Avant d'évoquer les aspects toxicologiques des émissions, je rappellerai comment s'opérait, précédemment, la toxicologie des polluants. Parce qu'il était difficile d'avoir accès à des cellules d'essais moteur de dernière génération et de faire travailler ensemble physiciens et biologistes, les laboratoires achetaient des particules standardisées supposées être représentatives d'émissions du diesel, ou travaillaient sur des gaz synthétiques, et réalisaient des suspensions de particules dont on évaluait la toxicologie en les instillant directement dans des poumons animaux. Mais, dans la réalité, les aérosols ne pénètrent pas de cette manière dans l'arbre respiratoire. Les particules émanant du diesel en suspension dans un liquide, ayant tendance à s'agréger, n'ont plus la même taille, et la biodisponibilité est complétement différente ; de plus, avec ce procédé, on ne respecte pas la dosimétrie à laquelle la population peut être exposée.
C'est pourquoi nous avons décidé, avec le docteur Jean-Paul Morin, il y a une quinzaine d'années, d'ouvrir une antenne biologique au CERTAM, où nous bénéficions des cellules d'essais moteur et où nous avons pu réaliser des cycles conformes à la réalité. Les mesures se font en prélevant continûment les échappements moteur, en les diluant et en exposant directement des cultures organotypiques de poumons animaux à ces émissions, de manière à caractériser, par dosages de marqueurs, leur effet toxique ou leur innocuité.
Cette approche permet des prélèvements en amont et en aval des systèmes de post-traitement et la réalisation d'expositions en parallèle. Ainsi peut-on caractériser l'effet de « stress oxydant » – et, ces dernières années, de « stress génotoxique » – des émissions des différents systèmes de post-traitement et des nouveaux carburants, dans des conditions parfaitement maîtrisées. Le procédé donne très rapidement une vision de l'innocuité ou de la dangerosité supposée d'un système de post-traitement qui transforme des espèces chimiques réglementés en d'autres substances qui ne le sont pas et qui peuvent avoir un effet soit sur l'environnement, soit sur la santé.
Se pose la question de la représentativité des émissions auxquelles les systèmes biologiques sont exposés de la sorte. Nous travaillons en relations étroites avec les constructeurs automobiles. Ils nous fournissent les moteurs et les supports nécessaires à leur fonctionnement dans des conditions représentatives de la réalité, en cycle « homologation » ou en cycle « roulage routier ». Dernièrement, nous avons réalisé une étude pour l'ADEME en prélevant des véhicules dans le parc automobile pour les placer directement sur un banc d'essai à rouleaux. Les émissions sont prélevées à l'arrière des échappements des véhicules conduits par un chauffeur qui suit une trace censée être représentative d'un type de roulage donné. Nous devons nous en tenir à des cycles normalisés. En effet, les expérimentations doivent être reproductibles pour que définir des valeurs statistiques moyennes. L'objet de l'étude est de caractériser l'impact toxicologique lié à l'évolution des normes, depuis les normes Euro 3 jusqu'aux normes Euro 6 ; ses conclusions seront remises à l'ADEME à la fin de l'année.