Je commencerai par l'avenir du diesel. Comme je l'ai dit, dans un horizon non déraisonnable, il me semble souhaitable que la pollution engendrée par les véhicules diesel soit égale à celle des véhicules à essence. Dans nos villes, ce n'est toutefois plus un sujet majeur. Tokyo, grâce à des normes sévères, a ainsi réussi à réduire considérablement la pollution automobile. Les villes vraiment polluées, il faut les chercher dans d'autres types de pays.
Une autre question qui se pose est de savoir si l'avantage fiscal dont bénéficie le diesel est légitime. Aucun argument rationnel ne me paraît justifier un tel écart. Ma conviction personnelle est qu'une convergence progressive de la fiscalité du diesel et de l'essence n'est pas déraisonnable. Il faut toutefois avoir à l'esprit qu'une telle convergence conduira à réduire la valeur patrimoniale des véhicules diesel détenus par les ménages et s'attacher à une certaine progressivité. Un délai de cinq ans me paraîtrait un peu brutal à l'aune de la durée de vie de quinze ans des automobiles.
Je reste persuadé que le diesel, même soumis à des normes de pollution plus sévères, restera plus efficient en termes d'émissions de CO2 que l'essence, notamment pour les transports lourds. Je n'imagine pas qu'on construise à nouveau des camions à essence et je ne considère pas que la généralisation du gaz soit une réponse entièrement satisfaisante.
Les techniques alternatives, reconnaissons-le, n'ont pas que des avantages.
L'électricité pose encore des problèmes : en termes d'autonomie, en termes d'environnement aussi puisque le recyclage des batteries n'est pas encore une question qui va de soi. De plus, il ne sera pas facile de donner aux automobilistes l'envie de passer d'un véhicule qui peut parcourir 1 000 km sans s'arrêter à un véhicule qui devra être rechargé tous les 100 km.
Les moteurs à hydrogène ne polluent pas certes, mais l'hydrogène qui les alimente se fabrique pour le moment avec de l'électricité, ce qui suppose en amont une centrale – centrale au charbon en Allemagne et en Pologne. Le gain environnemental pour la planète est donc très faible.
Les véhicules hybrides ne sont pas forcément adaptés aux conditions de roulage européennes alors qu'au Japon, ils se développent bien mieux car la récupération d'énergie de freinage est constante. Rouler avec un véhicule hybride sur une autoroute française, c'est, du fait de la charge supplémentaire d'une soixantaine de kilos du moteur, consommer plus qu'un véhicule à essence, qui lui-même consomme plus qu'un véhicule diesel.
Le diesel a donc un avenir mais nécessite qu'une double convergence, en termes de fiscalité et de pollution, s'opère. Il est difficile toutefois d'établir des délais car dans le domaine automobile, on a toujours une vue déformée. Le plein effet attendu d'une norme ne se fait sentir que vingt ans après qu'elle a été définie étant donné qu'il faut cinq ans pour qu'elle soit appliquée et quinze ans pour que le parc de voitures relevant de la norme précédente soit remplacé. Vous décidez donc aujourd'hui en fonction d'une perception des villes qui reflète des normes vieilles de dix ans. Cette échelle temporelle fausse beaucoup de choses.
En un mot comme en cent, je ne peux pas vous annoncer que le PIA est en train de financer la solution miracle. Je ne pense pas qu'il en existe une.
Monsieur Baupin, entendons-nous bien, j'ai dit que les mille kilomètres d'autoroutes allemandes fixaient la norme de la puissance des voitures. Cette norme ne s'applique pas à tous les véhicules : quand vous achetez une Twingo ou une Dacia, qui n'ont pas été conçues pour circuler sur ces autoroutes, vous ne surpayez pas. Toutefois, on observe que la part des voitures chères augmente : c'est le secteur le plus profitable pour les constructeurs.
Vous voulez que l'industrie automobile sorte du paradigme de la voiture à tout faire. Cela me paraît être une illusion pour 90 % des modèles. Il se trouve que dans une vie antérieure, j'ai eu à négocier avec M. Hayek, le créateur de Swatch, pour la mise au point de la Smart. Son projet partait d'un raisonnement simple : plus de 80 % des trajets en voiture s'effectuent sur de toutes petites distances avec deux personnes au maximum à bord et sans bagages. J'ai dû lui dire que même si je trouvais son idée passionnante, je ne fabriquerais sûrement pas cette voiture car j'y perdrais ma chemise. Et effectivement, Mercedes, vers qui il s'est finalement tourné, a perdu sa chemise en en construisant. Ce qui fait la force de l'automobile, c'est sa polyvalence : certes, la majeure partie du temps, vous l'utilisez seul pour de petits trajets, mais le week-end, en vacances, vous avez la possibilité de profiter de tout l'espace qu'elle contient. La Smart se vend comme deuxième voiture d'une personne seule ou comme troisième voiture d'un couple. La Twizy se rapproche de ce concept mais il faut bien dire que ses ventes restent confidentielles – ce qui était prévisible.
Il me paraît plus performant d'un point de vue environnemental de changer le mode d'utilisation de la voiture que de construire des modèles d'automobiles spécialisés : covoiturage, voiture dont on n'est pas propriétaire, voiture parisienne que vous ne possédez pas et que vous utilisez dans la ville.
Pour les projets d'avenir du PIA, madame la présidente, il est un peu tôt pour établir un bilan. Seuls 12,5 milliards ont été décaissés. Un groupe d'experts extérieurs, que nous n'avons pas choisis, présidé par M. Maystadt, ancien vice-Premier ministre belge et ancien président de la Banque européenne d'investissement, se livre à une évaluation du PIA et rendra ses conclusions avant que ne soit soumis au Parlement un éventuel PIA 3. Par ailleurs, chaque financement dédié à un laboratoire d'excellence, une université d'excellence, un IRT, un ITE est soumis au bout de quatre ans à une évaluation qui n'a rien d'une formalité, je peux vous le dire.
Nous disposons de plusieurs indicateurs qui montrent que les choses évoluent : nombre de start-up créées dans les universités que nous soutenons, nombre de brevets commercialisés dans les instituts de recherche que nous finançons, nombre de publications dans les meilleures revues à comité de lecture. Pour les 170 laboratoires d'excellence que nous finançons, nous constatons que la concentration de l'effort sur les très bons leur a permis de décoller par rapport aux autres et nous espérons qu'il y aura un effet d'entraînement.
Lors de ma rencontre, lundi dernier, avec le président de l'Association française des pôles de compétitivité, nous avons échangé sur la façon de travailler ensemble. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de mettre en place une supervision centrale. Un tri va s'opérer parmi les pôles par une sorte de sélection darwinienne, certains ayant beaucoup de vitalité, d'autres moins. Une administration d'État ne serait pas dans son rôle en désignant ceux qui ont le droit de vivre et ceux qui ne l'ont pas, étant donné que nous ne les finançons pas. Même s'il y a quelques frottements et inefficacités, nous n'avons pas l'impression qu'il y ait beaucoup de redondances : il n'y a pas de projets qui ne soient pas co-financés par les entreprises et les acteurs entrepreneuriaux n'ont pas envie de gaspiller de l'argent.
En revanche, nous réfléchissons, dans la perspective du PIA 3, au développement d'une régionalisation partielle, que nous avons commencé de mettre en oeuvre dans le PIA 2. Nous avons mis au point un système de décision au niveau régional dans cinq régions : État et région apportent les mêmes montants, co-décident sur instruction de Bpifrance, et le CGI se réserve trois ou quatre jours de réflexion pour s'assurer que les projets correspondent bien aux critères du PIA – choix par des experts, excellence, coopération et innovation. Ce système fonctionne très bien, du moins dans quatre des cinq régions test puisqu'une région a refusé de s'engager dans ce processus. Nous proposons d'aller beaucoup plus loin dans le PIA 3 avec une enveloppe non plus de 50 millions sur un total de 47 milliards mais de 500 millions sur un total 10 milliards. Ce serait un changement d'échelle significatif, cohérent avec la loi NOTRe. Nous avons constaté que les décisions au niveau régional étaient prises rapidement et efficacement, au plus près du terrain, au plus près des petites entreprises, avec de très bons projets – nous n'avons eu à exercer notre censure que sur deux projets :