Intervention de Jacques Bompard

Réunion du 25 novembre 2015 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

Madame la rapporteure, je comprends parfaitement votre ambition d'inscrire le génocide arménien au coeur de la loi française, et j'y suis tout à fait favorable. Ce génocide d'une violence incomparable n'a rien à envier aux autres crimes issus de la folie des hommes. Rien : il y eut des déportations, des viols, des tortures, une volonté d'épuration ethnique et religieuse. Tout cela a été mené par les officines ultra-laïques des Jeunes Turcs, qui alliaient déjà haine des chrétiens et volonté d'épuration ethnique. De Mardin à Diyarbakir, la violence fut infinie. L'année dernière, au Liban, les Arméniens ont d'ailleurs manifesté en scandant : « Ni oubli, ni pardon », pendant que les services turcs organisaient des contre-cérémonies à Tripoli.

Soyez certaine que je salue votre démarche, d'autant que, dans le même temps, le président islamiste Recep Tayyip Erdogan continue à montrer la nature de ses convictions et de ses alliances. Signalons tout de même que cet homme est venu récemment prêcher la mobilisation communautaire à Strasbourg, alors que la constitution de la Turquie interdit la simple évocation politique des minorités présentes sur son sol !

Si l'on veut aller au bout de votre démarche, il faut oser dire au Conseil constitutionnel que soit la loi Gayssot doit être complétée, soit l'on crée des hiérarchies entre les horreurs et entre les génocides, attitude qui ne peut qu'accentuer les violences mémorielles. D'ailleurs, pourquoi limiter le champ des horreurs et des génocides considérés au seul XXe siècle ? Il est désormais clairement établi par bon nombre d'historiens que les massacres ordonnés par les révolutionnaires, tant ceux qui furent perpétrés en Vendée par les colonnes infernales, qui brûlèrent notamment des enfants, que les exécutions de carmélites, telles qu'il y en eut à Orange, faisaient partie d'un plan. Or il ne viendrait à l'esprit de personne de criminaliser les commentateurs de cette période. Pourtant, selon Soljenitsyne, c'est dans ces procédés que l'on trouve la matrice de tous les génocides du XXe siècle.

La loi instaure de fait une hiérarchie entre les génocides. Elle établit la négation d'un génocide en un délit contre l'humanité, alors qu'il s'agit plutôt, selon moi, d'un crime contre l'esprit. Madame la rapporteure, vous nous posez un cas de conscience. Si l'on va complètement dans le sens de la loi Gayssot, il faut étendre son champ aux camps de rééducation gauchistes du général Giap, aux expérimentations culturelles de Mao, aux assassinats de Katyn et à tant d'autres expériences menées par des idéologues de toute sorte. Soit on ouvre cette loi à toutes les horreurs, soit on la cantonne à une seule d'entre elles. Tel est le dilemme.

Quoi qu'il en soit, je salue pleinement votre engagement en faveur de la mémoire du génocide arménien et en faveur des Chrétiens d'Orient, et vous en remercie.

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