Nous abordons cependant un sujet qui mérite beaucoup de sérieux et d’attention. Aussi je remercie ceux de mes collègues qui ont fait l’effort de rester jusqu’à cet instant pour en débattre.
J’ai déposé au printemps dernier une résolution tendant à la création d’une commission d’enquête pour étudier les mécanismes par lesquels l’État islamique se finance.
À l’époque, le conflit au Moyen-Orient présentait deux caractéristiques. Le premier était la gravité extrême de la situation des chrétiens d’Orient. Elle ne s’est pas beaucoup arrangée depuis, mais l’attention du monde était alors focalisée sur le sort des chrétiens dans cette région.
Par ailleurs nous n’avions pas complètement compris à l’époque que le pétrole n’était pas la seule ressource utilisée par l’État islamique pour amasser des devises.
Pour des raisons qui tiennent à la vie de notre assemblée et à ses procédures, cette proposition de résolution n’arrive en débat que maintenant, six mois après son dépôt. La situation au Moyen-Orient ne s’est malheureusement pas améliorée dans l’intervalle et les ressources que l’État islamique tire du trafic du pétrole ne se sont pas taries.
Mais nous avons découvert et compris depuis – et c’est désormais un fait attesté – qu’en sus du pétrole, l’État islamique tire également profit du trafic d’être humains, de réseaux de prostitution, de trafic de drogue, d’armes et d’antiquités, du racket, sans compter les ressources dont il a dépouillé les habitants de ces régions en pillant les banques des villes qu’il a prises, notamment Mossoul. Il dispose désormais d’un patrimoine très conséquent.
C’est dans le souci de connaître ses sources de financement et, bien entendu, de trouver les moyens de les assécher que notre groupe a souhaité la constitution d’une commission d’enquête.
En effet la commission d’enquête dispose de prérogatives dont aucun autre organe parlementaire ne peut se prévaloir, notamment le droit de procéder à des enquêtes sur pièces et sur place et celui de convoquer toutes personnes qu’elle juge bon d’entendre et de les faire déposer sous serment, celles-ci étant tenues de déférer à cette convocation.
Le mécanisme de la commission d’enquête est donc celui qui nous a paru le plus solide. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains a accepté d’inscrire cette résolution à l’ordre du jour, ce dont je remercie le président Jacob.
Bien sûr, personne ne peut imaginer qu’il y ait ici un seul parlementaire qui ne soit pas sensible à cette question et qui ne désire pas tirer les choses au clair. Bien sûr, aucun parlementaire ne souhaite faciliter la vie à l’État islamique. Cependant, non sans susciter chez nous une certaine surprise, la commission des affaires étrangères a refusé la création d’une telle commission d’enquête pour des motifs que j’avoue ne pas avoir encore très bien compris.
Cela a un peu agacé quelques membres éminents de cette commission, mais il m’a été répondu en substance que l’idée était bonne, que le champ de la proposition mériterait d’être un peu plus large, que c’était une vraie question et que, pour autant, on n’allait pas faire comme ça, en tout cas pas à l’initiative de l’opposition.
Bien entendu ce n’est pas tout à fait une première. Nous sommes quelques-uns dans cette assemblée à compté suffisamment d’heures de vol pour avoir déjà assisté à des situation de ce genre. Je ne sais pas s’il faut s’en plaindre, mais je le constate.
Cela étant dit, je maintiens que le champ d’investigation de la commission d’enquête tel que nous l’avons défini, c’est-à-dire le financement de Daech, n’est pas limité à la question du pétrole. Il permet donc d’inclure l’ensemble des ressources financières dont dispose aujourd’hui l’État islamique.
Si l’on veut aboutir à des conclusions fiables et recueillir des informations précises, créer une commission d’enquête, est, je le répète, la seule façon d’obliger les personnes que nous souhaiterions entendre à déposer sous serment et donc à dire la vérité. Je rappelle en effet que mentir lors d’une déposition sous serment devant une commission d’enquête est passible d’une amende. Le code pénal prévoit même des peines d’emprisonnement. Il ne s’agit donc pas de choses qu’on prend à la légère.
C’est la raison pour laquelle j’ai refusé d’accepter la demande de la commission des affaires étrangères de retirer cette proposition de résolution et que nous en débattons cet après-midi dans l’hémicycle. Nous devrons donc décider tout à l’heure si, oui ou non, une commission d’enquête sur cette question verra le jour.
En tout état de cause, l’urgence demeure, la modalité retenue est la bonne. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous inviterai dans quelques instants à adopter cette résolution visant à créer une commission d’enquête sur le financement de l’État islamique.