Intervention de Gilles Carrez

Séance en hémicycle du 4 décembre 2015 à 9h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2015 — Après l'article 30

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Je vous remercie, madame la présidente : lorsqu’il y a un débat au sein de la commission des finances, l’usage veut que l’on puisse en rendre compte de façon précise.

En l’espèce, j’ai une divergence avec Mme la rapporteure générale en termes d’analyse juridique, divergence qui est d’ailleurs liée aux fonctions de rapporteur général que j’ai occupées sous la précédente législature.

À l’époque, la question de l’alignement du taux de TVA applicable à la presse numérique sur celui valant pour la presse écrite faisait l’objet d’un accord général. Plusieurs collègues, à commencer par Patrice Martin-Lalande, proposaient régulièrement cet alignement, depuis 2008, par voie d’amendement. J’étais contraint de leur répondre, à l’instar du Gouvernement, qu’il n’était pas possible, compte tenu de la directive qu’a évoquée Christian Paul. Cette position a été constamment réitérée.

À partir de 2013, nous avons senti qu’il y avait une évolution dans les discussions avec la Commission européenne. C’est ainsi qu’a été votée à l’unanimité, en quelque sorte par anticipation, la loi de février 2014, qui a permis cet alignement, devenu effectif au 1er février 2014. Sur le fond, il n’y a donc pas de divergence entre nous.

En revanche, l’amendement proposé est totalement inconstitutionnel, car la mesure est rétroactive et comporte un aspect d’amnistie fiscale tout à fait déplaisant. En effet, nous sommes face à certains contribuables – pas tous – qui ont décidé de leur propre chef d’administrer eux-mêmes leur taux de TVA, alors qu’ils savaient pertinemment que ce n’était pas ce taux qui s’appliquait – il suffisait de relire les débats que nous avions ici même sur chaque projet de loi de finances. Or en droit fiscal, on ne peut admettre qu’un contribuable qui, de sa propre initiative, n’applique pas la loi fiscale, puisse bénéficier d’une sorte de complaisance du Parlement et voir sa situation régularisée a posteriori. J’ai ici une divergence avec Mme la rapporteure générale. Je le souligne, car c’est rarissime.

Très sincèrement, cette affaire est totalement inconstitutionnelle. Même si on l’étendait aux autres contribuables comme le propose Mme la rapporteure générale, la rupture d’égalité est manifeste.

Quant à la possibilité que l’intérêt général autorise la rétroactivité, voire l’amnistie fiscale, si elle résulte effectivement d’un certain nombre de décisions du Conseil constitutionnel, elle est liée à la notion d’intérêt général, dont la définition est très exigeante. En l’occurrence, face au comportement délibéré de tel ou tel contribuable par rapport à l’application des taux de TVA, j’estime que l’intérêt général n’est pas suffisamment matérialisé pour permettre une telle rétroactivité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion