Intervention de Frantz Gouriou

Réunion du 25 novembre 2015 à 11h30
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Frantz Gouriou, physicien spécialiste de la métrologie des particules fines :

Parce que l'on ne peut stocker indéfiniment les substances issues de la combustion, le post-traitement consiste à les transformer, mais les produits qui résultent de cette transformation ne sont pas obligatoirement des polluants ; c'est ce que nous essayons de déterminer. L'effet des particules sur la santé ne peut être considéré de la même manière que celui des gaz. Nous avons longuement étudié les particules que sont les poussières céréalières, avec l'indicateur de particules en suspension PM10, puis avec l'indicateur PM2,5, meilleur, mais qui devra évoluer – cette évolution a déjà eu lieu pour l'automobile, avec l'introduction du comptage particulaire. Toutes les particules de poussières céréalières n'ont pas la même taille, mais leur diamètre moyen est bien supérieur à celui des particules issues de la motorisation diesel, qui est d'environ un dixième de micron : avec l'indicateur massique PM10, une poussière céréalière correspondra, à iso-masse, à une fourchette de 10 000 à 100 000 particules diesel ; on comprend que l'effet sur la santé ne sera pas le même. De plus, la poussière céréalière, parce qu'elle a un assez gros diamètre, pénétrera, heureusement, assez mal dans l'appareil respiratoire : on admet qu'il y a un tiers de chance qu'elle s'arrête dans les voies supérieures – le nez et la gorge. En revanche, il y a une chance sur deux pour que les particules du diesel gagnent les alvéoles pulmonaires. C'est pourquoi les choses devront évoluer et pour l'automobile et pour les émissions industrielles en cheminées.

Le filtre à particules du diesel est maintenant largement répandu, et c'est heureux. Même si on peut relever quelques travers, il fonctionne globalement bien. Il a d'abord un effet physique : il arrête la matière particulaire. Pendant que le filtre se charge progressivement de particules, les émissions sont pratiquement inexistantes. Les taux d'efficacité varient selon les conditions d'utilisation mais sont extrêmement élevés : de 100 à 1 000, voire 10 000, ce qui signifie qu'il n'y a pratiquement plus aucune matière particulaire à la sortie du filtre. Mais le filtre à particules ne peut stocker la matière indéfiniment ; il doit donc être régénéré. Cela s'obtient par une combustion qui brûle la matière particulaire piégée dans le filtre. Il en résulte du CO2 et de l'eau, et, minoritairement, des polluants en quantité relativement faible du point de vue massique.

On a entendu dire que le filtre à particules ne filtrerait pas les particules les plus fines ; c'est inexact. Lors de la mesure, l'efficacité de la filtration est observée sur toute la gamme de taille des particules solides – la suie de combustion. Mais, à l'échappement d'un moteur, on observe également une très faible fraction d'hydrocarbures imbrûlés qui peuvent condenser, produisant une particule qui n'est plus solide et que l'on ne peut donc considérer de la même manière. L'exemple éloquent de la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle explicitera mon propos. Là-bas, on note assez souvent une forte odeur de kérosène. C'est que les moteurs d'aéronefs n'étant pas à pistons, la combustion est très mauvaise pendant la phase de roulage des avions ; elle produit une forte émission d'hydrocarbures imbrûlés sous forme gazeuse ou partiellement particulaire, particulièrement lorsque la température décroît. Cet aérosol représente des quantités négligeables d'un point de vue massique mais tout à fait mesurables en nombre, et les quantités numériques observées sont extrêmement faibles, très en deçà de ce que l'on mesurerait en amont d'un filtre à particules. J'ajoute que, à la sortie d'un filtre à particules, il n'y a plus la matrice carbonée particulaire – ou alors, elle est très minoritaire –, ce qui facilite l'observation des particules volatiles.

Mais tout n'est pas aussi rose, car la dépollution est un exercice très compliqué. Depuis plusieurs années, David Preterre et moi-même réalisons des mesures sur route avec un véhicule-laboratoire dans les tunnels franciliens – notamment ceux de l'A 86 pour le compte de la direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement d'Île-de-France (DRIEA) –, sur les autoroutes, à Paris et en province. Pour les particules de combustion, nous avons observé une diminution d'un bon facteur 2 au cours des cinq ou six dernières années, grâce au renouvellement du parc automobile, qui fait son effet même si cela prend du temps. Cela peut paraître surprenant puisque l'on entend dire pendant les épisodes de pollution qu'il y a de plus en plus de particules en suspension. Il faudra faire évoluer les indicateurs, car les particules de combustion sont actuellement très mal représentées dans l'indicateur fourre-tout PM10 et même dans l'indicateur PM2,5. L'indicateur PM10 mesure des particules qui ont jusqu'à cent fois la taille d'une particule diesel ; on répertorie aussi, concomitamment, les poussières de freinage, d'usures de pneumatiques, ou encore des poussières issues de l'industrie et de la chimie atmosphérique. Cet indicateur, d'une utilisation très difficile, n'est pas intrinsèquement mauvais mais il n'est pas suffisant. Pour avoir une image précise de la filtration des particules issues de la motorisation et de ce que deviennent les polluants automobiles, il faut vraiment passer aux observations numériques.

En résumé, même si rien n'est jamais parfait, les filtres à particules sont des produits efficaces, sur lesquels il n'y a pas beaucoup à redire. Ils ont un coût économique et énergétique puisque le filtre à particules augmente légèrement la consommation en freinant l'échappement, mais tout cela est quantifié. Nous mesurons l'évolution lors des roulages, et nous savons que les choses vont plutôt mieux. En revanche, nous n'observons rien de tel pour les émissions d'oxydes d'azote (NOx) car la dépollution en NOx étant balbutiante, on ne peut bénéficier de l'effet du renouvellement du parc automobile – et nous ne disposons pas de retours à ce sujet, sinon au banc moteur.

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