Intervention de Frédéric Dionnet

Réunion du 25 novembre 2015 à 11h30
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Frédéric Dionnet, directeur général du Centre d'étude et de recherche en aérothermique et moteurs :

Le CERTAM est régi par les dispositions de la loi de 1901 sur les associations, mais il a des salariés et des charges et opère dans l'économie de marché. Nous recevons des subventions dans le cadre des plans État-région successifs ; elles oscillent entre 5 et 10 % de notre budget. Parce que nous appartenons à l'Institut Carnot, nous recevons également des subventions pour l'ensemble de nos contrats de recherche avec l'industrie automobile de l'année N-1 ; elles représentent quelque 4 % de notre budget. Les quelque 90 % restants proviennent des contrats de recherche et développement que nous réalisons pour des tiers, publics ou privés. Ce sont d'une part les industriels de l'automobile et du pétrole ainsi que, de plus en plus souvent, en raison de nos compétence en matière d'aérosols, des laboratoires pharmaceutiques et de cosmétique. D'autre part, nous travaillons bien entendu pour les pouvoirs publics ; ainsi avons-nous réalisé pour la DRIEA d'Île-de-France des mesures de pollution routière dans les tunnels.

Nous entretenons avec les industriels des relations « client-fournisseur » classiques ; le mécénat qui pouvait avoir cours lorsque j'étais au CNRS il y a 25 ans n'est plus ! Les industriels frappent à notre porte en raison de nos compétences spécifiques : parce que nous sommes capables de construire, année après année, une vision de ce que seront leurs besoins de métrologie et que – grâce, notamment, au crédit impôt recherche – nous développons des programmes de recherche en métrologie de dépollution et de consommation qui leur seront utiles dans cinq ou dix ans. Ainsi avons-nous été sélectionnés par un grand groupe industriel, au terme d'une compétition avec d'autres laboratoires européens, pour mesurer l'impact de la qualité de l'huile sur la consommation de carburant. Si nous avons emporté ce marché, c'est que nous sommes très en avance ; le système d'évaluation toxicologique des émissions déjà évoqué nous donne un fort potentiel d'innovation. Nous avons aussi développé des systèmes permettant de mesurer les particules en dynamique dans les cheminées, et nous mettrons bientôt sur le marché un autre système nouveau. Nous devons, pour vivre, mettre au point des produits commercialisables de haut niveau technologique, et pour cela disposer de moyens très importants. Les aides déterminantes de la Région Haute-Normandie et du Fonds européen de développement régional (FEDER) nous ont permis de faire des investissements très coûteux. En ces domaines, la science et les hommes ne suffisent pas ; il nous faut des équipements, et ils sont très onéreux.

Les nouvelles motorisations et les systèmes de post-traitement permettent de diminuer les émissions et de respecter les normes Euro. Les discussions sont permanentes entre les constructeurs et les équipementiers d'un côté et les États d'un autre côté sur ce que doivent être les seuils d'émissions, chacun tirant la corde de son côté. Mon avis de scientifique est que l'on est à peu près à l'équilibre et que les moteurs équipés des systèmes actuellement développés savent passer les normes, en motorisation essence et en motorisation diesel. Mais il reste très compliqué d'y parvenir.

Les technologies de dépollution des émissions des moteurs sont développées depuis 25 ans. Le premier angle d'attaque consiste à améliorer l'aérodynamique interne des chambres de combustion pour favoriser le mélange et permettre une combustion de très bonne qualité. C'est le cas aujourd'hui, si bien qu'un minimum de polluants se forme dans l'échappement, mais il s'en forme néanmoins ; un post-traitement est donc nécessaire. Aussi a-t-on mis au point la « catalyse 3 voies » pour les moteurs à essence. Ce fut un pas en avant très important, mais cette technique ne peut être mise en oeuvre pour les moteurs diesel. Cela a conduit à développer le système de réduction catalytique sélective (SCR). Cette nouvelle technologie permet aux moteurs diesel de passer les normes Euro 6. Le CERTAM et les constructeurs consacrent énormément de temps et des fonds considérables à la mise au point des technologies de post-traitement. Cela se répercute dans le prix de fabrication et donc dans le prix de vente des véhicules, qui a augmenté. À la fabrication, le prix d'un système de post-traitement permettant de respecter la norme Euro 6 est de 1 200 euros environ ; à quelque chose près, c'est celui du moteur. Aujourd'hui, la moitié du prix d'un groupe motopropulseur dépollué tient donc à la dépollution. De lourds investissements sont nécessaires pour parvenir à dépolluer les moteurs automobiles et les mettre en conformité avec les normes Euro, mais le sujet, comme il se doit, n'a pas été pris à la légère.

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