Les États nationaux comme la Commission européenne font aujourd'hui face à une accumulation de problèmes sans précédent depuis la deuxième guerre mondiale en matière de migrations et, surtout, de sécurité. Précisons d'emblée que les deux questions ne se confondent pas, même si le terrorisme peut constituer un point d'intersection entre elles : dans tous les États membres et en France en particulier, les problèmes de migrations sont distincts des problèmes de sécurité. Les uns et les autres, cependant, suscitent de profondes interrogations sur l'avenir de la construction européenne au regard de la manière dont elle a été pratiquée jusqu'ici.
Je ne suis pas de ceux et celles, madame Auroi, qui pensent que tout peut être résolu par un surcroît d'Europe. À force de répéter depuis vingt ans que l'Europe peut tout résoudre, l'Europe ne résout pas les problèmes réels – et non hors-sol – auxquels se heurtent nos pays. Votre intervention, monsieur le commissaire, vous permettra sans doute de répondre à ces problèmes objectifs – je ne parle pas d'angoisses existentielles – qui doivent être abordés avec le plus grand sérieux.
La première question qui se pose à nous est celle de l'accueil concret des migrants et, parmi eux, des réfugiés. Je me contenterai, à cet égard, d'évoquer la négociation entre l'Europe et la Turquie, que le sommet de dimanche a mise en lumière. En échange des 3 milliards d'euros qui seraient accordés – selon quel calendrier ? – à la Turquie, quels engagements considéreriez-vous qu'elle devrait impérativement prendre ? Je pense naturellement à l'application des accords de réadmission et au renforcement de la lutte contre les filières de passeurs, qui sont les grands pourvoyeurs de migrants auxquels ils imposent des conditions épouvantables.
Autre question : Schengen. Faites-vous vôtres les mots du président de la Commission qui a récemment déclaré devant le Parlement européen que le système de Schengen était « partiellement comateux » ? Certes, ces propos ne sont guère encourageants mais les brèches ouvertes dans Schengen sont telles qu'il est impossible de ne pas les voir et, du même coup, de ne pas se demander comment y réagir. Croyez-vous, monsieur le commissaire, à une renégociation a minima de l'accord de Schengen, et dans quel sens ? Pensez-vous qu'une telle renégociation ouvrirait la voie à des demandes reconventionnelles portant éventuellement sur d'autres traités européens, ce que certains envisageront avec angoisse et d'autres, dont je suis, avec davantage d'optimisme ?
Je m'interroge également sur les moyens juridiques de Frontex. Cette agence n'a, en effet, pas de pouvoirs propres ; elle n'a qu'un pouvoir de coordination concernant le renvoi des migrants. Le renforcement des pouvoirs juridiques de Frontex vous semble-t-il pertinent ou pensez-vous que la seule augmentation de ses moyens suffirait ?
Enfin, les attentats du 13 novembre ont mis en lumière les lacunes importantes qui existent en termes de coordination des services de renseignement. Croyez-vous à la proposition de la Commission de créer une agence européenne du renseignement ? Une telle structure serait sans doute utile mais, compte tenu du temps nécessaire à sa création, comment améliorer la fluidité des connexions qui existent entre les services de renseignement des pays les plus concernés par le passage de terroristes, qu'ils soient apprentis ou confirmés ? La conclusion d'accords bilatéraux – entre la Belgique et la France, par exemple – ne permettrait-elle pas d'anticiper de réels besoins en la matière ?