Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Réunion du 2 décembre 2015 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

L'exposé que vous venez de faire et la note d'information sur laquelle il s'appuie retracent la méthode que nous allons adopter afin de contrôler les pouvoirs exceptionnels que le Parlement a confiés au Gouvernement pendant la période de mise en oeuvre de l'état d'urgence. Pour y avoir été associé, j'approuve pleinement cette manière de procéder au contrôle du détail des opérations, mais aussi de leur quantité et de leur qualité. Plusieurs interrogations sont apparues depuis que le Parlement a décidé de prolonger l'état d'urgence. La méthode que nous propose le président permettra à la Commission d'exercer ces nouveaux pouvoirs de contrôle s'apparentant à ceux d'une commission d'enquête, et au Gouvernement de se rendre pleinement disponible à ces fins – condition sine qua non du bon déroulement de nos travaux de contrôle.

J'ai participé avec M. le président, M. Larrivé et d'autres à la réunion qui s'est tenue jeudi dernier au ministère de l'intérieur : nous y avons constaté la bonne volonté du Gouvernement de communiquer ces informations. Je suppose que leur traitement administratif et leur aiguillage vers notre Commission présentent un certain nombre de difficultés matérielles ; il nous appartient de déployer l'énergie nécessaire pour que les délais de traitement habituels soient réduits, de sorte que le Parlement puisse exercer pleinement sa mission de contrôle.

Au terme des trois mois d'état d'urgence – et qu'il soit prolongé ou non, puisque le Premier ministre ne l'a pas exclu, sachant que la réforme de la Constitution ne pourra de toute façon pas avoir lieu avant cette date –, je propose que la Commission use par anticipation des facultés du rapporteur d'application pour qu'il dresse un bilan global de la situation et qu'il le communique à la Commission.

Je demeure attentif à la question de l'information des élus locaux – à laquelle le ministre a répondu avec quelque réserve. Il a en effet donné instruction aux préfets de réunir une fois par mois les maires et les parlementaires de chaque département pour leur présenter l'état précis des opérations menées sur leur territoire. Il me semble toutefois qu'il reste à trouver une formule permettant d'éviter que les maires découvrent par la presse locale, voire par des rumeurs dans le voisinage, que tel ou tel de leurs administrés a été assigné à résidence dans leur commune, même si je suis parfaitement conscient qu'une assignation à résidence ou une perquisition administrative sont susceptibles d'entraîner d'autres opérations incompatibles avec le degré habituel de discrétion des maires. Il faut informer les maires, mais il peut s'avérer délicat de le faire alors que des procédures sont en cours. Quoi qu'il en soit, il faut trouver un équilibre en matière d'information des élus locaux.

Certains s'inquiètent – et la presse s'en fait parfois l'écho – que les pouvoirs publics soient tentés d'effectuer des perquisitions fondées sur d'autres faits présumés que des actes terroristes et, ainsi, déclencher des procédures de droit commun en profitant de la facilité que leur offre l'état d'urgence. À titre personnel, je crois que le recours à des pouvoirs spéciaux peut en effet donner lieu à d'occasionnels débordements, mais je constate que les liens qui existent entre la délinquance de droit commun – y compris la grande délinquance – et les actes terroristes empêchent d'interdire, à supposer que cela soit possible, que l'on profite de l'état d'urgence pour conduire des perquisitions dont le lien avec des faits de terrorisme est plus ou moins lointain. Je comprends les inquiétudes exprimées au nom de la protection des libertés fondamentales et, le cas échéant, la Commission interrogera le ministre de l'intérieur a posteriori pour vérifier qu'aucune atteinte ne leur a été portée. À ce stade, néanmoins, aucun élément ne peut selon moi nous prémunir contre cette éventualité. En l'espèce, je fais confiance à l'appareil policier pour effectuer le tri nécessaire.

Pour conclure, je réaffirme mon accord total avec la méthode que vous avez exposée, monsieur le président, et à laquelle vous avez bien voulu m'associer.

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