On me dit que ces dossiers pourraient être traités, au cas par cas, directement par l’ANRU. Je m’en réjouis, mais j’ai peine à y croire, car une modification de la loi est bien nécessaire. En l’état actuel du droit, les missions de l’ANRU et les actions du nouveau programme national de renouvellement urbain sont strictement définies. La réhabilitation des casernes n’en fait pas partie. Je vous appelle donc de nouveau à voter cet amendement, dont la rédaction a d’ailleurs été assouplie afin de permettre un traitement des dossiers au cas par cas.
La majorité des casernes ne se situent toutefois pas dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Pour celles-ci, une hausse des crédits budgétaires des ministères de l’intérieur et de la défense consacrés à leur réhabilitation serait la solution la plus simple et la plus efficace.
Mais l’analyse de la période récente nous montre que cet espoir est vain. Les crédits des missions « Sécurités » et « Défense » consacrés à l’immobilier ne cessent de baisser. Ils sont régulièrement sacrifiés par les ministères, soumis à des objectifs de réduction des dépenses publiques, afin de préserver les dépenses jugées prioritaires comme l’investissement dans du nouveau matériel. On peut d’ailleurs saluer l’attitude des gendarmes, qui sacrifient souvent des dépenses qui pourraient être consacrées à leur logement au bénéfice de leurs véhicules ou d’autres dépenses jugées prioritaires.
C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi invite à diversifier les sources de financement tout en changeant de méthode. L’article 1er prévoit la création d’un programme national de réhabilitation des casernes dégradées, dont l’ANRU serait l’un des opérateurs. Ce programme viserait en priorité les grands ensembles domaniaux qui nécessitent des opérations d’envergure.
La désignation de cet opérateur peut surprendre. Elle est toutefois pertinente pour trois raisons.
Tout d’abord, les ensembles immobiliers sur lesquels l’ANRU est intervenue au titre du programme national de rénovation urbaine ont des caractéristiques très similaires aux casernes domaniales de la gendarmerie nationale et des armées. L’ANRU pourrait donc apporter son expertise en la matière.
Ensuite, ce ne serait pas la première fois que l’ANRU interviendrait en dehors des quartiers de la politique de la ville. La critique la plus facile à l’encontre de cette proposition de loi est que cette nouvelle mission éloignerait l’ANRU de son coeur de métier. Cette affirmation est fausse : depuis 2003, date de sa création, l’ANRU s’est déjà vu confier de nombreuses missions n’ayant qu’un lien indirect avec la rénovation des zones urbaines sensibles ou des quartiers prioritaires. L’ANRU gère, par exemple, trois programmes d’investissements d’avenir de première ou de deuxième génération qui sont éloignés de la rénovation urbaine des quartiers populaires au sens strict : il s’agit des internats de la réussite, du programme « Développement de la culture scientifique et technique » et du programme « Projets innovants en faveur de la jeunesse ».
Un programme de réhabilitation d’immeubles de logements dégradés des ministères de l’intérieur ou de la défense ne serait donc ni la première mission de l’ANRU qui se situerait en dehors du cadre de la politique de la ville, ni celle qui s’éloignerait le plus de son coeur de métier. À ce titre, un tel programme se rapprocherait du programme de rénovation des collèges dégradés, décidé en 2008, ou du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, que l’ANRU gère depuis 2009.
Enfin, l’accompagnement de l’ANRU permettrait de sécuriser des fonds dédiés à la réhabilitation des casernes. Il faut bien le dire, en effet : les crédits ministériels consacrés à la rénovation des casernes sont régulièrement sacrifiés en cours d’année pour financer des besoins imprévus. La désignation de l’ANRU comme financeur complémentaire donnerait la visibilité nécessaire à des projets pluriannuels, tout en assurant le bouclage d’opérations de grande ampleur.
Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015, deux nouvelles actions ont été proposées : l’action « Innovation numérique pour l’excellence éducative », dotée de 168 millions d’euros, et le « Fonds de fonds de retournement » – quel titre ! –, doté de 75 millions d’euros, grâce à des redéploiements de crédits du programme d’investissements d’avenir. Je propose donc que le financement de ce programme de réhabilitation se fasse de la même manière, par une réaffectation d’autres fonds du programme d’investissements d’avenir dont la pertinence et l’utilité paraissent moins prioritaires dans le moment présent. L’intervention de l’ANRU pourrait, par la suite, entraîner un effet de levier susceptible de mobiliser d’autres sources de financement.
Enfin, lors de l’examen de la proposition de loi par la commission des affaires économiques, Daniel Goldberg a évoqué une autre source de financement qui me paraît pertinente dans certains cas : le conventionnement. Les militaires logés dans les logements familiaux du ministère de la défense paient un loyer. Certains remplissent les conditions de ressources et de loyer du logement social et habitent dans des logements appartenant à de grands bailleurs sociaux – je pense notamment à la Société nationale immobilière, la SNI. Pourtant, ces logements ne bénéficient pas des aides publiques comme l’aide personnalisée au logement – APL – ou les subventions de l’Agence nationale de l’habitat – ANAH –, qui pourraient permettre de réaliser des travaux d’amélioration. Dans ma ville, la SNI gère ainsi 500 logements qui pourraient être conventionnés, du jour au lendemain. Je vous proposerai donc, dans quelques instants, un amendement visant à entamer une démarche en ce sens.