Je vous remercie d'être venu nous présenter le rapport du Gouvernent sur les nouveaux indicateurs de richesse. Cette démarche est en elle-même une innovation. Elle acte le fait que la croissance du pays ne peut être mesurée à l'aune d'un seul indicateur, le PIB, ni dans une seule dimension, la croissance de la production.
La commission Stiglitz avait démontré les limites du PIB et souligné la nécessité, pour changer de modèle, d'adjoindre aux indicateurs existants des indicateurs sociaux et environnementaux. Les crises que nous subissons nous y invitent, mais il faut aussi beaucoup de volonté politique. C'est pourquoi je veux saluer, une fois de plus, la ténacité de notre collègue Eva Sas, et l'engagement du Gouvernement, qui chaque année présentera la situation de notre pays et son projet de budget, au regard de ces nouveaux indicateurs.
Il était temps ! Sur le plan national, nous avions pris du retard alors que, dans les régions – certaines depuis plus de dix ans –, les conseils régionaux ont défini des instruments de pilotage au service d'une société et d'un territoire qui font autorité. Je veux notamment citer les régions du Nord-Pas-de-Calais et des Pays de la Loire. Parfois, elles n'ont pas pu en tirer pleinement parti en raison du caractère inédit des indicateurs choisis et faute de liens avec l'administration nationale.
Au-delà de la satisfaction que nous éprouvons ce matin, je vous livre quelques remarques de notre groupe.
Le Gouvernement a retenu dix indicateurs cohérents avec la Stratégie Europe 2020 en faveur d'une croissance intelligente, soutenable et inclusive. Vous l'avez dit, il a fait le choix de s'appuyer sur les travaux de France Stratégie et du CESE, qui représente la société civile. Sur le plan intellectuel et technique, il n'y a rien à dire.
Cependant, si je comprends la difficulté d'organiser une grande consultation citoyenne, je sais aussi que la réussite passe par l'appropriation par la population. Aussi à défaut de cette consultation, il convient de faire vivre le débat sur ces indicateurs, de susciter la responsabilité des citoyens et de faire naître une culture de l'intérêt public. Comme le disait Hélène Combes, ce qui compte le plus pour nous ne peut pas être défini par quelques-uns.
Il faut maintenant que ce rapport vive, avant que nous ne nous revoyions l'an prochain. Nous avons su animer des consultations nationales sur l'éducation, la simplification, ou la citoyenneté, nous pourrons peut-être le faire pour cette nouvelle boussole.
Le Parlement peut prendre là toute sa place. Les travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle ou du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, trop méconnus, peuvent y concourir non seulement par l'évaluation mais aussi par la co-construction.
Vous avez choisi de retenir dix indicateurs. La volonté d'avancer et de rattraper le retard l'explique sans doute. Pour ma part, je pense que c'est presque trop.
Je prendrai trois exemples. D'abord, j'ai du mal à comprendre que nous retrouvions ici le taux d'endettement, déjà connu, qui ne vient pas contrebalancer le PIB.
Ensuite, dans quelle mesure l'État s'est-il appuyé sur les expériences réussies ? Ainsi, l'Association des régions de France a-t-elle déjà calculé un indice de la santé sociale. En outre, certains indicateurs sont très subjectifs, comme l'indicateur de satisfaction dans la vie. On salue l'intention, qui est de mesurer le bien-être dans toutes ses dimensions, mais on ne comprend pas trop la manière dont il est élaboré et corrélé.
À l'échelon européen, la Commission envisage de s'appuyer sur le SPI – social progress index –, élaboré par une organisation américaine à but non lucratif. Si l'Europe décide d'utiliser le SPI, notamment comme clef de répartition des aides aux régions, nous ne pouvons pas le passer sous silence. J'en connais les imperfections : il ne répond pas du tout aux problématiques environnementales et ne s'intéresse pas à la question des inégalités ; il n'ambitionne pas non plus de faire évoluer notre projet de société. J'en connais l'avantage : il porte sur les résultats et pas les moyens. Pouvez-vous nous éclairer sur cet indicateur que je ne souhaite absolument pas promouvoir mais qu'on ne peut ignorer, y compris pour le combattre s'il le faut ?
Je salue le souci de pragmatisme que traduit la présence dans le rapport de quelques évaluations qui donnent leur sens à ces nouveaux indicateurs.
À l'heure où notre pays affirme très officiellement le désir de porter et de réussir la COP21, votre audition de ce matin prend tout son sens. Elle témoigne de notre volonté commune d'analyser et de réorienter nos politiques à travers une grille d'analyse de l'ensemble des richesses de la France, au-delà des seuls indicateurs de conjoncture économique. Vous nous trouverez à vos côtés, la semaine prochaine comme au long de l'année 2016, pour améliorer ces indicateurs, pour les faire vivre dans la population et pour les garder en toile de fond de nos prochains débats parlementaires et de nos prochaines décisions.