Je vous remercie. Je suis très impressionné par vos questions qui couvrent la totalité des enjeux du quatrième COM et qui montrent l'intérêt que vous portez à l'institut. Les salariés y seront sensibles.
Je vous confirme qu'environ 25 % des effectifs sont susceptibles de partir en retraite sur la durée du quatrième COM – susceptibles car l'accord récent sur les retraites complémentaires pourrait avoir pour effet de décaler dans le temps les choix des uns et des autres.
Ces mouvements donnent une marge de manoeuvre pour essayer de faire évoluer les compétences et les métiers et pour mettre enfin en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, en préservant ces dernières.
Un exemple, pour les métiers du film, nous discutons avec nos amis du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et de la Cinémathèque pour réunir sur notre site de Saint-Rémy-l'Honoré, principal site de stockage des supports originaux, une partie des collections de ces institutions afin de mutualiser les compétences et d'en assurer la transmission. Vous le voyez, cette question fait bien partie de nos préoccupations.
L'application de l'accord portant sur le statut collectif des salariés faisait l'objet d'une divergence d'interprétation entre les tutelles et les représentants des salariés sur la mise en oeuvre, au-delà de la mesure générale de hausse des salaires de 1,1 %, de mesures individuelles dans le respect de l'enveloppe fixée par le cadrage salarial. L'exercice de la négociation salariale pour 2015 a montré que cette divergence n'est plus décisive. Il est apparu qu'outre la mesure générale de hausse de 1,1 %, l'autre engagement prévu – qu'au moins 17 % des salariés bénéficient d'une augmentation salariale d'au moins 3,5 % répartie équitablement entre les trois grandes catégories socioprofessionnelles – pouvait être tenu sans atteindre nécessairement le plafond de progression salariale de 1,85 %. En revanche, la négociation qui s'achève a montré que le poids des mesures salariales générales rend l'accord très sensible au cadrage décidé par les tutelles. Un cadrage même légèrement inférieur à 1,85 % complique de façon assez forte la capacité de l'entreprise à accorder des augmentations individuelles. L'ensemble des organisations syndicales conviennent, que, a fortiori au démarrage d'un nouveau COM, il est curieux de ne pas pouvoir faire de promotion interne. La négociation salariale pour 2015 a été l'occasion de faire une pédagogie utile sur l'accord tout en parvenant à un résultat pas trop insatisfaisant. On peut envisager, pour la première fois depuis la mise en oeuvre de l'accord collectif, la signature d'une négociation annuelle obligatoire sur les salaires. Nous avons réussi à dégager des marges de manoeuvre pour faire quelques promotions internes.
S'agissant du projet immobilier, sachez que vous êtes tous les bienvenus à Bry-sur-Marne. Le bâtiment Bry 3 abrite les équipes du dépôt légal ainsi que l'informatique ; excentré du site principal et quelque peu vétuste, il n'offre pas des conditions de travail propices. Le projet consiste à rapatrier les salariés dans le bâtiment Bry 1, historiquement consacré à la formation, mais qui peut, sans nuire à cette activité, accueillir du personnel supplémentaire. Le bâtiment Bry 3, d'une surface de 4 000 m2, que nous louons, sera abandonné au profit du bâtiment Bry 1 auquel sera adjointe une petite construction. Avec ce projet, nous diminuons les surfaces grâce à une organisation de l'espace plus rationnelle. L'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) assurera la maîtrise d'ouvrage du projet. Il n'est pas irréaliste de penser que l'enveloppe de 25 millions d'euros pourra être tenue.
J'ai rencontré Mme Delphine Ernotte peu de temps après son arrivée. Le contact a été très agréable. Nous avons évoqué différents champs de coopération possibles, au-delà des encouragements en ce sens prodigués par la tutelle – tel était le sens du comité stratégique de l'audiovisuel public réuni par la ministre il y a quelques semaines. Deux champs ont été identifiés : la chaîne d'information continue et la plateforme de vidéos par abonnement.
S'agissant de la chaîne d'information continue, l'INA se trouve dans une position différente de celle de Radio France et de France Télévisions, puisqu'il n'a pas de rédaction, mais aussi de France Médias Monde, qui doit trouver une articulation avec cette future chaîne. J'ai noté avec plaisir que cette chaîne s'assigne une mission de décryptage de l'actualité dans laquelle l'archive a toute sa place. Les équipes de préfiguration de la chaîne sont venues à Bry-sur-Marne il y a dix jours, elles ont échangé avec les personnes en charge du site Ina.fr mais aussi les responsables de la stratégie éditoriale. L'idée, à affiner, serait de pouvoir livrer des modules quotidiens – un module d'archive brut de décoffrage et un module plus éditorialisé, éventuellement incarné – qui pourraient être tournés et montés dans nos locaux puisque nous disposons de moyens de production. Ce projet permet aussi d'envisager une évolution de nos métiers de production qui sont aujourd'hui essentiellement tournés vers le documentaire de création historique. Si l'INA peut apparaître chaque jour sur les écrans, quelle que soit la nature de ses images, il pourra, au travers des nouveaux usages, faire partager au plus grand nombre, notamment les jeunes adultes que cette chaîne espère toucher, ses images et leur décryptage.
Quant à la plateforme de SVoD, j'ai indiqué à Mme Delphine Ernotte que cette plateforme est ouverte. Elle accueille aujourd'hui des contenus issus de nos fonds d'archive et des documentaires de création que l'INA a produits ou co-produits depuis 25 ans mais elle a vocation à accueillir toute oeuvre à caractère patrimonial.
En attendant que France Télévisions développe un service de SVoD, nous sommes prêts à accueillir des documentaires de création dont France Télévisions détient les droits VoD, SVoD mais qu'elle n'exploite pas ; j'exclus la télévision de rattrapage dans laquelle les droits sont attachés à la diffusion hertzienne. INA Premium peut être un vecteur de l'exploitation suivie des oeuvres, idée chère au président de votre commission, qui poursuit son chemin législatif.
S'agissant du développement des ressources propres, j'ajoute quelques pistes à celles que j'ai citées dans mon propos liminaire, tout en répondant à la question sur l'aide que le législateur peut nous apporter. J'ai assisté à une démonstration de l'archivage du web. C'est extraordinaire mais un peu difficile à expliquer – je ne peux que vous inviter à venir le découvrir – : la sauvegarde ne porte pas sur la totalité de l'arborescence des sites mais elle permet la navigation dans des sites qui n'existent plus aujourd'hui ; on sauvegarde les pages mais aussi des fonctionnalités de navigation.
Les activités de dépôt légal occupent de nombreux salariés et coûtent de l'argent. Mais aujourd'hui, cette mission de service public essentielle ne peut donner lieu qu'à une restitution savante, dans un cadre de recherche – l'INAthèque que vous avez mentionnée. Il est dommage, y compris pour la bonne utilisation des deniers publics, de ne rien pouvoir faire de ces données. Nous pouvons exploiter les métadonnées, c'est-à-dire les notices attachées aux documents. Cela nous permet – c'est l'une des voies de développement importantes – de mettre en place des outils d'analyse des médias, notamment INA Stat, qui analyse le traitement des sujets par les journaux télévisés. Mais, des entreprises privées nous demandent de retracer et d'analyser sur plusieurs années la présence de leur marque dans les émissions de télévision. Cela suppose, pour être exhaustif, de pouvoir fouiller les contenus du dépôt légal. Aujourd'hui, ce n'est pas possible pour une raison tout à fait honorable : cette fouille suppose de faire une copie de travail des fonds. Or, cette copie de travail ne fait pas partie des exceptions au droit d'auteur. Nous ne pouvons pas faire ce travail, pour lequel une forme de rémunération devrait être prévue, alors même qu'il n'est pas attentatoire aux auteurs, à leurs droits d'auteur aussi bien qu'à leur droit moral.
Dans un horizon qui n'est hélas pas celui de ce COM, nous devons développer les moyens de valoriser, dans tous les sens du terme, le fonds du dépôt légal. Ce sont des enjeux très importants pour l'INA. Le législateur peut nous aider, même si une partie de cette réglementation est de nature européenne. Nous allons participer pleinement au mouvement d'open data qui se dessine. Mais si l'open data progresse plus vite que le droit de fouiller les données, les produits de l'exploitation, ce qui fait la richesse de l'entreprise risquent de lui échapper. Ce serait dommage alors même que celle-ci est financée quasi intégralement par des ressources publiques.
Je vous remercie pour l'attention que vous avez portée à mon propos et pour nos échanges. Je n'ai pas pu répondre individuellement aux nombreuses questions qui m'ont été posées mais je suis tout à fait prêt à y répondre par courriel. J'ai entendu des avis favorables et des encouragements de la part des groupes politiques, autant de manifestations très importantes pour une entreprise qui a été un peu secouée. Mais, cela m'a frappé, l'INA peut compter sur des salariés qui aiment leur métier et leur entreprise. Alors même que je suis le troisième président en deux ans, vous l'avez dit, ils ont encore envie de faire confiance à quelqu'un pour les emmener plus loin. Si, avec votre aide, je peux être celui-là, ce sera formidable pour les 960 personnes qui travaillent à l'INA.