Je vous remercie pour vos compliments et vos exigences, qui sont fort légitimes.
Le 13 avril dernier, la loi que vous avez vous-même proposée, que le Gouvernement a soutenue et qui vise à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques a été promulguée. C'est une loi de progrès. En effet, elle nous conduit à nous interroger sur la qualité de la croissance, d'abord pour la définir, puis pour identifier les moyens de l'améliorer. En d'autres termes, il s'agit de choisir une palette d'indicateurs complémentaires du produit intérieur brut, offrant une vision plus complète et plus juste de l'évolution du pays. Complémentaires du produit intérieur brut (PIB) et non pas alternatifs, car il ne s'agit pas de remplacer le PIB – cela n'aurait pas de sens –, et encore moins d'abandonner tous nos efforts pour consolider la reprise qui est en marche : nous atteindrons plus de 1 % de croissance cette année, et nous prévoyons 1,5 % l'année prochaine.
Pour construire ce tableau de bord d'indicateurs, nous nous sommes appuyés sur le travail qui a été mené par France Stratégie et le CESE, travail de très grande qualité, chacun en conviendra. La consultation citoyenne qu'ils ont organisée a permis de dégager dix thèmes prioritaires pour les Français avec, pour chacun d'entre eux, des propositions d'indicateurs. Je sais d'avance que certains d'entre vous se demandent pourquoi le Gouvernement n'a pas retenu à la lettre les dix indicateurs proposés. Mais je tiens à les rassurer : il ne faut y voir aucune malice, au contraire, puisque nous avons retenu un indicateur, l'artificialisation des sols, pour lequel l'évolution de ces dernières années n'est pas particulièrement favorable. Nous avons voulu privilégier les indicateurs dont la mesure est fiable, avec un dernier point dans le temps qui soit le plus récent possible, et permettant des comparaisons européennes. C'était le cas pour la plupart des propositions du CESE et de France Stratégie. Nous avons néanmoins effectué quelques ajustements, notamment en arbitrant entre les indicateurs phares ou les indicateurs complémentaires proposés par le CESE et France Stratégie, tout en respectant les résultats de la consultation citoyenne, car c'est bien cela le plus important. À la publication du rapport, le CESE a ainsi considéré que le Gouvernement avait effectivement repris ses propositions – c'était pour nous un objectif essentiel – mais je pourrai bien sûr revenir en détail sur les ajustements auxquels nous avons procédé si vous le souhaitez.
Ces dix thèmes n'épuisent évidemment pas le champ de l'action gouvernementale. La sécurité, par exemple, n'y figure qu'indirectement, à travers notamment l'indicateur de qualité de vie. Vous savez néanmoins la mobilisation qui est celle du Gouvernement sur ces questions. Mais ce n'est pas l'objectif de ces indicateurs que de refléter l'ensemble de l'agenda gouvernemental ; il s'agit, ici, de mesurer avant tout la qualité de la croissance, sur le court terme comme sur le long terme.
Aussi, indépendamment des priorités du moment, j'estime que ce tableau de bord, pour être utile et devenir véritablement un outil supplémentaire de pilotage des politiques publiques, doit désormais rester stable. Supplémentaire, car il existe d'autres outils, notamment au niveau européen, je pense à la stratégie Europe 2020, qui vise à construire une Europe tournée vers l'avenir. Nous avons cherché à garantir la cohérence de cette démarche nationale avec la démarche européenne, car la convergence européenne est indispensable à la réussite des États membres.
Que nous disent ces nouveaux indicateurs de richesse ? D'abord, la France a de nombreux atouts et de nombreuses forces. Pour six indicateurs sur dix, nous faisons mieux que la moyenne européenne – je crois que nous pouvons en être fiers : le taux de sortie précoce du système scolaire ; le taux de pauvreté ; le taux de dépenses de R&D ; l'espérance de vie en bonne santé ; les inégalités de revenu ; les émissions de gaz à effet de serre et l'empreinte carbone. Pour les autres indicateurs, nous ne sommes pas marginalisés, nous nous situons tout juste dans la moyenne européenne. Cela signifie qu'il ne faut pas relâcher nos efforts. En matière d'endettement par exemple, nous devons poursuivre notre stratégie de réduction des déficits publics, même dans la période actuelle, à un rythme adapté pour ne pas pénaliser la reprise ni remettre en cause les priorités budgétaires.
En outre, l'évolution récente des indicateurs va, globalement, dans le bon sens. Je me garderai toutefois de tout triomphalisme. Ainsi, les inégalités de revenu – lorsque l'on compare le revenu des 20 % les plus riches à celui des 20 % les plus pauvres – ont baissé en 2013 jusqu'à effacer l'augmentation enregistrée depuis 2008. C'est le résultat d'une meilleure redistribution, tant par la qualité des services publics – je pense notamment à la santé ou à l'éducation – que par la défense d'un modèle social plus juste et plus inclusif. Là encore, des efforts restent à faire pour aller plus loin, c'est le sens de notre action.
Le rapport ne se contente pas d'analyser un tableau de bord d'indicateurs, mais il évalue, conformément à la loi, les principales mesures en cours de mise en oeuvre ou à venir. Pour cette première édition, nous en avons étudié six qui correspondent aux grandes lignes de l'action du Gouvernement : le pacte de solidarité et de responsabilité tant dans ses volets « entreprises » que « ménages », dont la mise en oeuvre se poursuit dans les textes financiers de fin d'année ; la loi relative à transition énergétique pour la croissance verte, qui apparaît comme une évidence dans cet exercice ; le plan pauvreté ; le plan France très haut débit ; la réforme du collège. Ces mesures, analysées à travers le prisme du tableau de bord d'indicateurs, apparaissent toutes comme des réformes de progrès, c'est-à-dire qu'elles concourent globalement à une amélioration des indicateurs. En d'autres termes, elles contribuent à enrichir la croissance en emplois, à améliorer les conditions de vie, et à intensifier nos efforts en faveur du développement durable. Cet exercice d'évaluation n'est bien sûr pas exhaustif, c'est une première étape.
Ce rapport sera enrichi dès l'année prochaine, selon trois axes. D'abord, afin que chaque citoyen puisse s'emparer des indicateurs, nous ferons en sorte que les données soient centralisées et facilement accessibles. Ensuite, afin de nourrir le débat, le Premier ministre a proposé que le CESE rende chaque année un avis complémentaire aux analyses qui sont faites. Enfin, nous devons approfondir les outils dont nous disposons pour évaluer quantitativement les réformes que nous menons, je pense en particulier à l'impact des réformes sur les émissions de gaz à effet de serre. Ces chantiers sont en cours.
Mesdames et messieurs les députés, nous sommes à la veille de la COP 21, durant laquelle des engagements importants devront être pris pour lutter contre le réchauffement climatique, je ne doute pas qu'ils le seront. Ces engagements concernent des hausses de températures qui pourraient avoir lieu dans plusieurs dizaines d'années, et pourtant, il faut les prendre maintenant, sans tarder. Qu'est-ce que cela signifie ?
Il est impératif désormais que le long terme soit au coeur des politiques publiques, et que les décisions prises ne le soient pas au détriment des générations futures. C'est le sens de notre action lorsque nous donnons la priorité à la jeunesse ; lorsque nous assurons la pérennité de notre système de santé, en parvenant à diviser par deux son déficit depuis 2010, sans rien céder sur la qualité des soins ; ou lorsque nous donnons un cadre favorable à nos entreprises pour permettre l'émergence des champions de demain.
Or, cette obligation politique, et, je le crois, également morale, de penser le long terme dans les politiques publiques mérite d'être sans cesse rappelée, contrôlée, débattue, défendue. Les nouveaux indicateurs de richesse sont aussi une forme, parmi d'autres, de prise en compte de cette obligation : les tendances longues qui y sont décrites mettent en lumière les progrès accomplis, les difficultés éventuelles, et les défis qui restent devant nous.
Car des défis, il en reste et c'est à nous de les relever. Depuis 2012, nous réformons et nous continuerons à le faire jusqu'au bout, dans tous les domaines. Cette première édition du rapport le montre. Je vous donne rendez-vous l'année prochaine pour la prochaine édition qui, j'en suis certain, montrera l'approfondissement du travail et les nouveaux progrès qui, je l'espère, auront été accomplis.