Je suis ravie de pouvoir vous présenter aujourd'hui l'action de mon secrétariat d'État. J'attache une attention toute particulière à ce que le Parlement puisse exercer ses fonctions de suivi de l'action de l'exécutif. Au-delà de l'objectif d'évaluation, nous devons profiter de ce moment pour enrichir nos visions réciproques, pour plus d'efficacité et de cohérence dans l'action publique.
Nous vivons au sein d'une économie globalisée accélérée, où les innovations sont permanentes. De nouveaux modèles émergent constamment. Ils sont numériques, collaboratifs, solidaires ou circulaires, et ils remettent en question les ordres établis. Ce mouvement perpétuel est synonyme de nouvelles perspectives pour les consommateurs et les entreprises. À terme, c'est un facteur de mobilité sociale et de dynamisme économique. Mais ce monde économique est aussi ultraconcurrentiel, dur et parfois violent. Il peut être à l'origine d'injustices, écarter de la croissance des territoires entiers : il peut se révéler particulièrement difficile pour les petites et moyennes entreprises.
Dans ce cadre, je veux que chacun, et en particulier les plus petits, ait confiance dans la capacité de notre économie à les intégrer et à les développer. Voici ma ligne directrice : dans ce monde en mouvement, je veux que chaque acteur économique, quelle que soit sa taille ou son modèle de développement, trouve sa place. Les artisans doivent avoir confiance dans la capacité de notre économie à valoriser leurs savoir-faire d'exception. Les commerçants doivent avoir confiance dans la capacité de notre économie à donner toute sa place à la distribution de proximité. Les consommateurs doivent avoir confiance dans la capacité de notre économie à respecter leurs droits. Enfin, les acteurs de l'économie sociale et solidaire doivent avoir confiance dans notre capacité à développer d'autres modèles économiques.
Pour remplir cette mission, je peux m'appuyer sur trois lois d'envergure, qui fixent, chacune dans son domaine, un cadre clair pour permettre une adaptation durable et équitable de notre économie. Ma priorité est de faire vivre ces lois, de les promouvoir et d'inciter les acteurs concernés à s'en saisir pleinement.
Bien entendu, je mène cette action dans le cadre budgétaire que vous connaissez. Le redressement des comptes publics reste une priorité du Gouvernement et mon portefeuille participe nécessairement à cet effort collectif. Mais cet effort n'est pas un obstacle indépassable qui nous empêcherait d'agir. Des marges de manoeuvre existent et il faut savoir les activer.
Concernant la consommation, et conformément à la ligne que j'ai évoquée à l'instant, je veux favoriser la confiance des consommateurs, mais aussi des professionnels, dans le fonctionnement équitable du marché. Cette confiance est indispensable, car aucune économie ne peut avancer durablement sans des règles du jeu justes et connues de tous.
La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a été pensée pour développer une réelle citoyenneté économique en rééquilibrant les rapports de force entre les consommateurs et les entreprises. Il ne s'agit pas de créer un climat conflictuel. Bien au contraire, nous voulons éviter que les litiges entre consommateurs et professionnels ne se règlent systématiquement par voie judiciaire. À terme, la loi vise à créer un climat de confiance mutuelle, bénéfique pour les consommateurs et les professionnels.
À ce jour, plus de cinquante mesures prévues par la loi du 17 mars 2014 sont en vigueur. On peut notamment retenir le renforcement de la mobilité bancaire, qui permet aux consommateurs de faire jouer plus facilement la concurrence entre les établissements financiers. La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques du 6 août 2015 a d'ailleurs enrichi ce dispositif. Globalement, les nouveaux pouvoirs que vous avez conférés à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont applicables et déjà utilisés. Quelques mesures sont encore en voie d'application, telles que le démarchage téléphonique, mais je peux vous assurer de ma pleine mobilisation pour concrétiser ces avancées en faveur des consommateurs.
Parmi les mesures les plus importantes, l'action de groupe produit déjà des résultats. Depuis un peu plus d'un an, l'action de groupe a permis d'aboutir à une procédure amiable dans un cas sur six – les autres sont toujours en cours – et d'indemniser 100 000 personnes. Cette mesure permet d'ores et déjà un rééquilibrage des relations entre consommateurs et professionnels, l'objectif n'étant pas de multiplier les procédures, mais d'inciter les entreprises à adopter de manière préventive des comportements vertueux.
En complément de cet outil majeur, je suis pleinement mobilisée pour que le mécanisme de médiation soit bientôt généralisé en France. J'ai présenté, lors du conseil des ministres du 28 octobre, le projet de loi portant ratification de l'ordonnance du 20 août 2015. Dans les jours qui viennent, la commission d'évaluation et de contrôle sera installée. Elle transmettra, au cours du mois de décembre, une première liste de médiateurs à la Commission européenne, en vue du lancement, le 9 janvier 2016, de la plateforme européenne de règlement en ligne des litiges de consommation. Les Français bénéficieront, dès le premier trimestre 2016, d'un système de médiation de la consommation gratuit, efficace et indépendant, dans tous les secteurs de notre économie.
Comme je l'annonçais concernant la consommation, mon action vise aussi à garantir la confiance des professionnels dans le fonctionnement équitable du marché. Les consommateurs ont des droits, les entreprises aussi. Cette équité passe par l'application d'une concurrence loyale entre les petits et les grands, entre le numérique et le physique, et entre les acteurs existants et les nouveaux entrants. Il faut saluer, à cet égard, le travail de la DGCCRF, qui est pleinement mobilisée pour assurer le maintien de cette concurrence loyale.
Je souhaite évoquer rapidement la question de l'économie collaborative, qui connaît un essor fulgurant en France. Cette économie ne vient plus seulement compléter des revenus et apporter de nouvelles expériences de consommation individuelles. Une masse critique a été atteinte et elle est partiellement devenue une véritable industrie composée de professionnels. Dès lors, comme pour toute profession, des règles doivent être appliquées. Elles doivent être simples, équitables et assurer la protection des consommateurs. Des travaux sont en cours dans cette perspective et j'ai demandé à mes services d'être particulièrement attentifs sur ce point.
Vous l'avez compris, la consommation est un sujet au coeur des évolutions que connaît notre économie. Le Gouvernement en a pris toute la mesure et je fais en sorte d'agir avec pragmatisme pour accompagner ces mutations.
S'agissant des artisans, des commerçants et des TPE, mon objectif est, ici aussi, d'agir pour favoriser leur confiance individuelle et collective dans l'avenir. Ces acteurs de l'économie de proximité représentent les deux tiers des entreprises françaises. Ils sortent petit à petit de la crise et doivent s'approprier la révolution numérique. Ils doivent savoir que notre pays encourage l'esprit entrepreneurial et reconnaît leur apport décisif à la vitalité économique de nos territoires.
La loi ACTPE a été pensée dans ce sens. Nous voulons favoriser une économie de proximité forte et diversifiée. La loi compte parmi ses mesures phares la rénovation du régime des baux commerciaux, le développement d'outils en faveur de l'implantation des commerces dans les territoires, la fusion des régimes microfiscal et microsocial en un seul et unique régime simplifié, la microentreprise et, enfin, la reconnaissance des métiers d'art, au-delà de l'artisanat.
Des éléments encourageants peuvent d'ores et déjà être relevés.
En matière de loyers commerciaux, les premières remontées dont nous disposons indiquent que la loi a incité les bailleurs à accorder des diminutions de loyer aux locataires qui acceptent de ne pas interrompre le bail tous les trois ans. C'est un premier signe positif de la réforme.
La réforme de la microentreprise va entrer en vigueur au 1er janvier 2016. Ce dispositif va d'abord permettre un rééquilibrage des droits vis-à-vis des entrepreneurs classiques. Mais surtout, il est appelé à devenir le régime de référence pour toute personne désirant amorcer une activité, qu'il s'agisse d'une démarche à plein temps ou cumulée avec une autre activité. La microentreprise continuera d'être une solution simple pour l'entreprenariat individuel, tout en incitant les plus performants à continuer leur croissance et à changer de dimension le moment venu.
Le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) est passé d'une logique de guichet à une logique d'appels à projets, ce qui permet de mieux cibler ses interventions et de donner la priorité aux territoires les plus touchés par les phénomènes de désertification. Les résultats du premier appel à projets seront connus au premier trimestre 2016.
La loi ACTPE permet de fixer une nouvelle définition légale des métiers d'art, au-delà de l'artisanat. Sur ce point, j'ai signé le décret tant attendu ; il est désormais entre les mains de la ministre de la culture.
En ce qui concerne l'artisanat, je veux aussi souligner la mise en place des titres d'« artisan cuisinier » et d'« artisan crémier-fromager », qui permettent de valoriser les savoir-faire d'exception de ces professionnels de la gastronomie, qui pourront s'inscrire au registre des métiers d'ici à la fin de cette année.
Pour les mois à venir, trois sujets m'occupent particulièrement, concernant l'économie de proximité : le RSI, les réseaux consulaires et l'entreprenariat individuel.
S'agissant du RSI, il nous est demandé des solutions immédiates pour plus de lisibilité et plus de simplicités du régime. Même si nous avons été réactifs et que beaucoup a été fait pour améliorer le fonctionnement du RSI, les dégâts engendrés par sa réforme en 2008 sont encore profonds et la défiance encore bien présente sur le terrain. L'application rapide de la feuille de route présentée le 25 juin avec Mme Marisol Touraine et M. Christian Eckert est donc essentielle. Elle est notamment concrétisée au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016, qui a repris les propositions du rapport des députés Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier. À ce titre, le comité de suivi dédié à la question du RSI, qui sera installé le 15 décembre prochain, veillera au respect des engagements pris.
Concernant les réseaux consulaires, trois défis principaux doivent être relevés : l'adaptation de leur organisation à la nouvelle carte territoriale, leur inclusion dans l'effort de maîtrise des dépenses publiques et le lancement d'une réflexion sur l'avenir de leurs missions. J'ai présenté en conseil des ministres, la semaine dernière, une ordonnance et un projet de loi qui vont dans ce sens. J'y reviendrai plus largement en deuxième partie de cette réunion.
Enfin, et c'est peut-être le chantier de plus long terme, car il comporte une dimension culturelle forte, il faut encourager par tous les moyens possibles l'entreprenariat individuel. La microentreprise est la base de cette politique, mais nous ne pouvons pas nous contenter d'inciter à la création d'entreprise. Il faut aussi accompagner leur croissance et leur développement jusqu'à l'étape de la transmission. À cet égard, Mme Fanny Dombre Coste nous a remis, à Emmanuel Macron et moi-même, en juin 2015, un rapport très constructif sur la transmission d'entreprise. Ce rapport a déjà trouvé une traduction au sein du projet de loi de finances (PLF) pour 2016, notamment au travers de l'extension du crédit-vendeur à trois ans. Les entrepreneurs doivent savoir, non seulement qu'ils peuvent facilement créer et développer une entreprise en France, mais aussi la transmettre le moment voulu. Nous avons d'ailleurs mis en place, il y a quelques jours, un premier comité de pilotage.
Au-delà, il faut aussi favoriser l'entreprenariat individuel parce qu'il est facteur d'intégration économique, donc d'intégration tout court. Dans le contexte actuel, la politique du Gouvernement, tournée vers l'entreprenariat des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou des zones rurales au travers de l'Agence France Entrepreneur, trouve toute sa pertinence. L'économie de proximité représente un potentiel de croissance et de mobilité sociale très important et je suis particulièrement attachée à ce que ses acteurs bénéficient d'un soutien durable et de perspectives prometteuses.
En ce qui concerne l'économie sociale et solidaire (ESS), je veux, ici encore, favoriser un climat de confiance dans cette autre façon d'entreprendre, à la fois historique et moderne, socialement utile et économiquement performante. J'attache une importance toute particulière à ce sujet, car il s'agit d'apporter une réponse globale aux interrogations de nombreux Français, qui se demandent comment réconcilier l'économie et le respect de valeurs solidaires et sociales. Les plus jeunes, notamment, souhaitent, dans un contexte de crise économique, sociale et écologique, imaginer de nouvelles solutions plus participatives, plus durables et plus humanistes. L'ESS répond très directement à ces aspirations. C'est une façon d'entreprendre à part entière, porteuse d'innovations sociales majeures, créatrice d'emplois et génératrice de lien social.
Mon objectif est à la fois de permettre aux acteurs historiques de l'ESS de se renforcer, mais aussi aux nouveaux entrants, aux jeunes entrepreneurs, d'adopter ce modèle de développement pour permettre, à terme, d'agrandir cette famille qui représente déjà 10 % de notre PIB.
La loi relative à l'économie sociale et solidaire, promulguée le 31 juillet 2014, a fixé un cadre juridique clair et ouvert aux sociétés commerciales qui adopteront un objectif d'utilité sociale. C'était la première étape indispensable pour la réussite d'une démarche de changement d'échelle de l'ESS. Dix-huit mois après son adoption, cette loi est applicable à plus de 90 % : trois décrets en attente sont liés à d'autres textes et deux décrets font, en ce moment même, l'objet d'une consultation du Conseil supérieur de l'ESS pour une publication dans les prochaines semaines.
Maintenant que ce travail d'élaboration des textes d'application est quasiment terminé, il faut favoriser le passage du relais aux acteurs de terrain et encourager de nouveaux entrants à franchir le pas. C'est à eux désormais de se saisir des outils d'accompagnement et de financement spécifiques qui sont à leur disposition. C'est à nous de les y aider en élaborant, avec le Conseil supérieur de l'ESS, une stratégie ambitieuse du développement de l'économie sociale et solidaire.
Pour les encourager, ma feuille de route comprend trois axes : structurer les réseaux d'accompagnement, inciter les acteurs de l'ESS à travailler avec d'autres acteurs économiques, promouvoir un modèle français au-delà de nos frontières.
Concernant la structuration des réseaux d'accompagnement de l'ESS, je vais lancer, dans les prochaines semaines, un audit auprès des chambres régionales de l'ESS (CRESS) pour les aider à se doter d'un modèle économique consolidé et pérenne et leur permettre d'aider encore plus efficacement les acteurs de l'ESS. Je vais aussi m'attacher à ce que l'ensemble des réseaux d'accompagnement renforce son offre de formation à l'ingénierie financière pour que les entreprises de l'ESS bénéficient pleinement des dispositifs de financement disponibles.
Concernant l'ouverture vers d'autres acteurs économiques, les entreprises de l'ESS et les entreprises « classiques » ont beaucoup à gagner à travailler ensemble. Sur le modèle des pôles territoriaux de coopération économique, elles peuvent mutualiser des ressources, conclure des partenariats ou coopérer directement au service de leurs développements mutuels.
Concernant, enfin, la promotion d'un modèle français à l'international, nous pouvons jouer un rôle fédérateur pour l'ESS en Europe et dans les pays du pourtour méditerranéen. Je souhaite que des discussions soient engagées avec nos partenaires étrangers pour avancer vers des définitions convergentes de l'ESS. Il faut s'entendre sur des périmètres similaires et des objectifs communs pour créer des synergies. Je pense que, grâce à la loi, nous avons un modèle attractif de l'ESS, basé sur l'ouverture aux sociétés commerciales à objectif social, et qu'il peut emporter l'adhésion. C'est le message que j'ai délivré lors de mes déplacements récents au Portugal ou au Maroc et que j'ai l'intention de délivrer prochainement au Luxembourg. L'économie sociale et solidaire est une opportunité pour nos économies et plus largement pour nos sociétés, et je compte en faire une priorité de mes travaux.
Je pense que vos questions me permettront de dire quelques mots du tourisme tout à l'heure.
Mon portefeuille est vaste. Il concerne une très grande diversité d'acteurs et présente de nombreux défis. Pourtant, il a sa cohérence. Dans chacun de ces secteurs d'activité, les Français, consommateurs comme professionnels, sont dans l'attente de signaux forts qui leur permettent de s'engager avec confiance dans l'avenir. Les plus petits, notamment, demandent à être protégés et accompagnés pour pouvoir s'adapter pleinement à cette économie en mouvement.
C'est une tâche d'envergure, particulièrement dans le contexte actuel, où la peur est apparue de la pire des façons dans notre quotidien. À cet égard, je veux souligner la réactivité de l'État, qui a pris des mesures pour permettre la continuité de la vie économique dès le lendemain des attaques. Je veux aussi vous assurer de mon engagement total, au ministère et sur le terrain, comme la semaine dernière auprès des commerçants parisiens ou dans les grands magasins, pour permettre aux acteurs économiques de faire face à cette période difficile.
Cette tâche, ce message de confiance, aujourd'hui comme demain, demande de faire preuve de persévérance et d'abnégation. Les lois ont été votées, les outils sont là. Reste désormais à les faire vivre sur le terrain. C'est le cap que je me suis fixé pour les prochains mois.