Intervention de Jean-Marc Ayrault

Séance en hémicycle du 16 janvier 2013 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'engagement des forces francaises au mali et débat sur cette déclaration

Jean-Marc Ayrault, Premier ministre :

M. Jean-Yves Le Drian a parfaitement eu raison de dire que, face à la situation très grave dans laquelle se trouve le Mali, la France a été en première ligne pour convaincre la communauté internationale de la présence d'un risque, d'un danger, pour l'intégrité du Mali, son unité, son avenir.

Ce travail politique au plus haut niveau a été conduit par le Président de la République et les membres du Gouvernement, moi-même, bien sûr, mais plus souvent encore le ministre des affaires étrangères et le ministre de la défense.

Nous avons en effet appelé l'attention de la communauté internationale et très vite, nous avons constaté une prise de conscience – elle était il est vrai nécessaire – qui a conduit à la décision très importante du Conseil de sécurité des Nations unies.

Je rappelle que, dès septembre, le Président de la République a fait solennellement une déclaration très grave devant l'Assemblée générale des Nations unies sur la situation au Mali et au Sahel et la nécessaire lutte contre les groupes terroristes, qui étaient en train de déstabiliser non seulement le Mali mais aussi toute une région, toute l'Afrique de l'Ouest.

Et je dois témoigner ici que depuis l'élection de François Hollande, pas un mois, pas une semaine ne s'est passé sans que le Président de la République, moi-même ou le ministre des affaires étrangères n'ayons été saisis par non seulement le président du Mali mais également par d'autres chefs d'État africains, très inquiets de ce qui était en train de se passer.

L'appel du Président de la République à la communauté internationale à l'Assemblée générale des Nations unies a conduit le Conseil de sécurité le 20 décembre – le 20 décembre, j'y insiste car c'est très récent – à décider que se constituerait une force internationale africaine.

Je suis surpris que l'on réclame une autre force internationale s'appuyant sur une base légale ; de quelle base légale s'agirait-il ? La base légale d'une organisation militaire pour intervenir en Afrique aujourd'hui c'est la résolution 2085 du Conseil de sécurité de l'ONU. Celle-ci doit conduire à la mise en place de la MISMA, force à la constitution de laquelle la CEDEAO a donné un avis favorable et qui prend aujourd'hui forme : l'état-major est maintenant stationné à Bamako et une réunion aura lieu à ce sujet à Abidjan le 19 janvier.

Toutefois, avant que cette force n'ait pu s'organiser, la situation s'est rapidement dégradée. Voyant cette force africaine se constituer, les forces des trois groupes terroristes en cause – parmi eux AQMI, Al-Qaïda au Maghreb islamique –, qui sont lourdement armés, ont décidé d'accélérer leur intervention, de sortir de leurs positions et de passer directement vers Mopti.

Ces événements se sont produits ces derniers jours, et ce sont ces derniers jours que le président du Mali a appelé la France à l'aide. C'est dans ce contexte précis que, très vite, dans les heures qui ont suivi cet appel, après la demande officielle écrite du président du Mali au Président de la République française et après que ce même président malien a également saisi le secrétaire général des Nations unies, le Conseil de défense, éclairé, a très rapidement pris la décision d'intervenir. Cela s'est produit, bien sûr, sur une base légale.

La seule base légale qui justifie notre intervention c'est l'article 51 de la charte des Nations unies. Il me semble très important de le rappeler, car j'ai entendu certains orateurs réclamer la constitution d'une force internationale d'une autre nature. Mais si nous avions pris un tel chemin, si nous avions en d'autres termes tourné la page de la résolution 2085 du 20 décembre dernier en essayant de partir sur une autre base, où en serions-nous aujourd'hui ? Nous aurions anéanti les efforts fournis jusqu'alors et récompensés par la décision du Conseil de sécurité et la MISMA ne pourrait plus se mettre en place.

Si nous avions cherché, pour répondre à la demande du président malien, une autre base que celle de l'article 51 de la charte des Nations unies, aucune intervention n'aurait eu lieu et aujourd'hui les troupes terroristes ne seraient pas seulement à Mopti, mais bien à Bamako ; tout ce que nous voulons entreprendre en ce moment n'aurait plus été possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Je réponds donc avec précision à ceux qui nous ont interpellés, La France a fait son devoir et je suis reconnaissant à tous les groupes parlementaires ici représentés d'avoir approuvé l'intervention de la France.

Je ne reprendrai pas les objectifs de l'intervention. Je les ai déjà indiqués et M. Jean-Yves Le Drian vient de les énoncer à l'instant : l'intervention de la France aujourd'hui aux côtés des troupes maliennes et demain avec la MISMA doit pouvoir se poursuivre dans les meilleures conditions possibles. Il faut en effet non seulement que la progression des terroristes soit arrêtée mais aussi que ces derniers disparaissent du Nord-Mali, afin que ce pays soit en capacité à la fois de retrouver sa souveraineté et de construire la nécessaire transition politique contenue dans la résolution 2085 et que la communauté internationale, et la France en particulier, appelle de ses voeux.

Ces conditions doivent donc être remplies.

Ainsi que je l'ai indiqué voilà quelques instants, la décision d'intervenir est une décision grave. Nous avons clairement exposé dans cet hémicycle avec le ministre de la défense les moyens aériens, militaires et humains que nous mettons en place. Évidemment, l'objectif est de réussir, mais aussi substituer aux forces françaises les forces militaires africaines, à commencer par l'armée malienne, qu'il faut en effet former.

À cet égard, l'Union européenne accélère son travail, mais il faut voir d'où nous partons ainsi que les conditions dans lesquelles ces différents pays ont les moyens d'agir. Ce sont des pays pauvres : il faut également avoir en tête la nécessaire politique de développement à mettre en oeuvre.

Pour conclure, je tiens à vous dire, monsieur Copé, et d'autres orateurs sont intervenus dans le même sens que vous, que le budget de la défense n'est pas la variable d'ajustement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

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