Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 2 décembre 2015 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Vous avez, monsieur le président, proposé ce dispositif lors du débat sur l'état d'urgence, et nous avions alors exposé plusieurs difficultés. Tout d'abord, il ne correspond pas à la culture parlementaire française depuis 1958 et, de ce point de vue, le fait de donner au Parlement les capacités réelles de contrôler les pouvoirs qu'il a confiés au pouvoir exécutif représente une évolution très favorable et nécessaire, qu'il s'agisse de l'état d'urgence ou d'autres questions. En outre, c'est une excellente manière de protéger l'exécutif contre ses propres services, qui peuvent parfois prendre des initiatives malheureuses susceptibles de mettre tel ou tel ministre en difficulté. Par nature, le contrôle accentue la vigilance des autorités à l'égard de la pertinence des mesures qu'elles prennent.

Le dispositif que vous nous proposez peut sembler efficace mais présente quelques difficultés. Tout d'abord, il est valable pendant la période d'état d'urgence, mais certaines mesures – d'assignation à résidence, par exemple – pourraient être prolongées au-delà ; il faudrait alors que le contrôle parlementaire se poursuive en conséquence.

La deuxième difficulté a trait à la confiance et à la solidité du consensus national qui a été recherché et qui s'est illustré par le vote quasi unanime de l'Assemblée nationale et du Sénat en faveur de la prolongation de l'état d'urgence. Or, pour que le pouvoir législatif confie des pouvoirs exceptionnels au pouvoir exécutif, chacun doit être associé au contrôle. Pourtant, le dispositif prévu exclut de fait quatre groupes parlementaires du contrôle effectif – et non pas du seul contrôle statistique, qui n'a qu'un intérêt très relatif et dont les conclusions ne peuvent éventuellement servir qu'à envisager des suites législatives. Ainsi, les éléments d'informations qui seront demandés aux autorités pour chaque perquisition administrative et chaque assignation à résidence doivent pouvoir être vérifiés par l'ensemble des groupes. On ne saurait en effet demander aux groupes politiques de soutenir les mesures d'état d'urgence tout en privant certains d'entre eux de la capacité de contrôle. À l'inverse, je serais très réticent à ce que tous les parlementaires puissent vérifier ces éléments dans leurs circonscriptions : se poseraient alors des problèmes de secret des informations.

Précisément, qu'en sera-t-il de l'habilitation ou de l'obligation au secret des parlementaires concernés ? M. Popelin évoquait la Seine-Saint-Denis : il existe en effet quelques départements dans lesquels les difficultés et les personnes surveillées se concentrent et, par conséquent, dans lesquels les perquisitions et assignations sont plus nombreuses. Faute de garantir un niveau de secret suffisant, les services pourraient finir par renoncer à certaines opérations de crainte que les liens entre telle et telle personne soient trop diffusés.

Il nous faudra donc trouver un équilibre – c'est déjà en partie le cas – qui doit notamment s'appuyer sur un partage de la mission de contrôle entre l'ensemble des forces politiques, faute de quoi les groupes qui n'auront pas été associés au contrôle effectif de l'action des services ne pourront pas accepter une nouvelle prolongation de l'état d'urgence. D'autre part, il faut que les informations qui seront demandées aux services – dont la liste que vous nous présentez est très complète – soient assorties d'un degré suffisant de confidentialité pour qu'elles nous soient effectivement fournies.

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