Madame la présidente, monsieur le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui une proposition de loi cosignée par de nombreux députés du groupe Les Républicains, dont Serge Grouard et moi-même sommes les premiers signataires.
Je suis heureux que l’Assemblée nationale se saisisse à cette occasion d’un problème très concret qui touche des milliers de familles.
Quel est le constat ? Année après année, les rapports et les témoignages s’accumulent pour dénoncer l’état de vétusté des logements des gendarmes et des membres de l’armée française. Année après année, les moyens consacrés aux réhabilitations de ces logements ne cessent pourtant de diminuer.
Les missions des gendarmes et des militaires impliquent une disponibilité totale, qui peut se traduire par une obligation de loger en caserne. C’est la raison pour laquelle les ministères de l’intérieur et de la défense disposent du parc immobilier de l’État le plus important. À elle seule, la gendarmerie nationale gère aujourd’hui plus de 75 000 logements. Le parc du ministère de la défense est, quant à lui, constitué d’environ 47 000 logements.
Le rapport de notre collègue Daniel Boisserie, sur le projet de loi de finances pour 2016, affirme que la piètre qualité de certaines emprises confine « parfois à l’insalubrité ».
De nombreux témoignages, recueillis au cours des auditions que nous avons réalisées, étayent ce diagnostic. À Versailles, commune dont je suis maire, une part importante des logements du camp militaire de Satory nécessitent d’importants travaux d’entretien, voire, pour la caserne Delpal, une rénovation totale.
En janvier dernier, à l’occasion de la question d’actualité que j’ai posée au ministre de l’intérieur sur ce sujet, j’ai également reçu des messages poignants de gendarmes des casernes de Chaumont, Nanterre, Bagnols-sur-Cèze et du Plessis-Robinson.
Les conditions de vie dans certaines casernes ne sont pas acceptables et ont un impact conséquent sur le moral des gendarmes et de leur famille. Les gendarmes subissent quotidiennement de fortes pressions dans le cadre de leur travail et ne peuvent pas trouver la sérénité dans des logements trop dégradés.
Les gendarmes, comme les militaires, vivent le plus souvent avec leur famille. Ces conditions de logement vétustes sont donc imposées à des civils exerçant d’autres professions et à des enfants.
Quelles sont les causes de cette situation anormale ? La dégradation continue de ces conditions de logement résulte d’un sous-investissement chronique de l’État dans l’entretien et le renouvellement de son parc immobilier. Depuis 2008, les crédits budgétaires consacrés aux investissements immobiliers dans la gendarmerie nationale ont baissé de 72 %.
Pour faire face aux besoins de maintenance les plus urgents, le Gouvernement a certes annoncé un plan de réhabilitation immobilier pluriannuel allant de 2015 à 2020 pour la gendarmerie. Une enveloppe de 70 millions d’euros d’autorisations d’engagement par an, jusqu’en 2017, a été promise. Hélas, la baisse des crédits de paiement sur la même période est très forte. Elle atteindra un point historiquement bas de 58 millions d’euros en 2016.
Je tiens à signaler, à cette occasion, que le décalage entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement constitue un risque majeur. Ce phénomène bien connu dans les crédits du patrimoine du ministère de la culture aboutit à un « mur » de crédits à franchir au moment où arrive la mise en paiement des chantiers.
Si l’on analyse les chiffres fournis par nos collègues du Sénat Alain Gournac et Michel Boutant sur le projet de loi de finances pour 2015, il n’y a eu depuis 2012 aucun crédit de maintenance courante. Cela crée un doute sur le fait que les projets promis soient effectivement réalisés dans un délai raisonnable, d’autant plus que les opérations de partenariat public-privé conclues par l’État depuis 2010 prévoient un doublement des charges annuelles de remboursement à partir de… 2018.
Dans une réponse à une question écrite de notre collègue Laurent Grandguillaume, publiée en 2013, le Gouvernement indiquait que « Selon les standards professionnels, le maintien à niveau de ce parc nécessite un besoin évalué annuellement à 300 millions d’euros. » Les 70 millions d’euros annuels du plan de réhabilitation ne suffisent donc même pas à couvrir les besoins de maintenance courante.
La situation dans l’armée est similaire : 20 millions d’euros par an seulement sont programmés pour la rénovation des logements familiaux. Ces crédits ne permettent qu’une remise à niveau minimale des résidences les plus vétustes, mais certains grands ensembles de logements mériteraient une rénovation lourde et certaines réhabilitations sont reportées, faute de financement. Le ministère de la défense estime que neuf grandes résidences représentant plus de 800 logements en Île-de-France et 550 en région auraient besoin d’une rénovation importante, pour un montant total estimé à 77 millions d’euros.
La proposition de loi que je vous présente aujourd’hui vise donc à ce que soient étudiées toutes les voies de financement possibles pour la rénovation de ces logements. Une telle mobilisation relève de la solidarité nationale. Depuis les événements de janvier 2015, et encore plus aujourd’hui, la France tout entière exprime sa reconnaissance aux forces de l’armée et à la gendarmerie. Celles-ci attendent des gestes concrets, non pas de simples paroles.
Une telle mobilisation relève de l’équité. Les gendarmes et les militaires comprennent en effet de moins en moins que des sommes importantes soient consacrées à la construction et à la rénovation de logements, alors que toute dépense supplémentaire de cette nature leur est refusée. Les logements des gendarmes et des militaires semblent être la seule catégorie de logements exclue du système d’aides publiques en faveur de la construction, de la réhabilitation et de la rénovation énergétique.
Un nouveau plan d’action, incluant l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU – pourrait contribuer à cette amélioration. Cette agence, spécialisée dans la réhabilitation de grands ensembles de logements, peut intervenir de deux façons : d’une part, dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain – NPNRU – pour les casernes situées à proximité d’un quartier de la politique de la ville ; d’autre part, en appui d’un plan plus large financé par le programme d’investissements d’avenir de deuxième génération – PIA 2.
En matière de rénovation urbaine, l’action de l’ANRU est très positive. Elle peut toutefois être vécue, à juste titre, comme une injustice par les gendarmes et les militaires dont les logements ne bénéficient pas des mêmes efforts de réhabilitation. Dans certains cas, comme à Melun ou à Rennes, les opérations de rénovation urbaine menées par l’ANRU se déroulent à proximité immédiate des casernes. Alors que ces logements sont dans le même état de vétusté que les logements sociaux bénéficiant des opérations de rénovation de l’ANRU, cette dernière ne leur consacre pas de crédits.
C’est la raison pour laquelle nous avons proposé, en commission, un amendement visant à prendre en compte, dans le nouveau programme national de renouvellement urbain – NPNRU –, la réhabilitation de logements affectés aux ministères de la défense et de l’intérieur lorsque ces logements sont situés dans les quartiers du NPNRU. Cet amendement a reçu un accueil positif de la part des membres de la commission des affaires économiques. Le président de l’ANRU, François Pupponi, a même déclaré qu’il n’y voyait « pas de difficulté ». Malgré ces soutiens, et à notre grande surprise, l’amendement n’a pas été adopté par la commission.