Intervention de Bruno Parent

Réunion du 24 novembre 2015 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno Parent, directeur général des finances publiques :

Je ferai un petit ajout en lien avec ce qu'Olivier Sivieude vient de vous dire et en rapport avec les outils dont nous disposons. Concrètement, nous faisons une perquisition pour déterminer l'existence d'un établissement stable. Cela veut dire que nous perquisitionnons désormais sur un segment économique dont les entreprises, du fait de leur taille, n'étaient jamais l'objet il y a vingt ou trente ans de perquisitions – outil tout de même assez intrusif auquel nous ne recourons qu'avec l'autorisation du juge. Je le souligne car on entend dire parfois que le contrôle fiscal s'est durci : cela s'explique notamment par le fait qu'il nous arrive désormais d'utiliser, y compris à l'égard de grandes entreprises, des outils juridiques qu'elles n'avaient pas l'habitude de nous voir utiliser à leur endroit. Mais il est difficile de démontrer l'existence d'un établissement stable sans faire une perquisition fiscale.

S'agissant de l'Europe, nous coopérons entre collègues des administrations européennes mais de façon insuffisante, à mon avis – et j'en prends ma part. C'est une question de culture et d'habitudes. Nous arrivons néanmoins à réaliser des opérations qui, petit à petit, porteront leurs fruits. Avec les Belges, par exemple, nous menons des opérations de contrôle dit conjoint c'est-à-dire que, simultanément de part et d'autre de la frontière, nous allons voir des entreprises liées les unes aux autres. Ce n'est pas encore une pratique largement diffusée mais nous nous efforçons de développer de telles méthodes. Fonctionnent par ailleurs plutôt bien les dispositifs d'alerte et de circulation d'informations, notamment en matière de TVA intracommunautaire. Pour autant, il est vrai que dans l'idéal, la coopération entre administrations fiscales européennes doit progresser – raison de mon déplacement récent en Belgique.

La question du rythme des contrôles suivant les catégories d'entreprises visées est complexe. Elle a bien entendu un sens du point de vue arithmétique. Mais je veux rappeler ici que la programmation du contrôle fiscal ne prend pas systématiquement – et encore moins exclusivement – en compte le rythme. Si l'on contrôle l'entreprise A plutôt que l'entreprise B, c'est que des clignotants s'allument dans nos dossiers, que nous y constatons des curiosités, des différences ou des événements tels que nous jugeons utile de nous y intéresser. Il nous arrive aussi de nous dire qu'il faudrait contrôler telle ou telle entreprise parce qu'elle n'a pas été vue depuis vingt ans. Mais c'est là un critère assez résiduel. Compte tenu du contexte et de ce que nous avons dit aujourd'hui, nous essayons de faire porter nos contrôles là où sont les enjeux tout en couvrant le tissu fiscal dans sa pluralité.

Je m'explique. Certes, je vous l'ai dit, la richesse fiscale étant concentrée, les résultats le sont aussi. Il nous paraît cependant important d'avoir une présence relativement significative sur l'ensemble de l'échelle des contribuables, en l'occurrence les PME, parce que le contrôle a aussi une fonction dissuasive. C'est en quelque sorte le bon côté de la crainte du gendarme. Il y a aussi l'idée d'une certaine égalité devant le contrôle fiscal. La saine concurrence consiste aussi à avoir une présence relativement étale tout en tenant compte des enjeux. Pour ces raisons, je suis incapable de vous dire ce qu'il en est du rythme de contrôle des PME – je m'en excuse et vous ferai parvenir cette information.

Le rythme moyen de contrôle est extrêmement faible car s'il y a 4 millions d'entreprises en France, ayez à l'esprit qu'en contrôle fiscal externe, nous vérifions un peu moins de 50 000 entreprises par an – ce qui ne veut pas dire que nous ne contrôlions pas du tout les autres puisque nos services exercent par ailleurs un contrôle sur pièces. Pour autant, je ne suis pas sûr qu'il faille s'émouvoir de la faiblesse de ce rythme. Car encore une fois, chaque jour qui passe, nous essayons d'améliorer nos techniques de programmation et de faire diminuer le nombre de situations dans lesquelles nous allons en entreprise sans rien y trouver. Il est normal que cela se produise de temps en temps : cela reflète le fait que la majorité des contribuables sont grosso modo dans les clous. Mais dans l'absolu, pour que les moyens qui nous sont alloués soient utilisés le plus efficacement possible, nous cherchons tout de même à concentrer nos forces là où nous avons le plus de chances de trouver des recouvrements à effectuer. Nous avons donc un équilibre à trouver entre enjeux et techniques de programmation. Globalement, il reste que les chiffres, si je pouvais les citer, vous paraîtraient sans doute faibles. De ce point de vue, la France ne se singularise pas : nous sommes même plutôt plus présents dans les entreprises que certains autres pays comparables.

S'agissant des délais de prescription, le fait que vous soulevez n'est pas toujours à notre gloire mais « arrêter le compteur » pour éviter la prescription relève peut-être de notre sens des finances publiques. Cela fait des années que nous essayons d'améliorer ces situations. Mais dans la pratique, lorsque que, quelques jours avant la prescription, l'envoi d'un document officiel permet d'arrêter celle-ci, c'est-à-dire de sauvegarder les droits du Trésor, l'alternative qui nous est offerte est assez simple : soit nous laissons perdre ces droits, soit nous envoyons ce document à une date qui, objectivement, n'est pas idéale. Nos process internes visent à assurer un suivi du rythme auquel les contrôles se concluent. Il n'empêche que, je le reconnais, il arrive encore dans certains cas que nous envoyions des documents en limite de prescription. Mais encore une fois, c'est un arbitrage entre l'optimum de relations publiques, si j'ose dire, et l'optimum de conservation de l'intérêt des finances de l'État. Et nous avons tendance à privilégier ce dernier.

Dans un autre ordre d'idées, et là c'est non pas la prescription mais notre process parfois industrialisé qui joue – même si j'ai insisté sur la part de l'humain dans notre tâche –, il arrive que des documents soient envoyés au domicile des contribuables pendant les vacances d'été, ce qui pose problème dans les relations que nous entretenons avec eux. On sait qu'au mois d'août, la France est plus généralement en vacances qu'au travail. Les personnes qui ont la chance de prendre un mois de vacances ne peuvent alors aller retirer le pli recommandé qu'elles ont reçu. Nous réfléchissons donc actuellement aux améliorations à apporter pour éviter cela. Je n'en fais pas une affaire considérable. Cela montre que nous avons conscience que des progrès restent à accomplir. Je ne voudrais pas que vous reteniez de mon propos une vision béate de ma propre administration : nous savons tous les progrès qu'il nous reste encore à faire.

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