Vos remarques et vos questions montrent qu'il nous reste un important travail d'explication à accomplir. L'allongement du calendrier législatif n'est pas sans incidence sur l'état d'avancement de la tâche qui nous a été confiée. Ainsi, nous avons appris juste après avoir rendu notre rapport que nous disposions en fait d'une année supplémentaire pour mener à bien notre travail, et il est évident que nous allons mettre cette année à profit pour effectuer dans les meilleures conditions le processus de concertation que nous avons entamé.
J'appelle votre attention sur le fait qu'en l'état actuel du projet de loi, l'agence n'est investie d'aucune autorité, celle-ci restant aux mains de l'État et des régions, qui vont continuer à l'exercer au moyen des schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) et des stratégies régionales de biodiversité ; certaines décisions seront également prises au niveau communal et intercommunal. L'irruption de l'Agence française pour la biodiversité dans le paysage ne va rien changer à la répartition des responsabilités et des compétences, la seule plus-value qu'elle a vocation à apporter consistant à aider les autorités compétentes à être mieux renseignées en amont et à mettre en oeuvre de façon optimale les stratégies qu'elles auront définies.
Il est un élément particulièrement important dans notre rapport : nous insistons sur le fait qu'en matière de gouvernance, ce n'est pas la composition du conseil d'administration qui compte, mais le Comité national de la biodiversité et ses rapports avec l'Agence française pour la biodiversité – un point sur lequel le projet de loi ne dit rien. Nous avons suggéré que le Comité dispose au moins d'un droit de regard sur les orientations stratégiques de l'Agence, et cette proposition a été reprise par la commission du développement durable du Sénat. Cela nous amène à la question de l'animation de la stratégie nationale pour la biodiversité, qui doit selon nous faire partie des attributions de l'agence.
Nous estimons que le conseil d'administration doit, comme son nom l'indique, être constitué de personnes responsables de la gestion de l'établissement. Par ailleurs, l'agence doit comprendre des comités d'orientation et, sur le plan de l'organisation du travail, des unités coopératives associées à d'autres partenaires, ainsi que des réseaux professionnels de gestionnaires et de collectivités ayant vocation à recevoir une aide de la part de l'agence – je pense notamment à la Fédération des conservatoires botaniques. Enfin, l'agence nationale doit fonctionner en lien avec les agences régionales. Cette déclinaison territoriale d'un établissement public de l'État constitue un exemple unique, surtout quand on considère les multiples formes que peut prendre l'agence régionale – d'un EPCE jusqu'à un établissement public de la collectivité en passant par une association – et son partenariat avec la structure centrale – qui peut être réduit à une simple convention.
Cette organisation pose de multiples questions juridiques, et ce n'est pas tant le statut de l'établissement public qui est en cause que la manière de mettre en oeuvre des délégations de mission. Nous avons identifié un certain nombre de sujets sur lesquels des questions restent posées, afin d'y travailler et d'appeler votre attention sur la nécessité d'y apporter des réponses sur le plan législatif. Le simple fait de constituer une équipe commune entre l'AFB et l'ONCSF pose problème : pour que cette équipe puisse être dotée d'un chef commun, nous ne disposons pas en l'état actuel de tous les outils législatifs nécessaires. La question se pose déjà en outre-mer, car il existe des unités mixtes dans tous les départements d'outre-mer où l'ONCSF et l'ONEMA sont présents, et un problème se pose immanquablement quand une responsabilité doit être prise par une autorité hiérarchique : on s'aperçoit alors qu'il y a deux chefs – un dans chaque unité. Nous vous demanderons donc d'apporter des réponses législatives à ces questions lors du prochain examen du texte.
Pour ce qui est de la répartition des rôles, l'agence arrive dans un paysage où de nombreux acteurs ont déjà des responsabilités. De notre point de vue, elle doit avoir pour rôle de réorganiser ce paysage. Nous proposons une concertation active au niveau régional, un socle commun ayant préalablement été défini au niveau national.
Il nous a été demandé de quels leviers d'action directe l'AFB allait disposer sur le terrain. Or, ce n'est pas vraiment la vocation de l'agence que de disposer de ces leviers, qui sont déjà aux mains d'une multitude d'acteurs sur le terrain – et je ne me vois pas demander 3 000 équivalents temps plein pour placer au sein des communes des équipes chargées d'aider à la mise en oeuvre de stratégies en matière de biodiversité !
Pour ce qui est des milieux marins, il se trouve que la relation entre l'Agence des aires marines protégées et l'État, notamment au travers des directions interrégionales de la mer au sein du ministère de l'écologie et des comités maritimes de façade, est assez bien organisée : le bon sens veut que nous reprenions cette organisation, en essayant simplement de profiter de la mise en place de l'AFB et des agences régionales pour rééquilibrer légèrement les choses en faveur d'une meilleure implication du niveau régional.
En ce qui concerne les moyens, si nous n'avons fait que reprendre ce qui figurait dans le précédent rapport de préfiguration, c'est qu'il n'y avait pas matière à remettre cela en cause. Nous avons donc mentionné un besoin de financement pour l'agence de l'ordre de 200 millions d'euros en plus des ressources des quatre organismes intégrés, et environ la même somme pour l'appui des acteurs au sein des territoires. Il a été dit que nous pourrions nous appuyer sur les financements affectés à l'eau pour faire un peu plus en matière de biodiversité. C'est peut-être possible à la marge – les redevances des comités de bassin, des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et des agences de l'eau financent d'ailleurs à hauteur de 250 millions d'euros des questions de biodiversité – mais il ne faut pas se faire d'illusions : le principe de « l'eau paye l'eau » doit continuer à être respecté. On ne peut faire l'économie d'une réflexion sur une fiscalité propre à la biodiversité, étant précisé qu'il n'est pas exclu de procéder à une réforme à fiscalité constante, en revoyant éventuellement les modalités d'application de certaines taxes.
Mme Geneviève Gaillard nous a reproché l'emploi du verbe « adosser ». Peut-être, en voulant faire preuve de diplomatie, avons-nous perdu en précision : ce que nous voulions dire, c'est que les contrats de plan État-région (CPER) doivent financer les agences régionales pour la biodiversité dans le cadre des stratégies régionales pour la biodiversité.
Nous avons mentionné la mobilisation de sources de financement comme un potentiel : de notre point de vue, l'AFB et les ARB devraient aider les acteurs à obtenir des financements en prenant part à des appels d'offres. En effet, ces acteurs manquent souvent d'une ingénierie de projet pour répondre à des appels d'offres européens – ce n'est pas le cas à l'Agence des aires marines protégées, qui dispose de deux spécialistes en ingénierie de projet, ce qui lui permet de répondre régulièrement à des appels d'offres, notamment dans le cadre des projets européens BEST, INTERREG ou LIFE.
Il nous a été demandé si la mutualisation des quatre organismes existants allait générer des moyens susceptibles d'être redéployés. Sur ce point, je commencerai par souligner que nous ne sommes pas en présence d'une fusion de ces quatre organismes : le projet de loi propose de créer un établissement public avec des missions qui débordent très largement de celles actuellement confiées aux quatre organismes – si je prends l'exemple de l'appui au développement de l'économie verte, les quatre organismes ne sont en aucune façon concernés. Par ailleurs, les missions des quatre organismes ne se recouvrent quasiment pas entre elles : quand on parle des stratégies pour le milieu marin, par exemple, l'ONEMA n'est pas autour de la table. Certes, nous allons réaliser quelques gains sur les fonctions support, mais dont le montant sera insignifiant par rapport aux moyens nécessaires pour accomplir les missions confiées à l'Agence française pour la biodiversité.
Nous voyons dans les attributions de l'AFB énumérées dans le projet de loi une mission confiée à l'agence d'intervenir sur le champ économique, au profit du développement et de l'emploi. Pour ce qui est de l'organisation actuelle de la concertation relative à la préfiguration, après avoir travaillé en interne durant quelques mois, nous venons de relancer une réunion de la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique (CNTE) et nous avons l'intention de programmer en 2016 des événements qui vont nous donner l'occasion d'associer les acteurs concernés, notamment sur la question économique, qui inclut pour moi le monde agricole. Nous avons pour projet phare en 2016 d'organiser les premières assises de l'économie et de la biodiversité. La question de savoir si l'agriculture doit participer à ces assises ou prendre part à un événement spécifique est posée, et il y sera répondu lorsque nous aurons rencontré les représentants du monde agricole pour en parler avec eux. J'estime personnellement qu'il vaut mieux ne pas exclure le monde agricole, quitte à ce qu'il participe à la fois aux assises et à un événement qui lui serait dédié.
J'ai bien conscience de ne pas répondre à toutes les questions qui m'ont été posées, mais je ne dispose pas de tous les éléments pour le faire en l'état actuel d'avancement du projet de loi. Pour ce qui est de la question des moyens, elle dépend du projet de loi de finances pour 2017 – car pour le moment, nous avons suspendu la discussion sur ce point. Il est certain qu'au jour de la création de l'agence, tout ne sera pas encore en place : il faudra plusieurs années pour cela. Nous avons commencé à discuter des questions relatives aux partenariats, notamment avec l'ONCFS, et j'espère que nous disposerons très vite de schémas permettant de déterminer la façon de mettre des équipes en commun et à quel niveau – seulement pour les missions de police, ou pour d'autres. En tout état de cause, si les chasseurs sont des acteurs de la biodiversité, l'ONCFS n'est pas leur établissement public : il relève de l'État, qui a décidé de ne pas l'intégrer à l'AFB – je précise bien que ce n'est pas l'ONCSF qui a refusé de rallier l'AFB.
Nous discutons également avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) – car nous pensons qu'à l'instar de l'ONCFS, il est capable de nous apporter des capacités en matière d'ingénierie –, mais aussi avec le Muséum et l'Office national des forêts (ONF), et sans doute aurons-nous à le faire aussi avec d'autres établissements de recherche et de développement.