Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du 3 décembre 2015 à 15h00
Participation de fonds français au financement de daech — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition vise à créer une commission d’enquête sur la participation de fonds français au financement de Daech.

Cette proposition est motivée principalement par une cause qui nous est très chère : la protection des chrétiens d’Orient, dont la présence plurimillénaire est menacée. En 2015, Daech a littéralement crucifié des chrétiens dans le berceau du christianisme. Il faut évidemment que cette barbarie cesse.

Hélas, le 13 novembre, c’est la France qui a été touchée au coeur. Après l’attentat de Toulouse, ceux contre Charlie-Hebdo et l’Hyper Casher, la macabre décapitation de l’Isère, les Français réalisent qu’ils sont en guerre. Nos compatriotes exigent sécurité et réclament justice. Il faut « décapiter » Daech, pour employer un terme que ces djihadistes affectionnent tant.

L’argent est le nerf de la guerre. Comme l’indique le rapport de la commission d’enquête sur les filières djihadistes, dont j’ai eu l’honneur d’être le vice-président, l’une des clés de la lutte contre le terrorisme est le contrôle et l’entrave des moyens financiers dont disposent les organisations pour attirer et maintenir en leur sein des djihadistes et organiser leurs actions criminelles.

Ce volet financier pourrait se décliner en plusieurs axes, visant notamment à tarir les ressources de Daech, ce pseudo-État islamique, qui, aujourd’hui, bat monnaie et administre un territoire aussi grand que le Royaume-Uni ; empêcher le système de microfinancements sur notre sol et traquer les liens financiers entre grand banditisme et djihadisme – je rappelle que les attaques contre l’Hyper Casher et Charlie n’ont coûté que quelques dizaines de milliers d’euros à peine – ; étrangler financièrement les filières d’acheminement de djihadistes de France et d’Europe ; rendre transparent et contrôler le financement étranger de l’islam de France ; contraindre l’ensemble des acteurs financiers à surveiller l’ensemble des flux suspects au niveau français, mais aussi européen, voire international.

Premier axe, priver Daech de ses ressources.

Daech est très riche, on le sait. Il est financièrement autonome. L’organisation dispose d’un patrimoine colossal – on parle de deux milliards d’euros. Son budget en 2015 est estimé à 2,5 milliards d’euros : de quoi mener des actions militaires, armer, nourrir et payer les quelque 30 000 terroristes – c’est une faute de les appeler des combattants –, verser des pensions, administrer les territoires nouvellement occupés, réaliser des clips de propagandes scénarisés.

Je voudrais, si vous me le permettez, faire une remarque importante à ce stade. Si Daech met en scène ses exactions barbares, l’organisation est loin d’avoir le monopole de l’horreur. Monsieur le rapporteur, on estime que le régime d’Assad, coresponsable de cette guerre atroce, a massacré près de dix fois plus de civils que Daech, notamment par l’emploi d’armes chimiques. Évidemment, ces crimes ont été beaucoup moins scénarisés et médiatisés.

Je reviens à Daech. Son modèle économique s’appuie sur une diversité de ressources financières : extorsion de fonds, vente de pétrole, de gaz, de céréales et de coton, trafic de biens culturels, trafic d’êtres humains, de femmes principalement réduites au statut d’esclaves sexuelles, donations, enfin, même si celles-ci ne représentent que 2 % du budget de Daech.

Notre objectif est clair : rendre plus compliqué le recyclage des fonds qui profitent à l’organisation, issus en particulier de la vente de pétrole. Aucune société française, ou opérant en France ou en Europe, ne doit être mêlée à ces trafics. Ce travail doit être mené au niveau national, mais aussi européen, avec la directive anti-blanchiment, et international, avec le groupe d’action financière – GAFI.

S’agissant du microfinancement des attentats, des filières, des financements étrangers de l’islam de France et du contrôle des opérateurs financiers, dans le prolongement des annonces faites par le ministre des finances et des comptes publics, nous devons étudier les moyens de mieux réglementer les instruments de paiement et l’utilisation de l’argent liquide et assurer une pleine coopération des opérateurs financiers.

Avant de conclure de façon plus générale, je veux redire que la priorité absolue est de détruire Daech. Mais ne nous laissons pas aveugler ! Daech n’est que l’arbre qui cache la forêt du djihadisme, sunnite, mais aussi chiite. Toutes ces organisations, voire ces États, ont en commun de vomir nos valeurs, notre modèle de société et notre culture. Daech, encore inconnu il y a trois ans, n’en est que l’ultime avatar.

Daech n’est pas la première organisation djihadiste à attaquer notre pays. Il y a d’abord eu le Hezbollah pro iranien dans les années 1980, à l’origine des attentats rue de Rennes, qui avaient fait sept morts, et de ceux de Beyrouth qui avaient tué 58 paras français. Gilles de La Bâtie, président de l’association des rescapés et des victimes de l’attentat du Drakkar, me remerciait, pas plus tard que la semaine dernière, de ne pas les oublier et de défendre leur mémoire.

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