Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 23 octobre 2014 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires culturelles - affaires étrangères

Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication :

Monsieur Rogemont, comme vous l'avez rappelé, l'État et Radio France ont engagé la négociation du contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'entreprise pour la période 2015-2019, l'objectif étant de renforcer l'identité de ses antennes, d'adapter son offre aux nouveaux usages et de définir une politique culturelle ambitieuse à l'occasion de l'ouverture du nouvel auditorium de la Maison de la radio. La négociation d'un nouvel accord collectif d'entreprise et l'achèvement du chantier de réhabilitation de ce bâtiment constituent les deux enjeux majeurs de ce contrat.

S'agissant de l'avenir de France Télévisions, l'État actionnaire souhaite pouvoir exprimer sa vision stratégique de l'audiovisuel public dans la perspective de la désignation du président de cette entité par le CSA dans le courant de l'année 2015. Pour le Gouvernement, il revient à l'État actionnaire de déterminer les objectifs fondamentaux de France Télévisions dans un contexte profondément transformé par le numérique, où la concurrence est fortement accrue par la multiplication des chaînes – gratuites notamment –, des écrans et des supports, et où les usages et les attentes du public se sont également transformés. Il convient que l'État parte de ces attentes et de ce nouvel environnement pour redéfinir le rôle du service public de la télévision linéaire et numérique – comme le font la plupart des grands opérateurs du service public à l'étranger, notamment la BBC. Notre réflexion sera menée par les services de mon ministère, en coopération avec ceux de l'économie et du budget et en concertation avec le Parlement. Nous nous appuierons aussi sur des grands corps de l'État. Nous ne confierons donc pas de mission extérieure à une personnalité qualifiée.

La mise à disposition gratuite, par Radio France, de podcasts d'émissions après leur diffusion ne sera pas remise en cause. Cela étant, même si son financement repose sur la contribution à l'audiovisuel public, la société est fondée à réfléchir au développement d'offres spécifiques payantes permettant de valoriser des contenus enrichis au-delà du seul rattrapage. Radio France transmettra prochainement à l'État des propositions en la matière dans le cadre du COM.

Si l'État n'a pas à se substituer aux acteurs privés pour décider de fusionner les deux messageries, la question de cette fusion se pose effectivement compte tenu de la diminution des volumes vendus. Je me propose de lancer un appel à la responsabilité des acteurs afin de favoriser la mutualisation, mais ne pourrai guère aller au-delà.

Concernant Hachette et Amazon, il n'est pas question non plus que nous nous ingérions dans un conflit opposant deux acteurs privés, mais nous devons éviter qu'il y ait abus de position dominante et qu'une plateforme de vente ne puisse déréférencer certains produits au motif qu'ils seraient proposés par un éditeur refusant de se conformer à des conditions imposées par cette plateforme. Amazon a souhaité mettre dos à dos les éditeurs et les auteurs. Or, la réaction des auteurs américains illustre bien qu'une telle situation est inacceptable, tout comme l'est le fait de prendre en otage les lecteurs. Je resterai donc vigilante, sachant que la Commission européenne à qui il appartient de contrôler le comportement des acteurs économiques et leurs éventuels abus de position dominante, l'est aussi.

Madame Duby-Muller, je ne vois pas en quoi le fait d'accroître le rôle de la contribution à l'audiovisuel public dans le financement de ce dernier nuirait à son indépendance. Au contraire, les réformes adoptées par ce Gouvernement – notamment la décision de restituer au CSA son pouvoir de nomination des dirigeants – a plutôt accru cette indépendance par rapport à la situation antérieure. Quant à la taxe dite « Copé » sur les télécommunications, elle a été définie dès 2009 comme une taxe non affectée.

Les discussions ayant eu lieu entre la HADOPI et les services du ministère de l'économie et des finances ainsi que du secrétariat d'État au budget ont conduit le Gouvernement à décider de lui allouer une subvention de 6 millions d'euros l'an prochain. Ainsi la Haute Autorité pourra-t-elle exercer ses missions comme l'an dernier. Ma position sur le sujet n'a d'ailleurs jamais varié, madame Attard : c'est le développement de l'offre légale qui m'importe, car il est le moyen le plus adéquat de lutter contre le piratage. Mais, si la HADOPI peut y contribuer, il existe sans doute d'autres voies pour y parvenir. Pour autant, nous devons également renforcer la coordination et les moyens de lutte contre le piratage commercial, afin que soient réprimées les pratiques de ceux qui s'enrichissent de manière illicite, parfois quasi mafieuse, au détriment des auteurs et des ayants droit, mais aussi des consommateurs Aussi sommes-nous en train d'élaborer une charte avec les prestataires de paiement en ligne et les annonceurs pour limiter les circuits financiers soutenant l'existence de ces sites illicites.

Monsieur Françaix, nous sommes effectivement favorables à une régulation plus efficace du secteur de la presse : votre proposition de loi permet d'ailleurs déjà de poser plusieurs jalons à cette fin. Vous avez raison d'affirmer la nécessité de placer les marchands de journaux au coeur de la diffusion des journaux dans la mesure où ils assurent l'interface avec les lecteurs. À ce titre, ils constituent un maillon essentiel de la chaîne de distribution. Enfin, comme vous le soulignez, les acteurs des différentes familles de presse doivent prendre leur responsabilité au bénéfice de la filière.

J'ai déjà évoqué tout à l'heure les aides à La Poste.

S'agissant de la proposition de M. Kert d'aider davantage les diffuseurs de l'audiovisuel et le secteur de la production, nous menons actuellement avec le CNC une réflexion sur les relations entre producteurs et diffuseurs afin de faire de la France un pays champion de l'audiovisuel. Un tel objectif suppose que nous menions une politique éditoriale ambitieuse et que nous favorisions l'industrialisation de la production – en particulier celle des séries. Tel était d'ailleurs l'un des enjeux de la loi du 15 novembre 2013 qui a introduit la possibilité pour les diffuseurs de détenir, dans la partie indépendante de leur contribution à la production, des parts de coproduction sur les oeuvres qu'ils financent de manière substantielle. Il s'agit d'inciter diffuseurs et producteurs à prendre des risques éditoriaux et à produire des séries de qualité destinées à l'exportation. Loin d'opposer les uns aux autres, nous voulons au contraire créer les conditions financières d'un meilleur partenariat entre eux.

Le Président de la République a annoncé que l'État exprimerait sa vision stratégique et ses objectifs fondamentaux pour France Télévisions. Dans ce cadre, les propositions formulées par Anne Brucy dans son rapport nourriront la réflexion de l'État – et en particulier celle des services du ministère de la culture – concernant l'offre régionale du groupe.

Monsieur Pouzol, je vous rejoins lorsque vous affirmez qu'en matière d'audiovisuel public tout n'est pas une simple question d'argent. Les COM auront justement pour objet d'apporter des précisions sur les conditions dans lesquelles nos concitoyens pourront accéder aux contenus informatifs et créatifs, compte tenu de la multiplication des écrans et des chaînes.

Madame Bourguignon, les ressources du CNL sont effectivement limitées, compte tenu des charges résultant des mutations sectorielles auxquelles le centre est aujourd'hui confronté. Le plan librairies a été financé par des prélèvements – non reconductibles – sur son fonds de roulement. Le financement de la numérisation des livres indisponibles repose lui aussi sur ce mode de financement non pérenne, car il s'agit d'un projet d'une durée limitée. Vous avez raison de souligner que les évolutions technologiques entraînent une érosion tendancielle des ressources du CNL, puisque le marché de l'impression est constitué, d'une part, de la vente de matériel, seul taxé et en baisse constante, et d'autre part, de la vente de consommables qui est en très forte hausse. Le ministère de la culture et de la communication étudie donc actuellement la possibilité d'élargir à ces consommables l'assiette de la taxe affectée, dont le taux pourrait en conséquence être diminué.

Le projet « Premières pages » a été conçu en 2009 sur la base d'un partenariat entre le ministère de la culture et la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) afin de permettre la création et la diffusion d'un album destiné aux familles ayant accueilli un enfant dans l'année. Sept départements ont progressivement été concernés par l'opération. Puis, au début de l'année 2013, la CNAF nous a fait part de son intention de se retirer de ce projet en raison de sa nature essentiellement culturelle, trop éloignée du coeur des missions de la caisse. Ce retrait a conduit le ministère de la culture et de la communication à modifier l'opération en abandonnant la prise en charge nationale de la création de l'album pour soutenir plutôt des projets de sensibilisation à la lecture, destinés aux enfants de moins de trois ans et à leurs familles. Si l'opération a donc évolué, elle est cependant maintenue, et s'est même développée en 2014 puisque six nouveaux départements ont décidé de la rejoindre. De plus, les crédits qui lui sont alloués sont identiques en 2014 à ce qu'ils étaient en 2013, et reconduits, voire légèrement augmentés, en 2015.

Je confirme à M. Martin-Lalande que la diffusion de France 24 sur la TNT en Île-de-France est bel et bien possible et que la chaîne est accessible en français, en anglais et en arabe sur le câble, le satellite et l'ADSL. Quant à RFI, elle est également diffusée par voie hertzienne en Île-de-France.

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