurer la pérennité du consensus qui existe aujourd'hui dans l'opinion française tout au long d'une intervention que nous espérons la plus courte possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)