Intervention de Aliette Quint

Réunion du 1er décembre 2015 à 16h30
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Aliette Quint :

Le programme californien que j'ai évoqué est le Zero-Emissions Vehicle (ZEV) Program. Il consiste en l'obligation pour les constructeurs automobiles de mettre sur le marché californien une certaine proportion de véhicules propres, et prévoit la possibilité, pour les constructeurs ayant atteint les objectifs assignés, de revendre aux autres leurs quotas excédentaires. Ce système, consistant en une espèce de marché carbone des véhicules propres, a ensuite été repris par une dizaine d'autres États des États-Unis, et la Californie souhaite désormais créer une alliance ZEV ouverte à tous les États du monde disposés à prendre part au grand marché de quotas des véhicules propres – les Pays-Bas se sont d'ores et déjà déclarés intéressés.

Datant de 2003, le programme connaît actuellement une accélération due à la mise en place de pénalités pour les constructeurs n'atteignant pas leurs quotas de véhicules. Ce système fait la fortune de Tesla, qui revend ses quotas sur le marché. Par ailleurs, il incite de nombreux constructeurs à diriger leurs flottes de véhicules propres en Californie afin de bénéficier du programme ZEV.

Le principe de neutralité technologique est effectivement important, et nous estimons d'ailleurs qu'à terme, ce n'est pas une technologie unique qui s'imposera, mais un panel de technologies complémentaires, pour aboutir à un transport propre. Il est évident qu'à l'horizon 2030, tous les types de technologie – batteries, hydrogène, hybride, diesel etc. – cohabiteront encore, et qu'il faudra sans doute attendre 2050 pour voir les véhicules électriques individuels devenir prédominants, à côté des véhicules roulant au gaz naturel – grâce aux technologies Liquefied Natural Gas (LNG) et Compressed Natural Gas (CNG). L'un des intérêts du programme ZEV est de ne pas privilégier une technologie au détriment des autres : il exige simplement que soient mis sur le marché des véhicules qualifiés de propres en fonction de critères strictement définis. L'Allemagne et le Japon ont fait le choix de soutenir aussi bien les véhicules à batteries que les véhicules à hydrogène et ceux au gaz naturel.

Nous pensons que les véhicules à hydrogène sont intéressants surtout sur les segments C et D, c'est-à-dire des véhicules relativement lourds, représentant 75 % de la pollution engendrée par le parc automobile, tandis que les véhicules à batteries sont, eux, intéressants sur les plus petits véhicules : cette répartition découle de la nécessité de placer plus de batteries sur les véhicules ayant vocation à disposer d'une autonomie plus importante – c'est ce qui fait que certains véhicules Tesla embarquent 1,4 tonne de batteries pour une autonomie de 600 kilomètres, ce qui ne paraît pas très raisonnable en termes d'efficacité. Pour les gros camions parcourant de longues distances, c'est le GNL qui sera le plus adapté. Comme vous le voyez, à chaque segment correspond un type de motorisation plus intéressant que les autres.

Pour ce qui est des freins au développement des véhicules à pile à combustible, Air Liquide a pris en charge la coordination du programme « Hydrogène Énergie en France », destiné à développer des marchés de niche sur l'hydrogène. Au départ, le Graal recherché par tous les acteurs était le marché de masse de la mobilité, un objectif jamais atteint parce que les constructeurs n'étaient pas au rendez-vous et que les recherches dans ce domaine étaient coûteuses et compliquées. Les niches ont donc semblé offrir des opportunités intéressantes, qu'il s'agisse des systèmes de sauvegarde de données, des tours de télécommunication ou de la logistique, et Air Liquide s'est lancé à la conquête de ces marchés avec l'aide d'un certain nombre de partenaires français.

Les constructeurs automobiles nous ont un peu pris de court, certains d'entre eux – notamment Daimler, Toyota, Hyundai et même Peugeot, avec un prototype – affirmant détenir la technologie leur permettant de faire rouler des véhicules à l'hydrogène. Nous avons cru un moment qu'il serait possible d'introduire de l'hydrogène dans les moteurs thermiques, avant de nous rendre compte que cette technique complexe basée sur la combustion n'était pas très efficace sur le plan énergétique. À partir du moment où certains constructeurs, tel Toyota, ont commencé à dépasser certains blocages en maîtrisant les moteurs électriques à hydrogène, qui sont des moteurs hybrides, et où la miniaturisation des piles à combustible a conduit à une division de leur prix par dix ou vingt, nous avons été en mesure d'équiper les véhicules de piles à combustible sans que celles-ci n'occupent une place excessive. L'autre avancée majeure a consisté en la possibilité d'embarquer de l'hydrogène sous forme de gaz comprimé, en quantité suffisante pour procurer une autonomie rivalisant avec celle des véhicules à batteries et même celle des véhicules à moteur thermique. Une fois ces avancées obtenues, les constructeurs sont revenus vers nous en nous demandant où en était l'infrastructure, que nous nous sommes donné pour mission de faire progresser.

La question de la dangerosité est importante. La molécule d'hydrogène est très légère et s'échappe facilement, ce qui nécessite certaines précautions – vous vous souvenez peut-être de cette expérience réalisée en classe de troisième, lors de laquelle on fait « aboyer » un tube à essais contenant de l'hydrogène en approchant une allumette de son embouchure, afin de démontrer le caractère détonant du mélange hydrogène-oxygène. Sur ce point, les constructeurs ont fait leur travail, et s'il serait intéressant pour vous de les auditionner, je peux d'ores et déjà vous dire que lors des crash-tests extrêmement sévères auxquels sont soumis les véhicules à hydrogène, le réservoir contenant l'hydrogène est la partie du véhicule qui résiste le mieux aux chocs – c'est même, lors des tests les plus intenses, la dernière pièce du véhicule à rester intacte.

Pour ce qui est de la résistance au feu, les pompiers sont désormais formés à combattre les incendies ayant pris sur des véhicules à hydrogène, et ils vous diront tous qu'ils sont beaucoup plus à l'aide sur un feu de ce type que sur l'incendie d'un véhicule à essence. En effet, la flamme d'hydrogène produit très peu de radiations, ce qui signifie qu'elle produit peu de chaleur : vous pouvez ainsi placer votre main très près d'une flamme à hydrogène sans vous brûler. Lors de l'incendie d'un véhicule, un dispositif va se déclencher, laissant l'hydrogène s'échapper vers le haut en produisant une flamme qui ne dégagera pas de radiations, donc pas de chaleur, vers les sièges arrière du véhicule ; sur un véhicule à essence, l'ensemble de l'habitacle est détruit en quelques minutes.

Nous travaillons avec les Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ainsi qu'avec la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), afin de mettre en place une réglementation relative aux stations d'approvisionnement des véhicules qui prenne en compte l'ensemble des standards internationaux relatifs à la sécurité. De ce point de vue, nous devons être extrêmement stricts, afin de ne pas refaire les erreurs commises avec les véhicules au GPL.

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