Intervention de Nicolas Dufourcq

Réunion du 1er décembre 2015 à 17h00
Commission des affaires économiques

Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIfrance :

Madame la présidente, je commencerai par votre question. Nous avons réagi très rapidement puisque le lundi suivant les attentats, nous avons annoncé notre décision de reporter de deux trimestres le paiement des échéances de prêt des hôteliers parisiens. Nous sommes en train d'instruire cent vingt dossiers et, pour ce faire, avons recruté des intérimaires. Nous examinons par ailleurs la possibilité de mener des actions en faveur d'autres catégories des métiers du tourisme à Paris, qui prendraient plutôt la forme de prêts de trésorerie assis sur des fonds de garantie.

Le préfinancement du CICE peut en effet être considéré, Monsieur Yves Blein, comme un bon indicateur du degré de tension dans la gestion de la trésorerie des entreprises. Ce préfinancement rencontre un grand succès chez les PME et les ETI, qui ont commencé à comprendre qu'il s'agissait d'un outil facile et bon marché pour le financement de la trésorerie. Elles y viendront de plus en plus. Pour les TPE, nous constatons un changement : elles ne viennent plus chercher, comme au printemps 2013, des petites sommes, de 500 euros à 1 000 euros ; désormais, elles viennent solliciter un préfinancement à partir d'un montant de 2 000 euros. Par ailleurs, les indicateurs de la Banque de France sont assez positifs : le stress sur la trésorerie, qui était très important dans les années 2012, 2013 et 2014, recule. Cela ne signifie pas pour autant que nous sommes parvenus à des niveaux satisfaisants, la trésorerie restant l'un des problèmes majeurs du financement des entreprises françaises avec le crédit interentreprises. Nous demeurerons très actifs en ce domaine : nos activités de financement de trésorerie atteignent environ 5 milliards d'euros et nous serons en croissance en 2016 de plus de 10 %.

Le moral des entreprises est bien meilleur, même s'il faut tenir compte des effets liés aux attentats et aux élections régionales de la semaine prochaine. Par rapport à la période où BPIfrance a été créée, c'est le jour et la nuit : à l'hiver 2012, nous percevions une immense mélancolie teintée de découragement ; depuis quelque temps, nous constatons que nos 80 000 clients vont beaucoup mieux. Les projets d'investissement sont là. Nous n'atteindrions pas sinon une croissance de 15 % par an. Dans les meetings que nous organisons dans les villes de France, les entrepreneurs n'hésitent pas à nous dire que l'activité est repartie et qu'au fond, ils vont bien. La question pour nous est moins de leur redonner un moral qu'ils avaient perdu que de faire naître chez eux une ambition qu'ils n'ont pas encore eue. Nous constatons que souvent, la mire du fusil n'est pas assez relevée. Et ce trait n'est pas propre aux entrepreneurs français : nos homologues de la British Business Bank font le même constat. Cette moindre ambition est liée à la solitude des entrepreneurs : quand vous êtes seul, il vous est plus difficile de vous dire que vous allez partir à l'attaque des géants.

La titrisation des prêts sera-t-elle source d'améliorations ? Nous avons pris des initiatives assez fortes qui ont porté pour partie leurs fruits. Nous avons ainsi lancé les prêts d'avenir à hauteur de 200 millions d'euros : prêts sur dix ans, avec trois ans de différé de remboursement, entièrement titrisés et revendus à une compagnie d'assurance française. Nous n'avons toutefois pas pu en étendre l'échelle, malgré tous nos efforts : les autres compagnies d'assurance n'ont pas souhaité acheter ce produit, l'appétit pour la titrisation des crédits de PME n'étant pas énorme en ce moment. Le coût des crédits aux PME est en France au plus bas parmi tous les pays d'Europe : il se situe à trente points de base en dessous des crédits aux PME en Allemagne. Or les points de base permettent de rémunérer à la fois ceux qui élaborent le produit et la compagnie d'assurance, qui sert un rendement aux détenteurs de contrats d'assurance vie. Résumons-nous : la compagnie d'assurance, au lieu d'acheter de la dette de PME, achète de la dette garantie à 100 % par BPIfrance mais, comme le crédit est très peu cher, il n'y a pas vraiment de marge de manoeuvre pour qu'elle conserve un rendement suffisamment attractif. Je fais l'hypothèse que lorsque le coût du crédit remontera, dans quelques années, lorsque nous aurons quitté la période de quantitative easing que nous vivons, un espace important s'ouvrira pour la titrisation.

Pour ce qui est de l'affacturage inversé, nous travaillons sur la question, après avoir fait preuve d'un peu trop de conservatisme peut-être.

Vous savez sans doute que la Banque de France n'a pas souhaité donner suite à l'élargissement des données FIBEN. Nous y sommes, pour notre part, très favorables.

Plusieurs préconisations du rapport de M. Laurent Grandguillaume ont été évoquées.

S'agissant du retournement, il existe une doctrine très simple, votée par le Parlement : soit BPIfrance finance des fonds de retournement privés, soit elle accompagne des repreneurs individuels.

Les fonds privés opèrent le retournement, en prenant la majorité du capital d'une entreprise, en procédant à une restructuration profonde, en modifiant son management, en réinvestissant et relançant son activité. Nous avons investi dans une demi-douzaine de fonds de ce type et instruisons en ce moment trois ou quatre nouveaux dossiers. Le problème, c'est qu'en France nous manquons de fonds privés. S'il y en a peu, c'est que beaucoup ont disparu car il s'agit d'une activité hautement risquée. Dès que nous considérons qu'un fonds fait preuve de professionnalisme, travaille bien avec les tribunaux de commerce, bref connaît la musique sans être un fonds vautour, nous n'hésitons pas à investir dans des proportions importantes.

Deuxième cadre d'intervention de BPIfrance : l'accompagnement des repreneurs individuels. Notre aide est subordonnée au fait que le repreneur investisse lui-même des montants non négligeables, sinon nous tomberions toujours sur la même catégorie d'individus qui essaient de ramasser de bons actifs aux frais du contribuable. Nous refuserions la demande d'un repreneur qui n'investirait qu'un million d'euros et viendrait nous solliciter pour apporter 15 millions d'euros. Il faut un alignement d'intérêts avec un entrepreneur qui s'engage pleinement. C'est ainsi que BPIfrance a apporté 12 millions d'euros à M. Dominique Coutière après qu'il a investi 15 millions d'euros dans le groupe Gascogne, dans les Landes.

À travers ces deux modes d'intervention, nous ne couvrons pas tout le champ de la restructuration. Une partie est couverte par le Fonds de développement économique et social (FDES), rénové par le ministère des finances à la fin de l'année 2013, et qui continue d'intervenir sur quelques dossiers.

Il faut toujours avoir en tête que l'on peut investir dans des entreprises qui vont bien et qui trois ans plus tard vont mal. Nous avons beaucoup de cas de ce type, quelle que soit la nature des tickets. Prenons le cas des entreprises qui relevaient du Fonds stratégique d'investissement (FSI) : elles vont nécessiter des capitaux importants. Des sociétés du secteur parapétrolier comme Vallourec ou CGG vont avoir besoin du soutien de leur actionnaire de référence, qui est BPIfrance. Je ne dis pas qu'elles sont en retournement, mais elles sont confrontées à des difficultés financières : nous les aidons dans leurs restructurations. Ce sera le cas aussi pour Eramet. C'est notre rôle : nous accompagnons toujours nos clients quand il s'agit de gravir la face nord. Je cite des noms connus mais les mêmes situations se présentent dans notre portefeuille de PME : sur 550 entreprises, il y en a 80, si ce n'est plus, dont on peut considérer qu'elles vivent une période de difficultés. De la même manière, nous les accompagnons par nos activités de capital, de prêts et de conseil.

L'activité de retournement de BPIfrance ne s'arrête pas aux cas particuliers où la question se pose de savoir si nous allons ou non investir dans FRAM ou Fagor. Il y a un nombre incalculable d'autres situations. Nous sommes la banque qui prend le plus de risques en France, et de loin. Je pourrais citer Sequana, héritière de la papeterie Arjowiggins, que nous avons aidée dans sa restructuration ou encore la plate-forme de Voreppe dans les Alpes, où nous relançons, par un investissement de 35 millions d'euros, une usine de papeterie avec un partenaire espagnol.

Vous le voyez, notre activité couvre un spectre extrêmement large.

J'en viens à la question du continuum de financement pour les TPE. BPIfrance rassemble 2 500 salariés – dont 1 000 sur le terrain – pour 1 million de TPE : nous ne disposons pas de ressources humaines suffisantes pour les prendre en charge directement. Le système français est intermédié : nous garantissons les crédits que les banques accordent aux TPE, à hauteur de 25 000 par an. Nous avons décidé de nous lancer dans une nouveauté : une plateforme en ligne de distribution de prêts, d'un montant de 50 000 euros, à destination des TPE. Cette structure de fintech digitale sera mise en place au début de l'année 2016. Nous aurons tout à apprendre : quelle sera la volumétrie ? Comment pourrons-nous la traiter ? Comment piloter le risque à distance ? C'est une percée de BPIfrance dans ce qu'on appelle le crowdfunding. Nous ne manquerons pas de vous faire part de nos premières conclusions.

Qu'en est-il des cadres d'investissement où nous ne trouvons pas de co-investisseur ? Il y a deux situations à distinguer.

D'abord, celle des toutes petites entreprises, qui représentent 5 % des cas. Le chef d'entreprise, après avoir accepté d'ouvrir son capital, se montre réticent à ce que deux fonds y soient présents d'un coup et nous dit préférer bâtir d'abord une relation de confiance avec nous avant de procéder à une ouverture plus large.

Ensuite, il y a les gros projets d'intérêt national. En l'absence de co-investisseur, il est très délicat pour nous d'avancer seul car il faut pouvoir prouver à nos partenaires de marché et à la direction de la concurrence de la Commission européenne que notre investissement est avisé et qu'il ne s'apparente pas à une aide d'État. Toutefois, de tels cas ne se présentent en général qu'une fois par an.

En matière d'économie sociale et solidaire, nous finançons des fonds d'investissement de manière conjointe avec le Crédit coopératif. Nous finançons également des coopératives : je pense à une entreprise coopérative de câblerie concurrente de Nexans, à Limagrain et Sofiproteol, deux groupes au capital desquels nous participons. L'ESS va des toutes petites entreprises aux très grandes et nous sommes partie prenante à son financement. Demain, je participerai à un comité d'investissement pour investir, aux côtés de Sofiproteol, dans un projet qui représente pour BPIfrance 34 millions d'euros. Cet investissement s'inscrit dans le cadre des 500 millions que BPIfrance s'est engagée à consacrer à ce secteur, un objectif qui sera atteint.

Je répondrai à la question de M. Letchimy en disant que nous ne pouvons pas à ce jour participer au préfinancement du crédit d'impôt pour les investissements productifs en outre-mer. Nous sommes en discussion avec le ministère des finances et nous n'avons pas obtenu ce que nous avions obtenu pour le CICE, à savoir que ce crédit d'impôt soit considéré comme une créance certaine, en germe. Il faut savoir que le préfinancement du CICE est déjà risqué – nous avons un fonds de garantie pour couvrir les cas des entreprises qui meurent avant même d'avoir pu bénéficier du crédit d'impôt.

Comment mieux faire connaître le crédit acheteur à l'exportation ? En 2016, nous allons verser 5 millions d'euros à Business France pour que cette structure nous accorde le concours de cinquante collaborateurs, qui seront chargés de démarcher les entrepreneurs pour commercialiser des prêts à l'exportation, des stratégies export, des crédits acheteur. Vous avez cité, madame Catherine Vautrin, le cas de Mecatherm, bénéficiaire d'un de nos crédits à l'exportation pour l'installation à Maputo, au Mozambique, de lignes de fabrication de pains croustillants. C'est un bon exemple des actions que nous pouvons mener. Il y a énormément de PME qui découvrent avec des étoiles dans les yeux l'existence du crédit à l'export. Il faut tout faire pour le diffuser très activement. Nous visons, à horizon du plan stratégique, 500 millions d'euros par an.

Y a-t-il une méthode pour transformer les start-up en PME ? Oui, c'est l'accompagnement. Il faut distinguer deux types d'accompagnement selon les secteurs.

Tout d'abord, le secteur des technologies. Après avoir trouvé un business angel et rassemblé son argent familial, le love money comme on dit, l'entrepreneur viendra nous voir pour se lancer : nous lui proposerons un prêt d'amorçage et des fonds propres d'amorçage ; s'il est vraiment bon – s'il allie intensité et qualité du projet –, nous lui proposerons le pass French Tech qui consiste pour nous à l'accompagner pendant plusieurs années jusqu'à ce qu'il se stabilise et soit en mesure de lever des fonds de capital-risque. Sa start-up pourra alors devenir une entreprise de plein exercice.

Il y a, ensuite, les secteurs plus classiques, celui de l'hôtellerie par exemple. L'entrepreneur est dans une situation à la fois plus facile et plus difficile. Son activité est plus prédictible, moins risquée, et peut lui permettre de gagner de l'argent très vite : au bout de trois exercices positifs, il est en mesure de bénéficier d'un prêt sans garantie de BPIfrance de plusieurs millions d'euros et d'être accompagné. Et si son entreprise est très dynamique, elle peut entrer dans notre accélérateur de PME.

La transmission des entreprises est fondamentale. Nous avons publié une étude intitulée Transmettre pour grandir, que nous tenons à votre disposition. Ses conclusions sont très simples : transmettre prend dix ans. Cela suppose pour le chef d'entreprise de commencer à travailler à la transmission vers cinquante ans. BPIfrance a lancé un check-up transmission que tous nos clients recevront quand ils auront atteint cet âge. Il donne l'alerte sur tous les sujets fiscaux, financiers, patrimoniaux, familiaux, qu'il faut prendre en compte et insiste sur le fait que c'est un énorme chantier, qu'il ne faut pas sous-estimer.

Pour ce qui est des liens de BPIfrance avec la recherche universitaire, je dirai très simplement que nous sommes la banque des pôles de compétitivité. Nous leur demandons de nous soumettre des entreprises à financer et nous les finançons quand elles répondent à nos critères.

Quant à l'accord avec le Crédit agricole, il est très classique. Nous avons déjà passé de tels accords avec BPCE, La Banque postale, BNP-Paribas et HSBC. Il s'agit de faire en sorte que ces banques, dotées de ressources humaines incomparablement plus élevées que les nôtres, relaient notre message. Avec le Crédit agricole, l'accord est axé sur l'international comme avec HSBC ; avec BNP-Paribas, il est axé sur l'innovation ; avec La Banque postale, sur les crédits sans garantie.

Comment peut-on remédier à la frilosité des banques privées ? Nous jouons un rôle d'entraînement. Pour financer sa PME, un entrepreneur peut d'abord se tourner vers un pool bancaire : s'il manque de l'argent alors que les diverses banques ont déjà pris toutes les garanties possibles, nous lui accordons un complément sans garantie. Inversement, il peut d'abord venir solliciter BPIfrance pour obtenir une sorte de label, puis démarcher les banques, lesquelles ont confiance dans notre instruction car, comme notre activité est centrée sur les crédits aux PME, nous avons la réputation d'être des spécialistes de ce risque.

Parmi les partenariats que nous nous nouons avec les régions, il y en a de plus actifs que d'autres. Citons les régions Rhône-Alpes, Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d'Azur et, bien sûr, la région Île-de-France qui nous confie beaucoup de capitaux – ses dotations à nos fonds de garantie sont les plus élevées et atteignent entre 10 et 15 millions d'euros par an. Nous avons aussi toute une activité de gestion et de conseil auprès des régions pour les aides du FEDER, dont elles ont la charge et que nous logeons dans des fonds communs d'innovation et des fonds communs de garantie pour les PME.

Quelles prestations sont prévues pour l'internationalisation des TPE ? Aucune. Pour les PME, j'ai déjà évoqué nos actions : nous leur ménageons des rendez-vous avec Business France, nous les finançons avec des prêts à l'exportation, avec le crédit acheteur à l'export, avec la mobilisation de créances à l'export et nous allons désormais les couvrir avec de l'assurance-crédit.

Vous avez évoqué la pré-garantie pour les TPE, que préconise M. Laurent Grandguillaume dans son rapport : nous avons toujours considéré qu'un tel dispositif était trop compliqué à mettre en oeuvre, compte tenu du fonctionnement du mécanisme de garantie. En revanche, nous incitons les TPE à indiquer à leurs banques que le crédit qu'elles sollicitent peut être garanti par BPIfrance.

En matière de rénovation et d'efficacité énergétiques, nous ne finançons ni les infrastructures, ni les projets de rénovation des bâtiments. C'est notre maison-mère, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui en a la charge. Le partage des tâches est très simple : BPIfrance est la branche de la CDC dédiée aux entreprises.

Nous avons fixé le montant minimum d'investissement dans le capital à 500 000 euros. Les tout petits investissements, de l'ordre de 200 000 euros, se font au travers de fonds régionaux, financés minoritairement par BPIfrance, à hauteur de 20 % à 30 %. Il faut savoir que les tout petits tickets sont les plus risqués : au bout de dix ans, le financeur retrouve à peine le montant de sa mise.

Notre accélérateur de PME accueille chaque année 70 entreprises pour un programme de deux ans : 140 PME sont donc présentes en permanence dans notre école. L'accélérateur d'ETI accueillera, quant à lui, 25 entreprises chaque année pendant deux ans, ce qui fera 50. Quant à l'accélérateur de start-up, il accueillera chaque année 120 entreprises toujours sur deux ans, ce qui fera 240. Plus de 400 entreprises seront donc présentes en permanence dans nos accélérateurs.

Où en sont nos négociations avec COFACE ? Elles avancent. Nous serons en mesure de signer le protocole dans le courant de ce mois de décembre, au plus tard au mois de janvier, et le transfert des personnels se fera après que nous aurons procédé à notre big-bang informatique, probablement au mois de septembre 2016. Nous avons choisi des locaux juste à côté des nôtres pour accueillir les 230 salariés de COFACE concernés et y positionner toutes les équipes de BPIfrance se consacrant à l'international afin que tout le monde puisse travailler ensemble tout de suite. Il s'agit d'un vrai projet d'entreprise. J'ai cru percevoir des inquiétudes selon lesquelles la direction des garanties publiques (DGP) de COFACE, en quittant la société privée, risquerait de perdre le contact avec le réseau international de COFACE. Elles ne sont pas fondées puisque le compte public de COFACE n'entretenait déjà pas de relations avec le réseau international privé de COFACE, pas plus que le compte public Hermes en Allemagne ne travaille avec le réseau privé de sa maison-mère, Euler.

Pour ce qui est de la fondation pour l'innovation, je n'ai pas encore de détails à donner. Nous sommes en train de travailler à la formation d'un consensus à l'intérieur de l'État et comme vous le savez, il y a plusieurs États – il y en a bien une dizaine. La concertation avance.

Quelle est notre part de marché dans l'investissement total en France ? Cela dépend de la thèse d'investissement. Pour l'amorçage, nous avons 60 % de parts de marché en euros, car c'est une activité non rentable qui suppose une intervention importante de la puissance publique. Pour le capital-risque, notre part est de 30 %, mais comme nous sommes présents dans tous les fonds privés, on peut dire que 90 % des tickets de capital-risque investis en France comportent de l'argent de BPIfrance. Pour le capital-développement des PME, nous nous situons à environ 20 % de parts de marché. Pour les investissements dans les ETI, dans la catégorie que nous traitons, qui ne relève pas de l'achat à effet de levier qui suppose des multiples de dettes très élevés, notre part de marché se situe à environ 25 %. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que nous sommes présents au capital des grandes entreprises françaises cotées au CAC 40 et au SBF120, avec 14 milliards d'euros investis, qui représentent une grosse partie de nos fonds propres.

Comment répondre à la question sur l'emploi ? D'abord, une chose est sûre, BPIfrance crée de l'emploi. Pour ce qui est de notre activité de fonds propres, nous avons fait le calcul que chaque année, nous créons 15 000 à 20 000 emplois nets à travers le portefeuille d'entreprises que nous finançons. Pour l'activité de crédit, nous ne mesurons pas la création nette d'emplois mais un différentiel : les entreprises que nous finançons créent-elles plus d'emplois que si nous ne les financions pas ? La réponse est clairement positive : nous pouvons nous appuyer sur des études statistiques menées sur des échantillons lourds. Nos actions concernent les secteurs qui créent de l'emploi, y compris dans le domaine des services – rappelons ici que les services à la personne ont créé 500 000 emplois depuis dix ans. Toutefois ces créations d'emplois ne sont, bien sûr, pas à la mesure du problème du chômage en France. Par ailleurs, comme nous nous situons à une échelle micro-économique et non pas macro-économique, je ne peux pas répondre à la question de savoir quand nous atteindrons le point où les courbes entre les secteurs qui créent de l'emploi et ceux qui en détruisent s'inverseront.

Comment s'assurer d'une limite bien définie entre soutien abusif et prêt banalisé d'une banque classique ? Par la règle d'airain du co-financement. Dès lors qu'une banque commence à financer seule, en blanc, sans partager le risque avec une autre banque, cela se termine assez mal. Souvenez-vous de la faillite du Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) en 1993. La sélection adverse du risque joue. Par ailleurs, le co-financement garantit la bonne relation que nous entretenons avec la place bancaire : nous sommes une banque de place, en même temps que nous jouons un rôle d'entraînement.

Comment démultiplier notre action d'accompagnement grâce aux réseaux locaux ? Tout dépend de leur qualité et des hommes et des femmes qui les font vivre : nous allons là où il y a de l'intensité, de la détermination, des moyens. Ici, nous nous appuierons sur une chambre de commerce ; là, sur une agence régionale de développement ou d'innovation.

Vous m'avez interrogé sur le plan de soutien à l'élevage français. Après un lent démarrage, nous assistons à une montée progressive. Notre partenaire, le Crédit agricole, s'y est largement investi. Pour la méthanisation, nous n'avons pas pour habitude d'aider les exploitations agricoles, c'est le rôle du Crédit agricole. C'est un métier, une clientèle, un risque que nous connaissons mal. Nous procédons au cas par cas, à travers des prêts spéciaux des pôles de compétitivité, qui nous permettent de financer des entreprises de méthanisation qui portent des projets innovants.

Pour les fonds Écotechnologies et Ambition numérique, la montée en puissance n'est pas aussi lente que cela : l'année 2013 a été un peu faible, certes, mais 2014 a marqué une progression certaine et 2015 a été une année de très gros investissements, à un point tel que la question du rechargement de ces fonds se pose. Il faut avoir en tête que le travail sur les dossiers exige beaucoup de temps et que certains dossiers nous échappent au profit d'autres fonds.

Je confirme l'engagement de BPIfrance de mobiliser 4 milliards d'euros d'ici à 2018 en faveur de la transition énergétique. J'aurai l'occasion de le redire lors de ma participation à la COP21, vendredi 4 décembre.

Pour ce qui est du nouveau paysage institutionnel, nous travaillerons avec les nouveaux exécutifs régionaux, mais nous ne comptons pas recentrer notre dispositif autour des treize nouvelles régions. Les directions régionales situées dans les nouvelles capitales régionales auront simplement une plume de plus à leur chapeau. Nous souhaitons multiplier les partenariats avec les agences régionales, notamment pour la gestion du FEDER.

Je terminerai par la fiscalité. En 2012-2013, nous étions confrontés au cri de détresse des entrepreneurs en ce domaine. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : lors des déplacements sur le terrain que j'effectue deux fois par semaine, je n'entends plus parler de fiscalité. La fiscalité des plus-values a été largement corrigée. Les statistiques montrent que les marges de l'industrie française sont revenues à leur niveau d'avant la crise, et cela en grande partie grâce au CICE, même si certains affirment que de nouvelles taxes viennent neutraliser ses effets. Le sujet récurrent est moins la fiscalité que les normes : les entrepreneurs nous parlent beaucoup de la France lente, de ces investissements qui mettent des mois à être autorisés, de ces permis de construire obtenus au bout d'un temps interminable. Le chantier de simplification est décisif : il doit être mené dans un esprit collaboratif, loin de toute volonté de contrôle, loin de toute obsession pour les abus. Il ne faut pas décourager les entrepreneurs : il est assez normal qu'ils n'aiment pas que l'on pense que, par nature, ils vont abuser. Or ce soupçon est assez répandu, même si, là encore, c'est une affaire d'hommes et de femmes ; tout dépend de la nature de la personne qui dirige tel ou tel service de l'État. Cette entropie et ce vent contraire qui empêchent les entrepreneurs d'aller aussi vite qu'ils le voudraient ne sont cependant pas propres à la France.

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