La presse est confrontée non à une crise conjoncturelle mais à une mutation d'ensemble. Le passage à l'ère numérique modifie les modèles économiques des titres de presse, ainsi que les usages des lecteurs. Il accélère le rythme de diffusion de l'information, y compris à l'échelle internationale, et réinterroge les modes de lecture. Cependant, le numérique est loin d'avoir trouvé son modèle économique, puisqu'en pourcentage, il perd plus d'argent que la presse papier, pour avoir été trop longtemps axé sur le couplage de la gratuité et de la publicité.
Une société démocratique a trois manières de garantir l'accès à tous les titres de presse. L'immobilisme, qui a longtemps prévalu, produit des effets bien connus : des déficits de plus en plus graves et des aides mal orientées. La révolution salvatrice, qui pousse à aller vite pour rattraper le temps perdu, mène à la crise sociale. Mieux vaut la troisième voie, qui consiste à accélérer la transition.
Celle-ci peut être favorisée de quatre manières. La première consiste à donner un pouvoir accru et un rôle de pivot à notre système de régulation, pour assurer une mise en place rapide des réformes et rationaliser enfin l'économie de la presse. La deuxième est de redéfinir de manière drastique les missions des deux messageries, dans une nouvelle organisation industrielle. Si l'on n'y arrive pas, c'est peut-être que seule la fusion est possible. En troisième lieu, il faut remettre les diffuseurs au coeur d'un système dont ils sont les parents pauvres : ils ne touchent que 1 % des aides à la presse, et 40 % d'entre eux sont en dessous du SMIC. Enfin, pourquoi ne pas réserver les aides aux portages aux quotidiens et les aides au postage aux autres titres ? En renonçant à saupoudrer les aides, l'État cesserait de se concurrencer lui-même. Je le répète : le pragmatisme vaut mieux que l'immobilisme ou le Grand Soir, si l'on veut accélérer la modernisation de la presse, fer de lance de la démocratie.