Pour ce qui est de l'enseignement privé, nous avons rencontré dès le départ ce problème majeur du point de vue de la mixité scolaire et sociale. Nous avons en effet en France ce système concurrentiel. Plutôt que de relancer la guerre scolaire, nous avons plutôt cherché à nous demander comment aider les enfants à réussir. La loi Debré de 1959 reconnaît l'enseignement privé, avec qui des contrats d'association peuvent être signés. Encore l'enseignement privé ne constitue-t-il pas un bloc : il n'est pas toujours l'enseignement catholique ; chaque établissement a son caractère propre.
La loi reconnaît le caractère propre des établissements privés, mais leur confie également une mission de service public. Dans le cadre de cette mission de service public, nous avons abordé la question de l'engagement de l'enseignement privé en faveur de la mixité sociale lors de nos rencontres avec les responsables de l'enseignement catholique, en leur demandant comment ils l'assurent. Selon les responsables diocésains, nous avons entendu des réponses diverses. Le responsable national est celui qui a le plus mis l'accent sur cette mission de service public, davantage que les responsables de niveau diocésain, tout en mettant en avant qu'il n'est pas question d'être soumis à une quelconque carte scolaire ou à une quelconque contrainte. L'idée d'introduire une certaine différence de traitement en fonction des résultats obtenus en termes de mixité sociale et scolaire a même été acceptée dans le cadre du dialogue de gestion avec les autorités académiques.
Des progrès sont ainsi à noter, même si, quand je leur ai demandé s'ils étaient d'accord pour contrôler des cohortes, de la seconde au bac, afin de mesurer la mixité scolaire et de lutter contre l'éviction de certains élèves, les responsables diocésains ont été nombreux à invoquer le caractère propre de leur enseignement. Sur ce dernier point, il est vrai que si, dans certains établissements privés, un élève dont la moyenne générale n'est pas supérieure à 16 sur 20 n'est pas accepté en seconde, il n'en va pas différemment dans certains lycées parisiens où nous nous sommes rendus.
Ainsi, au lycée Charlemagne, la mixité sociale est exemplaire. Les élèves viennent de tous les milieux, y compris des milieux populaires du dix-neuvième ou du vingtième arrondissement de Paris. Cependant, ils ne sont acceptés qu'avec une moyenne très élévée. Il n'y a donc aucune mixité scolaire. Nulle part ailleurs la distinction entre mixité scolaire et mixité sociale n'a une telle portée.
Monsieur Hetzel, vous avez évoqué l'hétérogénéité des classes. Il s'agit en effet d'un grand débat. L'OCDE a démontré ses bienfaits. Si les pratiques pédagogiques sont adaptées, via notamment le tutorat et l'accompagnement individualisé, l'hétérogénéité est favorable à tous les élèves, y compris les meilleurs, et n'est pas synonyme de nivellement par le bas. Cela est vrai, mais sous certaines conditions pédagogiques, tant au collège et au lycée que dans les écoles primaires.
Madame Corre, vous vous étonnez de ne trouver nulle part mention des parents. Mais ils sont évoqués partout dans notre rapport, qu'il s'agisse du climat scolaire ou de leur implication dans les activités éducatives – ce qu'on appelle parfois la co-éducation.
Madame Genevard, vous soulignez à juste titre que rien ne se fera sous la contrainte, la carte scolaire étant déjà perçue comme telle par les familles.
La ministre a voulu expérimenter des secteurs multi-collèges. L'expérimentation est une bonne chose, d'autant que ce dispositif cherche à réaliser la synthèse entre la sectorisation et la liberté de choix des parents, ceux-ci pouvant choisir leur établissement au sein d'un secteur. Des expériences volontaristes de redécoupage de secteurs à des fins de mixité sociale ont également été menées dans le Finistère ou en Haute-Vienne et ont donné quelques résultats.
S'agissant de notre proposition d'instituer un « bonus mixité » pour les établissements privés volontaires, elle ne concerne pas, par définition, les établissements hors contrat.
En conclusion de ces quelques éléments de réponse à vos questions, je dirai que notre volonté était d'alimenter le débat plutôt que de le clore. Car l'école est un sujet qui doit nous rassembler au-delà des échéances électorales plutôt que nous diviser.