Intervention de Claude de Ganay

Réunion du 25 novembre 2015 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude de Ganay, rapporteur :

Je vous remercie de m'accueillir à la commission des Lois pour examiner, en première lecture, la proposition de loi que j'ai déposée le 14 octobre 2015, visant à rendre automatique l'incapacité pénale d'exercice pour les personnes définitivement condamnées pour des faits de pédophilie ou de détention d'images pédopornographiques.

Mon initiative fait suite à deux récentes affaires médiatisées de pédophilie survenues dans des établissements scolaires au printemps 2015 : d'une part, à Villefontaine, en Isère, et d'autre part, à Orgères, en Ille-et-Vilaine. À l'occasion de ces deux affaires, il était apparu que des personnes mises en cause pour des actes pédophiles avaient pu continuer à exercer leurs fonctions professionnelles au contact de mineurs, alors même qu'elles avaient déjà été condamnées en 2006 et 2008 respectivement pour détention d'images pédopornographiques et pour recel de biens provenant de la diffusion d'images pédopornographiques.

Ces affaires avaient conduit les ministres de la justice et de l'éducation nationale à diligenter une enquête administrative, confiée conjointement à l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche et à l'inspection générale des services judiciaires, afin d'identifier les éventuelles défaillances organisationnelles des deux ministères et de faire des propositions pour y remédier. À la suite de la remise, le 4 mai 2015, d'un « rapport d'étape sur les faits de Villefontaine et d'Orgères », réalisé par les services d'inspection, le Gouvernement avait décidé d'introduire, par voie d'amendement, un article dans le projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne, alors en cours d'examen devant les assemblées. Il s'agissait de remédier aux lacunes de notre législation en matière de transmission d'informations aux autorités administratives de tutelle en cas de condamnation ou de procédure judiciaire en cours pour des infractions sexuelles contre mineur concernant un agent public.

Sur mon initiative et avec la bienveillance de Dominique Raimbourg, rapporteur de la loi – que je tiens ici à remercier –, l'Assemblée nationale avait complété ce dispositif en votant un amendement interdisant à toute personne condamnée définitivement pour certains délits, indépendamment de la nature et du quantum de la peine prononcée, d'exploiter, de diriger ou d'exercer au sein de l'un des établissements, services ou lieux de vie et d'accueil régis par le code de l'action sociale et des familles.

Le Sénat s'était cependant opposé à cette démarche, tant pour des raisons de forme que pour des motifs de fond. Le dispositif gouvernemental – à l'exclusion de la disposition issue de mon amendement – avait alors été jugé comme portant une atteinte substantielle au principe constitutionnel de présomption d'innocence. Dans sa décision du 13 août 2015 sur la loi définitivement adoptée par l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel, saisi par plus de soixante sénateurs, avait déclaré ces dispositions, ainsi que vingt-six autres articles additionnels, contraires à la Constitution, considérant qu'elles ne présentaient pas de lien, même indirect, avec l'objet du projet de loi.

Il n'en reste pas moins que la législation pénale relative aux infractions sexuelles commises contre les mineurs doit aujourd'hui faire l'objet d'améliorations dans les meilleurs délais. Je soutiens ce point de vue de longue date : dès le 8 avril 2015, j'avais déposé une première proposition de loi visant à rendre automatique l'incapacité pénale d'exercice pour les personnes condamnées pour des faits de pédophilie ou de détention d'images pédopornographiques. Lors de l'examen en première lecture, en mai 2015, de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant, j'avais défendu un amendement poursuivant le même objectif que le présent texte.

C'est à la lumière de ces débats et des articles adoptés en lecture définitive au mois de juillet par la commission des Lois et l'Assemblée nationale que j'ai souhaité déposer ce texte, afin de créer un dispositif simple permettant d'améliorer efficacement la protection des mineurs contre les actes de pédophilie, dans le respect de nos principes constitutionnels. Son article unique entend rendre plus systématique, à l'article L. 133-6 du code de l'action sociale et des familles, la peine complémentaire d'interdiction d'activité auprès des mineurs au sein des établissements, services ou lieux de vie et d'accueil régis par le même code en cas de condamnation définitive pour un certain nombre d'infractions : délit d'agressions sexuelles autres que le viol imposées à un mineur de quinze ans, délit de mise en péril des mineurs, délit de recel d'images à caractère pédopornographique, etc.

Dès lors que des personnes sont condamnées pour infraction sexuelle contre mineur, le législateur doit définir des mécanismes garantissant leur mise à l'écart d'un milieu professionnel qui les placerait au contact des moins de dix-huit ans. Il apparaît donc indispensable, en cas de condamnation pour de telles infractions, de rendre plus systématique le prononcé de la peine complémentaire d'interdiction d'exercice.

C'est pourquoi je vous invite tous, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi que le groupe Les Républicains a choisi d'inscrire à l'ordre du jour du jeudi 3 décembre 2015 – journée qui lui est réservée en application de l'article 48, alinéa 5, de la Constitution.

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