La mission « Médias, livre et industries culturelles », complétée par le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », couvre un spectre large d'actions en faveur de la politique culturelle française.
Malgré leur diversité, tous les acteurs impliqués dans ces domaines sont confrontés depuis quelques années au défi de la transition numérique, qui a bouleversé les usages et qui oblige à repenser à la fois les offres et les modèles économiques. Aujourd'hui, 80 % des Français sont des internautes et la mobilité devient un mode de consommation incontournable des contenus au détriment des supports traditionnels de diffusion. C'est dans ce contexte particulier que s'inscrit la mission « Médias, livre et industries culturelles », et dans celui, plus général, d'une conjoncture économique qui impose une maîtrise accrue des finances publiques.
Le projet de loi de finances pour 2015 propose un abondement des crédits de cette mission à hauteur de 717,2 millions d'euros en autorisations d'engagement, et de 714,2 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de respectivement 17 % et 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Cependant des changements de périmètre liés à un rééquilibrage des financements de l'audiovisuel, entre crédits budgétaires et contribution à l'audiovisuel public (CAP), faussent la vision. En neutralisant ces changements de périmètres, les crédits de la mission reculent de 6,9 % seulement en autorisations d'engagement et augmentent de 0,9 % en crédits de paiement. Les marges de manoeuvre sont donc préservées pour mener à bien les actions essentielles de la mission.
J'ai souhaité consacrer la première partie de mon rapport spécial aux impacts de la transition numérique sur l'ensemble des secteurs de la mission.
Il est indéniable que le tournant du numérique a bien été pris par l'ensemble des acteurs de la mission, notamment par ceux de l'audiovisuel. France Télévisions, Arte ou encore Radio France mènent des politiques de développement innovantes avec des produits multimédias en constante évolution. Je constate avec plaisir que l'audiovisuel public n'a, à ce titre, rien à envier au privé en ce qui concerne la conquête du digital. C'est encourageant car le numérique est un formidable outil au service de la communication, de la culture, et de la conservation – à ce sujet, je pense à la bibliothèque numérique Gallica dont est en charge la Bibliothèque nationale de France (BNF).
Néanmoins, il faut reconnaître que cette transition a bouleversé les modèles économiques et engendré de nouvelles formes de concurrence qui risquent de déstabiliser certains acteurs.
Premier secteur concerné, la presse papier subit de plein fouet le recul du papier face à l'écran, celui de la télévision puis tous les autres avec la généralisation de l'internet mobile. En 2013, le chiffre d'affaires de la presse chute pour la sixième année consécutive. Son marché publicitaire se réduit bien plus que celui de tous les autres médias traditionnels avec un recul de 8 % par an entre 2011 et 2013. C'est pourquoi la réforme des aides à la presse instituée par le décret du 24 juin 2014 était essentielle. J'appelle cependant l'attention du Gouvernement sur le fait que le ciblage croissant des aides au profit de la presse d'information politique et générale (IPG), notamment dans le domaine des aides à l'innovation, risque d'empêcher les autres types de presse de prendre le virage du numérique, l'évolution numérique amenant elle-même à redéfinir la notion de presse IPG.
Second secteur à protéger, le livre dont l'économie nécessite une nouvelle régulation sous l'impact du développement du livre numérique et de la vente en ligne. C'est l'objectif que se sont assigné les lois du 17 mars 2014 et du 8 juillet 2014. La mission « Médias » finance également les dispositifs complémentaires de soutien aux librairies indépendantes. Le programme « Livre et industries culturelles »voit ainsi ses crédits de paiements augmenter de 2,6 %entre 2014 et 2015, ce dont je me félicite.
Je souhaite maintenant aborder la question des modalités de financement de l'audiovisuel public. Je salue la volonté du Gouvernement d'engager la disparition des crédits budgétaires à l'horizon 2017. Si la contribution à l'audiovisuel public est amenée à devenir le seul financement public de l'audiovisuel public, ses recettes doivent faire l'objet d'une sécurisation et d'une fiabilisation. Il est donc urgent de réfléchir dès 2015 à la modification de l'assiette de la contribution, afin de remédier au décalage croissant entre les usages et les bases de l'assiette.
J'insiste aussi sur la nécessité pour les opérateurs de l'audiovisuel public de développer des ressources propres. C'est la raison pour laquelle je propose dans mon rapport spécial d'engager la réflexion sur le retour partiel de la publicité entre vingt heures et vingt et une heure sur France Télévisions. Après de nombreuses auditions, il apparaît d'une part très clairement que l'impossibilité de diffuser des publicités après vingt heures « démonétise » l'ensemble des recettes publicitaires des chaînes de service public. D'autre part, il semble que l'impact sur le marché publicitaire global serait très limité puisque de tels écrans attireraient de nouveaux annonceurs. Cette nouvelle opportunité pourrait par ailleurs s'accompagner de la suppression de tout écran publicitaire en journée sur France 4.
L'extension de la contribution à l'audiovisuel public aux écrans mobiles, et le développement de ressources propres me semblent de meilleures solutions pour garantir le financement de l'audiovisuel public que l'augmentation systématique du montant de la CAP. Depuis 2009, le montant unitaire de la redevance supportée par les contribuables métropolitains a augmenté deux fois plus que si la seule indexation avait été appliquée : l'évolution liée à l'indexation aurait justifié que la CAP soit fixée, en 2015, à 128 euros alors qu'elle s'élèvera à 136 euros.
Madame la ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il de se saisir de la redéfinition de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public ?
Comment facilitera-t-il la transition numérique pour la presse non-IPG, qui se trouve actuellement dans une situation difficile ?
Je n'ai pas eu le temps d'évoquer la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), mais pouvez-vous nous dire si la baisse de ses crédits s'explique par un recentrage de son action sur la seule réponse graduée ? Dans ce cas, que deviennent ces autres missions, notamment la promotion de l'offre légale ?