Alors que la ministre de l'éduction a lancé des annonces relatives à la mise en oeuvre de la mixité sociale qui ont fait naître des angoisses chez les parents, je crois qu'il aurait été de meilleure méthode d'attendre la publication de votre rapport pour s'en approprier d'abord les conclusions.
Cela étant dit, je conteste certains des chiffres que vous avancez. Selon le Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO), seuls 1 % des collèges sont fortement ségrégués, tandis que 10 % des élèves sont dans des collèges ghettos. Je ne veux certainement pas minimiser le phénomène, mais il faut le ramener à de justes proportions.
Vous citez l'assouplissement de la carte scolaire comme l'une des causes de l'accroissement de la ségrégation scolaire. Cet assouplissement ne concerne pourtant que 5 % des élèves de sixième. Il s'agit d'un phénomène très parisien et francilien. Je préférerais que notre regard embrasse l'ensemble du territoire.
J'ai aimé l'honnêteté de votre propos sur plusieurs points. Vous savez d'abord établir la distinction entre mixité scolaire et mixité sociale. Vous soulignez ensuite que la ségrégation résidentielle est en cause et que l'école ne peut tout résoudre. Enfin, vous déclarez que la mixité n'est pas une fin en soi, l'objectif premier étant au contraire la réussite des élèves.
On peut comprendre que les parents veuillent le meilleur pour leurs enfants. Dans cette perspective, tout ce qui est coercitif est anxiogène pour les parents. Je mets par ailleurs en garde contre toute vision globalisante de phénomènes parfois seulement urbains. La réforme des collèges, les changements dans l'enseignement du latin et la suppression des classes bilangues ne vont pas dans le sens d'une mixité qui ne soit pas un nivellement par le bas. Nous devons au contraire faire des filières d'excellence dans les établissements plus fragiles. Monsieur Durand, je vous remercie d'avoir eu l'honnêteté de dire que ces filières ont parfois provoqué un évitement, mais parfois entraîné aussi un enracinement au profit des établissements les plus fragiles.
Quant à votre proposition de redéployer les moyens alloués à l'enseignement privé, je crois qu'elle ne sera pas sans causer quelque émoi. Je voudrais, à partir d'un exemple, souligner la diversité de ce secteur. La fondation Espérance banlieues travaille loin des milieux favorisés, pour accueillir des élèves en grande difficulté grâce à des méthodes pédagogiques innovantes. À Montfermeil, elle gère le cours Alexandre Dumas, que le maire a remercié publiquement, pour avoir pacifié l'école publique dans sa commune. La deuxième proposition que vous formulez permettra-t-elle d'apporter de l'aide à des établissements hors contrat de ce genre, de la part de l'État, mais aussi bien de la part des collectivités territoriales ? Pour la fondation Espérance banlieues, les subventions accordées ont été interdites à l'issue du contrôle de légalité. La baisse des moyens des collectivités territoriales pose d'ailleurs de ce point de vue un problème plus général.