Il n'est pas rare que les taux atteignent des niveaux très élevés, ce qui justifie que, dans certaines villes, la réglementation impose des restrictions d'accès au centre pour les véhicules polluants. C'est le facteur essentiel de transition du véhicule diesel vers le véhicule électrique, qui commence à créer un marché. Toutefois, pour le moment – c'est-à-dire tant qu'une réglementation ne viendra pas provoquer une bascule généralisée en valorisant le véhicule décarboné –, le prix du kilomètre le moins cher sera toujours obtenu avec cette technologie éprouvée et optimisée depuis une centaine d'années qu'est le diesel : les consommateurs n'abandonneront pas le diesel pour le véhicule écologique si un effet prix ne les incite pas à le faire.
Les restrictions réglementaires d'accès aux centres des villes constituent une incitation pour les professionnels à passer au véhicule propre. Cela dit, tant que chaque ville possédera sa propre réglementation en matière d'accès, de zones piétonnes et d'horaires de livraison, ce sera un vrai casse-tête pour le gestionnaire d'une flotte de véhicules d'optimiser – en termes de prix du kilomètre parcouru ou de la tonne de marchandises distribuées – l'organisation des tournées en centre-ville dont il est responsable. D'ores et déjà, La Poste et des grands transporteurs privés tels que DHL ou TNT commencent à passer au véhicule propre, et ce n'est ni par bonté d'âme ni par conviction écologique, mais bien parce que cela leur permet de réaliser un retour sur investissement.
Dans ce contexte, le seul véhicule permettant de franchir toutes les barrières réglementaires est le véhicule électrique, reconnu propre – le véhicule hybride n'étant, lui, qu'un véhicule thermique qui consomme moins, mais pollue tout de même. Par ailleurs, le véhicule électrique est apprécié des chauffeurs pour sa facilité d'utilisation. Le point faible des véhicules à batterie est l'autonomie, les technologies actuelles ne permettant pas à ces véhicules de concurrencer les véhicules diesel sur ce point. Les gestionnaires de flottes professionnelles sont demandeurs de véhicules disposant d'une autonomie d'au moins 200 kilomètres, voire 300 kilomètres par jour, afin d'accomplir une mission donnée. Or, dans les conditions d'utilisation réelle – la distribution de marchandises en centre-ville –, l'autonomie des véhicules à batteries n'excède pas 100 kilomètres : comme vous le savez, le fait de s'arrêter et de redémarrer à de très nombreuses reprises, comme le fait un postier ou un livreur, se traduit par une consommation deux ou trois fois plus élevée – que ce soit en diesel ou en électricité – que celle résultant d'une utilisation standard. Aujourd'hui, le véhicule à batterie permet de remplir certaines missions, mais il n'est pas assez performant en termes d'autonomie pour remplacer tout le parc de véhicules diesel : c'est ce qui explique que La Poste, par exemple, n'ait remplacé que 5 000 de ses 40 000 véhicules.
Certains constructeurs, tel Tesla, tentent de remédier à la contrainte de l'autonomie en équipant les véhicules d'un plus grand nombre de batteries. Le problème, c'est que cela se traduit par une hausse de prix – plus de 50 % du prix d'un véhicule électrique correspond au prix des batteries dont il est doté – et par une réduction de la capacité d'emport, ce qui pose un problème pour une utilisation professionnelle. Certains consommateurs sont disposés à remplacer leur véhicule diesel par un véhicule électrique, à condition que celui-ci dispose d'une plus grande autonomie. Une étude réalisée par le groupe de travail « H2 Mobilité France » a mis en évidence que, pour les professionnels, le prix au kilomètre était le même avec un véhicule électrique équipé d'un prolongateur d'autonomie à hydrogène qu'avec un véhicule diesel : il est donc possible d'atteindre un seuil de rentabilité économique avec un véhicule électrique, pour peu que la réglementation incite les utilisateurs à franchir le pas – car si les deux types de véhicule donnent les mêmes résultats, les personnes possédant un véhicule diesel n'auront pas de raison de changer leurs habitudes.
Il faut réfuter le mythe selon lequel les véhicules à hydrogène coûteraient très cher ! Aujourd'hui, les technologies mises en oeuvre – souvent en France – permettent d'obtenir un prix du kilomètre équivalent à ceux des véhicules diesel. Il nous manque donc seulement un coup de pouce pour faire vraiment décoller les ventes. C'est l'objectif du projet HyWay, soutenu par l'ADEME, consiste à déployer cinquante véhicules utilitaires hybrides batteries-hydrogène, autour de deux stations de distribution d'hydrogène à Lyon et Grenoble. Dès que la production atteindra un certain niveau, nous n'aurons plus besoin d'aide pour vendre des véhicules électriques au prix du diesel, et certains constructeurs ont déjà bien compris que construire un véhicule hydrogène coûtait moins cher que de construire un véhicule diesel dépollué – car réduire les émissions de NOx et de CO2 de manière efficace se traduit par un surcoût.
Pour ce qui est de l'écosystème automobile, les constructeurs français ont fourni très tôt de gros efforts pour développer le véhicule électrique, mais ont malheureusement dû réduire la recherche et le développement dans ce domaine pour des raisons budgétaires. Chez Renault, c'est Nissan qui explore la technologie électrique, notamment la pile à hydrogène. Pour ce qui est de PSA, après avoir été un pionnier dans ce domaine – nous utilisons une technologie issue de celle développée en France par le groupe –, il a dû mettre fin pour des raisons budgétaires à sa R&D sur ce thème. Il existe donc peu de véhicules à hydrogène développés aujourd'hui par les constructeurs français. En revanche, les équipementiers investissent dans cette technologie, assez largement mise en oeuvre par autres constructeurs dans le monde. Ainsi, les Allemands sont prêts à mettre des véhicules sur le marché et n'attendent pour cela que le déploiement de l'infrastructure nécessaire – 400 stations devraient équiper nos voisins d'outre-Rhin d'ici à 2023. Nous travaillons avec les équipementiers à la mise au point des réservoirs, des stacks – les empilements de cellules électriques – et de nombreux autres éléments constitutifs du système de la pile à combustible.
La viabilité économique du modèle de la voiture à pile à combustible ne fait plus aucun doute, étant précisé que dans ce domaine, les cycles d'introduction de nouvelles technologies sont assez longs. Toyota a mis une dizaine d'années à introduire la technologie aujourd'hui mise en oeuvre sur la Prius, et nous pensons pouvoir obtenir une très bonne rentabilité économique de la technologie hydrogène dans le même laps de temps. C'est ce qui nous fait dire que nous devons investir dès maintenant dans cette technologie, afin d'être prêts quand il y aura vraiment un marché – et les constructeurs et les équipementiers pensent la même chose. Je vous invite à lire le position paper qui vient d'être publié par la Plateforme de la filière automobile (PFA), qui souligne que le marché sera d'abord un marché de niches, limité à la livraison et aux services en centre-ville, et ne deviendra un marché grand public que lorsque les infrastructures nécessaires seront présentes. Toute la question est de savoir si la France sera en avance ou en retard dans le développement de cette infrastructure, ce qui relève de la proactivité politique.