Intervention de Frédéric Dionnet

Réunion du 25 novembre 2015 à 11h30
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Frédéric Dionnet, directeur général du Centre d'étude et de recherche en aérothermique et moteurs :

Nous sommes en train de diffuser notre savoir-faire technologique en Europe et dans le monde. Nous l'avons transféré à l'Université de Bienne et à celle de Thessalonique, c'est en cours avec l'Académie des sciences de Prague et nous sommes en discussion avec la Chine à ce sujet. Notre objectif est que l'outil soit largement utilisé par les scientifiques du monde entier, avec une harmonisation maximale de manière à pouvoir donner les mêmes types de réponses à des problèmes divers.

Les données permettant de répondre si la situation globale s'aggrave sont en accès libre dans l'inventaire national des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques en France établi par le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique, opérateur du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. À sa lecture, on constate que les transports routiers constituent une part importante des émissions de CO2, avec 120 millions de tonnes en 2014, soit 28 % des émissions de gaz à effet de serre.

Permettez-moi une incise : il convient de distinguer les émissions de gaz à effet de serre, nocifs pour le climat, des émissions de polluants, toxiques pour la santé. Un motoriste qui réduit les émissions de CO2 augmente les émissions de NOx, et inversement. À un moment, il faut définir une priorité – mais y en a-t-il une ?

Ces 120 millions de tonnes d'équivalent CO2 représentent un accroissement de 19 % entre 1990 et 2013 ; pendant la même période, le trafic routier a augmenté de 34 %. Cela montre qu'un progrès a été réalisé en matière de consommation des véhicules mais qu'il ne suffit pas à endiguer l'augmentation du parc automobile. Le transport routier représente la première source d'émission de gaz à effet de serre ; le résidentieltertiaire émet annuellement 70 millions de tonnes d'équivalent CO2, l'industrie manufacturière 80 millions de tonnes.

Les émissions de NOx ont été mises en avant parce que les motorisations diesel en produisent beaucoup. En 2014, le trafic routier dans son ensemble a représenté 54 % des émissions de NOx, mais la tendance est à la décroissance : en 1990, elles s'établissaient à 1,2 million de tonne, et à 0,5 million de tonnes en 2013. Cela s'explique par la mise au point du système de dépollution dit LCR et, plus récemment, du système de recyclage des gaz d'échappement (EGR), encore en cours de développement, qui permet de limiter les émissions de NOx par dilution de la charge carburée.

Les motoristes ont résolu la question des particules par les filtres, je l'ai dit. Comme l'a souligné Frantz Gouriou, l'indicateur PM10 est peu représentatif de ce qu'émet un moteur automobile, puisque l'on trouve dans cette catégorie toutes sortes de poussières et jusqu'au sable saharien. Pour les particules PM1, la chute des émissions est constante : on est passé de 60 kilotonnes d'émissions en 1993 à 18 kilotonnes en 2014. Avec 82 kilotonnes d'émissions sur un total de 129 kilotonnes en 2014, le secteur résidentieltertiaire précède largement le transport routier, qui représente 16 % de ces émissions, une proportion relativement faible. Il s'agit là de l'amélioration de la qualité moyenne de l'air dans les villes ; bien entendu, les expositions aux émissions augmentent sur le périphérique parisien et dans certaines rues « canyons » mais, somme toute, elles suivent l'évolution moyenne, qui se traduit par des émissions moins importantes que les années précédentes, même si des pics se produisent. En matière de pollution, la tendance globale est donc à l'amélioration.

D'autre part, les cartes d'émissions qui figurent sur le site Prev'Air montrent le transport de ces polluants, et notamment des particules, à l'échelle continentale. Les mesures permettent de prévoir la pollution atmosphérique à grande échelle et l'on constate que les pollutions aux particules ne sont pas des phénomènes essentiellement locaux ; ils touchent le continent entier. Ainsi, des feux de forêts dans la Ruhr ont pour effet l'apparition de panaches de fumée dans la région parisienne.

Les méthodes de mesure utilisées par le réseau français des 24 associations agréées de surveillance de la qualité de l'air ont changé. L'évolution technologique a permis une approche beaucoup plus fine, et l'on mesure désormais aussi les aérosols liquides de petites particules condensées ; on constate qu'elles contiennent une importante proportion de nitrate d'ammonium, principalement issu des épandages d'engrais, avec des pics en mars.

Toutes ces données sont publiques, mais il est vrai qu'il faut se donner un peu de mal pour aller les chercher sur les différents sites concernés, les rassembler et les analyser. En ma qualité de scientifique, je dirai pour conclure à ce propos qu'en raison de l'accroissement du parc automobile les émissions de CO2 ne sont pas contenues mais que les émissions de polluants semblent l'être, ce qui n'exclut pas l'existence de zones polluées, et qu'il faut y travailler. Donc, le secteur du transport prend en compte le réchauffement planétaire.

En matière automobile, vingt années sont généralement nécessaires à la diffusion large d'une invention. Le processus peut être abrégé par la réglementation et par la fiscalité. Il faut 8,5 ans pour que la moitié du parc automobile soit renouvelé. Aussi, les normes Euro 6, entrées en vigueur en septembre 2015 et qui visent à réduire les émissions de NOx, n'auront d'effet que dans une dizaine d'années. Au décalage dans le temps des conséquences de la réglementation s'ajoute l'effet de l'accroissement du parc automobile. Dans les pays membres de l'OCDE et notamment en France, où la croissance du parc stagne, cet effet est assez peu significatif, mais dans le pays en développement tels que la Chine et l'Inde, on peut s'inquiéter de l'effet de cette augmentation sur la qualité de l'air.

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